Mardi 3 octobre 2023
Après avoir fêté ses 50 ans de sacerdoce et avant de retourner en Afrique comme il l'espérait, le Père Alfredo Ribeiro Neres, missionnaire combonien, a été victime d'une crise cardiaque. Pour déboucher ses veines, il a subi plusieurs ‘bypasses’ à l'hôpital Santa Cruz de Carnaxide (Portugal). Mais pendant sa convalescence, il a été victime d'un accident vasculaire cérébral et depuis lors, il y a presque un an, il a vécu un douloureux calvaire. Le père Alfredo est décédé hier après-midi dans la ville de Viseu, au Portugal. Le P. Alfredo sera enterré dans la tombe des Missionnaires Comboniens, au Nouveau Cimetière de Viseu, après la Messe du corps qui sera célébrée dans la chapelle de la communauté de Viseu le jeudi 5 à 10h30.

Mon papa s’appelait Luis Neres et ma maman Maria do Carmo. Ils ont eu quatre enfants, deux garçons et deux filles. Ils étaient des chrétiens avec une foi solide, vécue, et bien enracinée dans leur vie de chaque jour. Ils nous ont transmis cette foi qui a imprégné notre vie. Dans mon village nous avons une vie chrétienne très intense ; on allait à la Messe et à la confession tous ensemble, de même à la maison on priait ensemble. Notre foi est un don que Dieu nous a fait par le moyen de nos parents, et qui nous a accompagné toute la vie.

Père Alfredo Ribeiro Neres, missionnaire combonien.

Ma vocation a des racines « préhistoriques » » donc plus âgées que moi. Mes parents après leur mariage, en 1930 ils se sont accordés pour prier chaque jour pour que le Seigneur choisisse un des fils pour qu’il le suive et soit prêtre. Je ne le savais pas. Personne ne savait cela. C’est un secret qu’ils ont gardé jusqu’au jour de mon ordination. Quarante et un ans de prières et de donation, quand enfin j’avais trente un ans nous avons eu le jour plus beau de notre vie avec mon ordination sacerdotale.

Quand j’avais 18 ans j’ai su que sept jeunes belges qui étaient en train de se rendre au Congo comme missionnaires laïques, étaient morts dans un crash d’avion. Je me suis offert au Seigneur pour remplacer l’un d’eux et venir au Congo. Avec le temps moi j’ai oublié cet engagement, mais le Seigneur pas…

Mon village natal s’appelle « Montes de Signora », c’est un ensemble de petits villages sur plusieurs montagnes dédiées à la Vierge Marie. Jeune homme j’ai quitté mes parents pour me rendre à Lisbonne à 245 km de mon village où pendent trois ans j’ai travaillé dans le commerce. J’ai fait aussi des cours de dactylo et d’économie, et enfin j’ai été engagé comme employé, dans une entreprise qui produisait des cosmétiques, avec 450 ouvriers et plusieurs employés, J’étais chef responsable de mon secteur d’envois de produits à l’étranger. J’avais un très bon salaire. C’est parmi les parfums, les crèmes et savons, et le lait de beauté que le Seigneur m’a pris. Mes collègues de travail s’étonnaient pour le fait que je lassais un travail aussi bien rémunéré pour devenir prêtre.

 La paroisse que je fréquentais à Lisbonne était confiée aux Missionnaires Comboniens, où j’étais acholite, « Lecteur » et président du groupe de JOC. Le jour de l’Ascension du Seigneur le mois de Mai 1959, je suis resté impressionné par la lecture de l’Evangile qu’elle était celui de Marc 16, 17-20 où Jésus dit allez dans le monde entier annoncer la bonne nouvelle à toute la création, celui qui croira sera sauvé. Celui qui ne croira pas sera condamné… » Pendent la Messe j’ai pris la décision de devenir missionnaire, et j’en ai parlé toute de suite avec le curé P. Angelo Lasalandra. Le P. Severino Peano qui venait tu Mozambique et qui m’a frappé par les paroles de son homélie. J’ai dit au missionnaire que pour moi les choses les plus importantes étaient de devenir prêtre pour annoncer l’Evangile, pardonner les péchés et célébrer l’Eucharistie. Et voilà que le 8 septembre de la même année j’ai été accueilli dans le séminaire de Viseu où j’ai terminé les études secondaires et puis à Maja pour la philosophie. Terminé ces premières étapes on m’a expédié en Italie pour faire le noviciat et la Théologie.

