Dans le passage que la liturgie nous présente aujourd’hui, Jésus affirme : « Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi ; celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi », qu’est-ce que cela veut dire ? D’abord Jésus s’adresse aux fils, ensuite aux parents, mais ces deux choses ont le même sens : libérer les personnes de ces relations qu’on appelle ‘les liens’ parce que ce sont des relations qui lient. Jésus ne veut pas de personnes liées mais des personnes libres.

Matthieu 10,37-42

QUI NE PREND PAS SA CROIX N’EST PAS DIGNE DE MOI,
QUI VOUS ACCUEILLE M’ACCUEILLE
Alberto Maggi OSM

“À vin nouveau outre neuve”, voilà l’annonce de Jésus. Qu’est-ce que cela signifie ? La nouvelle relation avec Dieu que Jésus vient proposer est incompatible avec tous les systèmes religieux ou familiales existants, car ils sont basés sur l’obéissance et sur le pouvoir. Or Jésus avec son message, propose une nouvelle relation avec Dieu non plus basé sur l’obéissance et sur la loi, mais sur l’accueil de son amour. Pour cela il va toucher les trois valeurs intouchables qui régissent la société, trois valeurs sacrées : Dieu, patrie, famille. Et Jésus commence par la famille qui incluait le pouvoir du mari sur sa femme, du père sur les fils. Voilà pourquoi Jésus cite le prophète Michée qui avait annoncé l’activité du messie qui était celle qui devait diviser l’homme de son père, la fille de sa mère, la belle-fille de sa belle-mère, c’est à dire que le nouveau se divise du vieux qui résiste à la nouveauté.

Dans le passage que la liturgie nous présente aujourd’hui, Jésus affirme : « Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi ; celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi », qu’est-ce que cela veut dire ? D’abord Jésus s’adresse aux fils, ensuite aux parents, mais ces deux choses ont le même sens : libérer les personnes de ces relations qu’on appelle ‘les liens’ parce que ce sont des relations qui lient. Jésus ne veut pas de personnes liées mais des personnes libres.

Alors la première annonce est adressée aux fils, c’est à eux de se défaire des liens d’obéissance et de dépendance des parents qui les empêchent de croître et de se réaliser. Et puis Jésus s’adresse aux parents qui doivent se détacher du lien qu’ils ont avec leurs enfants car ils ne doivent pas oublier qu’avant d’être parents, ils sont maris et femmes. Donc Jésus invite à la pleine liberté. Évidement, celui qui accueille ce message de Jésus est considéré comme un fou, il est mis de côté dans une société qui considère l’obéissance comme une valeur sacrée. C’est alors que commence la persécution.

Voilà pourquoi Jésus affirme pour la première fois dans cette évangile : « .. celui qui ne prend pas sa croix.. » la croix n’est pas donnée par Jésus, elle n’est pas non plus acceptée mais elle doit être prise par l’homme. Jésus se réfère à l’axe horizontal que le condamné devait porté sur ses épaules jusqu’au lieu de l’exécution. La croix signifie le refus, le rejet de la part de Dieu et du peuple et donc la perte total de la propre réputation. Eh bien Jésus veut des personnes libres capables pour cela de perdre leur réputation.

Et c’est pour cela que Jésus continue en disant : « Qui a trouvé sa vie la perdra.. » garder sa vie signifie la tenir pour soi, mais « ..qui a perdu sa vie à cause de moi la gardera. » Que veut dire Jésus ? Où il y a amour sans limites il y a la vie sans limites. Qui pense à lui-même se perd, mais qui pense aux autres se réalise pleinement.

Et ensuite la surprise de l’annonce de Jésus : « Qui vous accueille m’accueille », Jésus parle de ceux qui accueillent la croix, qui prennent la croix dans leurs vies. Eh bien, celui qui porte sa croix n’est pas un maudit comme croit la religion mais la manifestation visible de Dieu lui-même. Voilà pourquoi Jésus ajoute « qui m’accueille accueille Celui qui m’a envoyé. » Cela veut donc dire que celui qui accueille cette croix, qui la prend et qui pour cela est considéré maudit de Dieu et rebut de la société, en réalité il montre la présence de Dieu.

