Quelle merveilleuse page d’évangile! Une page d’évangile qui nous parle de filets prêts à se rompre, une page d’évangile qui nous parle d’abondance se voulant le signe bien concret de l’irruption de la grâce en notre monde. Mais cette abondance a un prix, elle vient au bout d’un abandon de nos certitudes. Elle suppose la confiance.

Luc 5,1-11

«Pécheurs» demandés… 
Jacques Houle

Quelle merveilleuse page d’évangile! Une page d’évangile qui nous parle de filets prêts à se rompre, une page d’évangile qui nous parle d’abondance se voulant le signe bien concret de l’irruption de la grâce en notre monde. Mais cette abondance a un prix, elle vient au bout d’un abandon de nos certitudes. Elle suppose la confiance.

Et c’est bien ce que Simon-Pierre aura du expérimenter, lui le professionnel de la pêche qui se fait dire par Jésus, un fils de menuisier qui ne connaît rien aux métiers de la mer: Avance au large, et jetez vos filets pour la pêche.

Mais ceci dit, il me semble important d’attirer l’attention sur une autre dimension de cette page d’évangile, une dimension commune aux deux autres lectures qui nous sont proposées aujourd’hui. On entend d’abord Isaïe nous raconter l’histoire de sa vocation. Il ne se fait pas d’illusion sur son indignité, de même pour saint Paul dans sa lettre aux Corinthiens, si bien que nos trois textes pourraient se retrouver sous un même chapeau: Pécheurs demandés, alors que l’évangile nous aurait tout spontanément suggéré quelque chose comme: Pêcheurs demandés.

Évidemment le jeux de mot peut sembler facile, même si dans le récit de la pêche miraculeuse Jésus se dit à la recherche de pêcheurs et plus particulièrement de pêcheurs d’hommes. Mais je persiste à croire que ce Pécheurs demandés n’est pas sans pertinence. Les pages d’Écriture qui nous sont proposées aujourd’hui nous invitent à porter notre regard bien au-delà des filets et des barques que Jésus trouve ce jour là sur le bord du lac de Génésareth.

Au fait que se passe-t-il? Jésus emprunte à Simon-Pierre une barque pour s’adresser à la foule qui se masse sur le rivage. Son entretien terminé, il pousse au large et lui fait vivre l’étrange expérience d’une pêche hors du commun. Mais ici la réaction ne se fait pas attendre. Il se jette à ses pieds et lui dit: Éloigne toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur.

Simon-Pierre vient de comprendre qu’il y a comme un abîme qui le sépare de Jésus. Il sent bien qu’une puissance l’habite et il a peur devant le signe qui la traduit. Pourtant Jésus ne veut ni l’effrayer, ni l’éblouir. Il est à la recherche de partenaires, de pêcheurs d’hommes comme il les appelle, parce qu’il désire les associer à son oeuvre de libération. En langage biblique, pêcher des hommes équivaut simplement à les soustraire aux forces du mal dont l’eau est ici le symbole.

Mais devant la puissance de Jésus, Simon-Pierre se sent indigne, fragile, tellement ordinaire et surtout il se sent pécheur! Or voilà précisément les candidats que Jésus recherche et il s’empresse de rassurer Simon. Il lui dit tout simplement :«Sois sans crainte», un peu comme s’il lui confiait: «Tu as vu ce que peux faire avec un filet et une barque, alors ne t’inquiète pas, viens, je m’occupe du reste». Avec Isaïe c’est un peu ce qui arrive. Lui aussi se trouve indigne avec ses lèvres impures. Tout comme Paul qui écrit: Il est même apparu à l’avorton que je suis… Je ne suis pas digne d’être appelé Apôtre… Ainsi tous les trois se savent indignes, ils se reconnaissent pécheurs. Néanmoins ce sont eux les appelés. Qui enverrai-je, qui sera notre messager? demandait le Seigneur à Isaïe. Et il lui répond: Me voici: envoie-moi! Paul et Simon-Pierre feront de même.

On l’aura compris, ce qu’il sont c’est par grâce, tout comme ceux et celles qui ont pris le relais dans une longue suite de fidélité, tout comme ces personnes qui aujourd’hui travaille à bâtir des communautés. Dieu appelle des être fragiles, mais il est avec eux. Ce n’est donc pas – et surtout pas – à son degré de perfection qu’on reconnaît l’apôtre, mais à la confiance qu’il accorde à son maître. Lui seul est capable d’opérer la pêche miraculeuse. Lui seul est capable de cette abondance qui échappe à toutes les normes et à tous les calculs. Ça Pierre, Paul et Isaïe l’avaient bien compris.

Encore aujourd’hui, pour que la mission se poursuive, Dieu a besoin de partenaires et pourquoi les conditions d’embauche auraient-elles changé? Pécheurs demandés !

Seigneur, ton abondance est miséricorde, une miséricorde gratuite, déroutante et inépuisable. Seigneur, vois le pécheur que je suis, vois les pécheurs que nous sommes, nous t’offrons nos mains pour que se poursuive ton oeuvre de libération et que notre monde devienne toujours plus humain et plus beau.
Amen
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