En deuxième année de Théologie avec quatre scholastiques nous avons été envoyés à Brescia comme animateurs des petits séminaristes comboniens, et on continuait la théologie au séminaire diocésain. A la fin de l’année le supérieur P. Franceschini, en accord avec le P. Provincial, ne voulut pas m’admettre au renouvellement des Vœux, donc je devais quitter les Comboniens. Je venais d’une expérience de vie de travail et libre des contraintes religieuses des séminaires et en outre c’était le moment du grand bouleversement de la Jeunesse du « 68 ». Pour nous théologiens, il était interdit d’enlever la soutane quand on jouait au football avec les séminaires, et encore pire faire le bain dans le lac de Garda. Moi j’étais critique et libre face à ces normes d’autre temps et je scandalisais les supérieurs. On me dit clairement leur conclusion : « Tu me pas fait pour être formateur. Par conséquent non plus tu ne peux pas être un Père Combonien ». C’était un coup très fort pour moi qui m’as mis en agitation. Mon formateur de scolasticat le P. Pierli par contre était convaincu de ma vocation et me soutenait.

Mais si les supérieurs se sentent autorisés à gérer la Volonté de Dieu, cela ne veut pas dire que le Seigneur lui-même soit d’accord avec leurs choix, et il a ses trucs pour redresser les idées. Pour moi cela a été un « by pass » spirituel. En effet je fus choisi pour participer au Chapitre Générale comme représentant des scholastiques. A Rome, sans demander l’accord du P. Provincial, j’ai demandé au P. Ottorino Sina, Vicaire Générale d’être admis au renouvellement des Vœux, et lui sans savoir les précédents m’a donné son accord.

En troisième théologie quand j’ai fait la demande pour être admis à la profession perpétuelle, provincial et supérieur de communauté en « baissant les cornes » sont venus encore à la charge pour me renvoyer. Cette fois le mérite va aux 77 scholastiques qui m’ont donné appui et exigé que je fasse les Vœux perpétuels avec eux le 09 septembre 1970 et d’être ordonné diacre le 10 octobre.

J’ai choisi d’être ordonné prêtre le 08 avril 1971 le jour de l’Institution de l’Eucharistie, le Jeudi Saint par le Cardinal de Lisbonne, qui a bien accepté. La « Messe de Prémices » je l’ai célébré le Samedi Saint le soir dans la paroisse de mes parents.

Quelles sont les taches que le Seigneur m’a donné d’accomplir pendant ces cinquante ans de vie missionnaire ? j’ai commencé dans ma terre où j’ai travaillé seize ans au Portugal d’abord dans l’Animation Missionnaire puis huit ans comme maitre des novices.

Terminé mon service au Portugal je suis venu en RDC (Zaïre en ce temps-là). Je suis ici depuis 34 ans. Ngilima, Ango, Bondo, ce sont mes premières missions. A Bondo l’Evêque m’a choisi comme Vicaire Episcopale. Puis le P. Générale m’a demandé de devenir le formateur des scholastiques à Kinshasa, et puis encore come « socius » père Maitre des novices à Isiro. La « prophétie » des supérieurs de 1969 : « Tu n’es pas fait pour être formateur…et même pas Combonien », c’est réalisé avec… 20 ans de formateur, et plus de cinquante comme Combonien. Qui connaît la pensée du Seigneur ??? J’ai désormais 82 ans et je suis encore en service comme formateur.

Dans le travail missionnaire j’ai mis toujours l’accent sur évangélisation, et donnant priorité à la formation de l’agent pastoral, pour être dans la ligne combonienne de « Sauver l’Afrique par l’Afrique ». Le deuxième point de force est l’Eucharistie. En portant les gens à vivre en profondeur l’Eucharistie dans les villes et dans les villages. Pour le troisième point je considère fondamentale le Sacrement de la Réconciliation, pour manifester l’Amour de Dieu par son pardon et sa proximité.

Dans les premiers temps il n’y avait pas beaucoup de prêtres dans nos diocèses et le travail touchait en particulier les catéchumènes pour les préparer au baptême. On administrait beaucoup de baptêmes et Confirmations pour amener les gens à la maturité chrétienne. Quand j’étais vicaire épiscopal a Bondo, je suivais aussi trois paroisses éloignés les unes des autres (Monga, Ango e Dakwa). Je restais deux mois dans chaque paroisse pour qu’il y ait les conditions pour ériger des paroisses.

A partir du 08 décembre 1981 il y a eu un bouleversement dans mon être prêtre, religieux et missionnaire. J’étais à Rome à une rencontre du renouveau Charismatique et pendant la prière j’ai eu l’effusion de l’Esprit. J’ai reçu comme dons de l’Esprit, celui de la guérison des maladies e de la délivrance. Soit au Portugal soit en RDC à Bondo, j’ai été choisi par les évêques comme exorciste des diocèses, pendent 20 ans. J’aime beaucoup ces deux activités : guérir et pour rendre les gens libres des puissances du démon et aussi de la sorcellerie, de la magie et des leurs contraintes maléfiques.