Et Jésus avec un langage typiquement rabbinique dit « Qui accueille un prophète en sa qualité de prophète recevra une récompense de prophète » pareillement avec le ‘juste’ et on s’attendrait à la fin qu’il continue en disant ‘qui accueille..’, eh bien non, il dit « celui qui donnera à boire, même un simple verre d’eau fraîche, à l’un de ces petits en sa qualité de disciple » le mot grec traduit par ‘petit’ est ‘micron’ qui signifie invisible, insignifiant. Cela veut dire qu’être disciple de Jésus c’est être un rebut de la société pour avoir pris sa croix, eh bien à celui qui donne un verre d’eau en signe d’accueil du disciple « amen, je vous le dis : non, il ne perdra pas sa récompense. » Celui qui accueil un disciple n’aura pas la récompense du disciple mais la présence même de Jésus et du Père.

Le message de ce passage d’évangile est très clair : Pas de liens, Jésus veut des personnes libres, pas de liens même avec Dieu car Dieu n’absorbe pas l’homme, il ne lie pas les personnes mais les libère, Dieu ne retient personne mais pousse chacun à aller avec lui vers l’humanité.

Un homme seul dans la foule 
Yves Bériault, O.P.

Un jour, j’ai vu dans un magazine une photo extraordinaire qui date de 1936. Elle a été prise à Berlin à la veille de la dernière guerre mondiale. On y voit une grande foule qui accueille Adolph Hitler et qui fait le salut nazi, le salut au chef ! Au milieu de cette foule, il y a un homme qui se tient debout les bras croisés. C’est le seul que l’on voit ainsi, alors que tout autour de lui les bras sont tous levés bien haut pour acclamer Hitler. Cet homme seul dans la foule a une mine très résolue, le visage défiant, et l’on devine qu’il s’agit d’une personne courageuse, prenant un risque énorme par sa non-conformité. J’ai vu dans l’image de cet homme une belle analogie avec notre suite du Christ.

Le disciple du Christ est appelé à marcher sur les mêmes routes que son Maître. Son engagement en ce monde au nom de l’évangile est fait de risques, d’audaces et de courage. Son combat est souvent solitaire, et il doit être prêt à y engager toute sa vie comme son maître. Même seuls au cœur de la masse humaine, nous sommes appelés à nous ouvrir sans cesse au désir de Dieu sur nous, comme Jésus lui-même en a donné l’exemple. Le véritable bonheur est à ce prix, mais il est souvent fait de luttes, de renoncements et de refus, même lorsque des proches, des intimes cherchent à nous entraîner sur d’autres chemins que celui de l’évangile. D’où la première place qu’il nous faut accorder au Christ dans nos vies,

Jésus aujourd’hui nous parle de radicalisme, et pourtant il était loin d’être un révolutionnaire violent et anarchiste. Certains l’appelaient un prophète, ce qu’il était certainement. Mais pour nous chrétiens, il est avant tout le Fils de Dieu, lui qui connait si bien le cœur de l’Homme. Et il est venu nous dire que le plus grand combat qui se livre en ce monde est un combat pour l’amour. Il est venu s’engager au cœur de cette lutte que nous menons, nous invitant à le suivre et à aimer comme lui.

Alors, comment concilier cet amour de Jésus avec l’amour de nos proches? Tout d’abord, il est important de souligner qu’il n’y a aucune contradiction entre ces deux amours, puisqu’ils n’en forment qu’un seul, mais l’un de ces deux amours a préséance sur l’autre, car c’est en demeurant dans l’amour de Dieu que nous apprenons à aimer le prochain en vérité. Et cette vérité de l’amour nous oblige parfois à reprendre le prochain quand ses paroles ou ses actions sont en contradiction avec l’évangile. C’est en ce sens que l’amour de Dieu l’emporte sur l’autre. N’est-ce pas cette logique que vivent les parents lorsqu’ils corrigent leurs enfants qui se montrent égoïstes, violents ou rancuniers. Leur amour pour leurs enfants n’a de sens que s’ils leur apprennent à devenir de véritables adultes. Et il en serait autrement dans notre rapport les uns avec les autres, alors que nous sommes tous et toutes appelés à grandir et à nous épanouir en tant qu’enfants de Dieu ?

Frères et soeurs, l’évangile de ce dimanche nous rappelle que c’est en aimant Jésus le premier que l’amour sera toujours le premier servi dans nos vies, et qu’il pourra alors se déployer tout autour de nous en nous mettant au service les uns des autres, nous donnant d’aimer davantage, mais en vérité, père, mère, fils et fille, époux et épouse, au nom même de cet amour qui a sa source en Dieu.

Yves Bériault, O.P.
https://moineruminant.com

Homélie de Maurice Zundel
https://www.mauricezundel.com