XXVI Dimanche du Temps Ordinaire (B): Dieu seul est véritablement «catholique»

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Le passage de l’Évangile nous confronte à la situation d’un parti pris. Les disciples sont scandalisés : un homme utilise le nom du Christ pour guérir, mais sans faire partie de leur groupe. À leurs yeux, c’est inacceptable. Quand ils en informent Jésus, ils s’attendent probablement à un acquiescement, peut-être même à une félicitation de sa part. C’est le contraire qui se produit. (...)

Dieu seul est véritablement «catholique»
Marc (Mc 9, 38-43. 45. 47-48)

Agnes von Kirchbach

Qu’il s’agisse de sport, de politique, d’écologie ou de tout autre domaine d’engagement, souvent nous sommes passionnés et défendons vigoureusement telle ou telle cause. Le domaine religieux n’en est pas exclu. Les affrontements belliqueux entre tenants de différentes compréhensions de ce qui est nécessaire pour être du bon côté de la Vérité sont sous les yeux de tous et indiquent bien la problématique.

Le passage de l’Évangile nous confronte à la situation d’un parti pris. Les disciples sont scandalisés : un homme utilise le nom du Christ pour guérir, mais sans faire partie de leur groupe. À leurs yeux, c’est inacceptable. Quand ils en informent Jésus, ils s’attendent probablement à un acquiescement, peut-être même à une félicitation de sa part. C’est le contraire qui se produit.

Jésus s’oppose à la logique de Jean. Il oblige le disciple à regarder plus loin que son intérêt partisan. N’a-t-il pas vu que l’homme incriminé guérit réellement ? N’a-t-il pas vu que, grâce à cet exorciste, des personnes retrouvent leur dignité humaine et leur liberté spirituelle ? Pourquoi s’en prend-il à cet inconnu avec tant de violence ?

Pour mieux comprendre, il faut se rappeler un autre épisode rapporté par l’évangéliste. Un jour, les disciples ont essayé de chasser des démons. Ce fut l’échec. Il y a de quoi être vexé que cet inconnu réussisse là où ils ont échoué.

Ils se sont enfermés dans une pensée concurrentielle. Ils se comparent à cet étranger. Ils le jugent, le méprisent et le rejettent. Une jalousie ? Pas du tout. N’y a-t-il pas des règles pour être un vrai disciple ? Et pourtant… Le lecteur de l’Évangile ne peut pas oublier la jalousie et la violence exprimées par certains pharisiens, dont il est dit qu’ils cherchent à « perdre » Jésus.

« Il ne te suit pas avec nous », tel est l’argument des disciples. Mais cet argument les trahit. Ce qui leur importe, ce n’est pas ce qui est réellement accompli, mais le lien que cet homme entretient avec eux, les disciples. Ils perdent de vue que personne ne peut accomplir une œuvre de libération de cet ordre-là sans que cela ne lui soit donné d’en -haut. Si donc un homme chasse les forces maléfiques au nom de Jésus, c’est qu’il a compris qu’en lui, Dieu se révèle Sauveur au milieu de son peuple. Chasser au nom du Christ les forces aliénantes, ce n’est pas un « truc » magique pour se faire des adeptes personnels et les dominer ou les exploiter ensuite. C’est manifester qu’en Jésus, le Royaume de Dieu est arrivé jusqu’à nous.

Les disciples de Jésus, dans notre passage, sont présentés aux prises avec les mêmes tentations que les adversaires du Christ : vouloir marcher guidé par des connaissances et non par la foi, cette attitude humble qui ne condamne pas les chemins que d’autres empruntent. Pour les pharisiens, la jalousie et le désir de domination se dissimulent dans une compréhension rigide de la Loi ; pour les disciples, ils se manifestent par le rattachement à leur groupe.

Mais Jésus ne peut dire oui à cette raideur, à cette exclusion pratiquée par les siens. L’avertissement vaut aussi pour nous. Le Christ interpelle l’Église : ne voyez-vous pas qu’il est possible d’être fils ou fille de l’Alliance sans faire en tout comme vous ? La force recréatrice du Père est annoncée par celles et ceux qui, en mon nom, rendent aux humains leur liberté pour servir le Dieu qui les appelle eux aussi.

Des attitudes partisanes qui perdent de vue la distance entre l’aujourd’hui de l’Église et l’achèvement du Royaume de Dieu ramènent l’œuvre de l’Esprit à un management mimétique.

Aujourd’hui, Dieu seul est véritablement « catholique ». Heureusement son Esprit nous travaille. En Christ.

Agnes von Kirchbach, théologienne protestante.
Agnes von Kirchbach