Depuis mon arrivée au Congo je me suis engagé pour suivre les villages de la brousse, car les gens de ces réalités sont plus abandonnés des gens qui vivent dans les paroisses des centres et des villes. Car selon le charisme Combonien nous savons que nous sommes envoyés vers les plus pauvres et abandonnés. Et je vois que ici les plus pauvres et abandonnés sont les gens de brousse. Il n’est pas rare que ces gens restent même une année sans avoir la possibilité de se confesser ou pouvoir participer à l’Eucharistie. J’ai toujours eu le désir et la joie d’aller rencontrer et visiter nos chrétiens en brousse, qui vivent souvent abandonnés et oubliés. Je me souviens que de Ango j’allais jusqu’à la dernière chapelle à 198 km souvent en poussant le vélo bien chargé sur les pentes des collines. Le gens attendait le Christ. Si j’arrive dans le village, le Christ arrive. Ma présence dans ces villages porte un air nouveau que c’est la présence du Christ même. On célèbre l’Eucharistie, on annonce la Parole de Dieu, on passe les journées avec les gens. Je restais en brousse même trois semaines, en rentrant après à la Paroisse au centre, fatigué et sale mais avec l’amé remplie de joie.

Les souvenirs les plus touchants sont les souvenirs de sept ans vécus en guerre (de 1996 jusqu’à 2003), à Ango et dans sa brousse. Quand les militaires de Mobutu d’un côté et ceux de Bemba et Kabila père, se sont donné bataille les tirs de fusil et roquettes touchèrent le village et nos maisons. Les militaires s’adonnaient aux pillages dans les maisons et à l’église. Ils pensaient même que nous cachions l’argent dans le tabernacle. Pour éviter désastres je lassais vide le tabernacle, je laissais la porte ouverte et j’amenais l’Eucharistie dans ma chambre où j’avais installé un petit Autel bien soigné. Un jour, de deux heures de l’après-midi jusqu’à cinq heures du matin, il y a eu de violents combats avec de milliers de coups de fusil et de tir d’obus. Les tir des chars de combat passaient en haut de la maison et allaient éclater plus loin. Pendent toute la nuit je suis resté étendu par terre sur une natte en tenant sous mes yeux devant moi l’Eucharistie, et j’étais tranquille et je disais au Seigneur que ce serait beau être ensevelis ensemble et aller ensemble au Paradis. Sa présence m’aurait assuré l’entrée. En ces moments je faisais une expérience très forte de la présence du Christ, Autre fois quand nous devions nous refugier en brousse, je prenais l’Eucharistie dans mon sac à dos et cela était une joie immense pour moi. Sa Présence au milieu de nous nous donnaient une force et un courage surprenant.

En dehors de la vie en Afrique l’autre moment très fort qui a bouleversé ma vie a été celui du 08 décembre 1981, à Rome avec l’Effusion de l’Esprit. Je l’ai vécu comme un tremblement de terre, qui m’a secoué tout entier, et de ce moment-là j’ai changé aussi ma façon d’Evangéliser.

Après 50 ans de sacerdoce et de vie missionnaire je me sens comblé de joie pour ce quelle a été ma vie. Même les moments les plus difficile et douloureux me donnent paix et joie au cœur. Je suis appelé à transmettre, à donner, à partager, à rendre vivante cette joie avec les gens que le Seigneur me donne de rencontrer. Je sens que j’aime les personnes, et c’est l’Amour du Christ même que je reçois et je transmets. Je pousse les gens à aimer le Seigneur et la Vierge Marie. Il faut continuer avec le même élan sans peur du futur.

Ma sœur cadette Alzira, m’a suivi et elle aussi est sœur combonienne, et elle a fait les Vœux treize ans après moi, a travaillé aux Etas Unis et en Ouganda. Je ne l’ai pas influencée, et elle a choisi librement après avoir sondé différentes congrégations de sœurs. Elle a été Mère provinciale au Portugal et puis en Ouganda. Elle est professeur de Théologie biblique. Maintenant elle est supérieure dans la maison pour les sœurs âgées et Malades de Bucinigo d’Erba (Italie). Dans cette maison il y a eu plus de septante sœurs qui ont attrapé le coronavirus et parmi elles même ma sœur. Elle est guérie après avoir partagé les souffrances de toutes les consœurs.

A l’âge de 82 ans la présence parmi nous du P. Alfredo est un don et un exemple. Ses souvenirs ne sont pas la clé du passé, mais la clé du présent et surtout du futur. Nous sommes témoins de sa forte charge spirituelle, de son service pour les plus pauvres et les malades, de son amour et disponibilité pour n’importe quel service qu’on lui demande. Ni la fatigue, ni la maladie, ni la pluie ne font obstacle à sa disponibilité. Même si cela coûte sacrifice il part toujours pour des visites et pour Célébrer l’Eucharistie dans les villages de brousse, transporté en moto su des sentiers qui cassent le dos. Le gens aiment sa présence et ils le cherchent, car il savent que Alfredo ne dit jamais «  non » ou bien« je ne peux pas » ou encore « je suis fatigué ».

[Missionari Comboniani]