Jésus semble s’en prendre violemment dans l’évangile à la conduite hypocrite des dignitaires pharisiens. Pourquoi de tels reproches dans la bouche de Jésus, alors qu’il semble proche des Pharisiens en bien des points de son enseignement ? (...)

Ils disent mais ne font pas !
Matthieu 23,1-12

Jésus semble s’en prendre violemment dans l’évangile à la conduite hypocrite des dignitaires pharisiens. Pourquoi de tels reproches dans la bouche de Jésus, alors qu’il semble proche des Pharisiens en bien des points de son enseignement ?

Matthieu a probablement durci le discours originel de Jésus. A l’époque où il écrit son évangile, de sérieux problèmes enveniment les relations entre les premières communautés chrétiennes et les vieilles communautés juives, les unes excluant les autres. Dans l’évangile d’aujourd’hui, les Pharisiens qui sont visés ressemblent plus aux dignitaires du judaïsme de l’époque de Matthieu qu’aux Pharisiens du temps de Jésus.

Toutefois, si Matthieu a durci probablement le discours originel de Jésus, il nous livre un enseignement fondamental. Le résumé de tout le passage se trouve probablement dans ces mots : « Ils disent mais ne font pas ». Jésus pointe un certain divorce entre ce que le croyant peut dire et ce qu’il fait vraiment. Il souligne que l’homme le plus religieux de son temps – le Pharisien – n’arrive pas à mettre en œuvre ce qu’il enseigne.

L’homme, même le plus religieux, risque de vivre dans une attitude fausse en face de lui-même et en face de Dieu : il dit et ne fait pas. C’est bien là une insistance qui revient souvent dans les paroles de Jésus, spécialement dans saint Matthieu. Parler, même bien parler, ne suffit pas. Pour Jésus, l’essentiel, c’est de faire, de mettre en pratique, d’accomplir… Ne dit-il pas ailleurs : « Heureux celui qui écoute la parole et la met en pratique » ? Ou encore « Il ne suffit pas de dire Seigneur, Seigneur pour entrer dans le Royaume des cieux ; il faut faire la volonté de mon Père…» ?

Il ne suffit donc pas d’écouter et de parler. S’il est nécessaire d’écouter la Parole, c’est pour la mettre en pratique dans sa vie. Dans la suite de Jésus, le disciple s’engage à pratiquer la Parole. Le « pratiquant » n’est pas d’abord celui qui va à la messe, mais celui qui permet à la Parole de Dieu de prendre chair dans toutes les dimensions de son existence. A la suite de Jésus, le croyant s’offre à la Parole divine pour la laisser agir en lui. Le chrétien est un jardin ensemencé par la semence de la Parole.

L’attitude des Pharisiens est une sorte de caricature de la nôtre. Il y a beaucoup de résistances et de refus au travail secret de la Parole de Dieu en nous. Mais cette Parole a aussi la puissance de mettre au jour nos failles et nos contradictions, nos lâchetés et nos faiblesses bien humaines. On est disciple du Christ par la vie toute entière : dans nos relations, nos choix, nos actes, nos sentiments, nos pensées. Si nous nous laissons transformer par la Présence de Dieu, par son dynamisme de vie et sa force d’aimer et de pardonner, qui fait vivre, nous saurons que c’est vraiment ce Dieu qui nous sauve et nous fait vivre….

La différence entre le Christ et nous, c’est que le Christ a parlé et qu’il a mis en pratique ce qu’il a dit, qu’en lui la Parole s’est faite chair. Lui qui était le plus grand, il s’est fait serviteur de tous : c’est en cela même qu’il est notre maître. Pour vivre en chrétiens, il est important de découvrir que nous sommes habités par Celui qui nous sauve et nous appelle à la vie. Ce qui est important c’est de nous laisser transformer de l’intérieur par Lui, afin de devenir des missionnaires de l’espérance, des messagers de salut, des porteurs de bonne nouvelle. Que nos paroles soient en accord avec nos vies. Qu’à la suite de Jésus, nous fassions ce que nous disons.

Frère François-Dominique CHARLES, o.p.
http://www.spiritualite2000.com

LA MANIERE D’AGIR DU CHRIST

Le vrai message de l’évangile de ce dimanche ne se réduit pas à une question de vocabulaire. Il n’est pas de cesser de saluer un prêtre du nom de « Père » ou un religieux du nom de « maître des novices ». C’est pour chacun de vivre au quotidien le reflet de l’amour de Dieu tel que le Christ nous l’a reflété en sa vie.

Pour le Christ, l’autorité n’est pas ni un pouvoir, ni un privilège. Elle doit être humblement assumée pour servir les autres. Ce fut ainsi qu’il agit lui-même au soir du Jeudi-Saint, alors qu’il commençait l’ultime phase rédemptrice de sa Passion. Le geste du lavement des pieds de ses apôtres est «signifiant». «Je vous ai donné un exemple.» (Jean 13.15)

Si nous mettons en synoptique saint Paul aux Philippiens, les attitudes de Jésus durant les heures de sa Passion et les remarques du Christ aux Pharisiens, nous recevons tout un enseignement à transposer pour le vivre à notre tour.

« Avec humilité, considérez les autres comme supérieurs à vous-mêmes. Que personne ne recherche son propre intérêt, mais que chacun veille à celui des autres. Comportez-vous entre vous, comme on le fait quand on connaît le Christ Jésus. Lui qui est de condition divine, il n’a pas considéré cela comme une proie pour être en égalité avec Dieu. Il s’est vidé de lui-même (ékénosein, en grec) prenant la condition d’esclave, devenant semblable aux hommes et reconnu comme tel parmi les hommes. Il s’est abaissé lui-même devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix. » (Philippiens 2. 5 à 11)

CONTRAINTE ET LIBERTE

Le contraste entre les Pharisiens et Jésus est «signifiant» jusque dans ses conséquences.

Les Pharisiens utilisent leur pouvoir pour enfermer leurs frères dans des contraintes qui les rendent incapables d’accomplir la Loi authentique. Elle devient une entrave à leur liberté, enfermés qu’ils sont dans le savoir de ces spécialistes. Il n’y a pas d’autres «maître à penser» que Dieu. C’est abuser de sa fonction d’enseignant que de s’ériger en maître parce qu’on est chargé de transmettre la Parole, la pensée et la volonté de Dieu.

L’autorité de Jésus est tout autre. Elle est exclusivement au service de la libération des hommes : »La vérité vous rendra libres. » (Jean 8. 32) Il pardonne, il guérit, il remet debout, il redonne un avenir, une chance, une capacité d’être responsable. Et s’il propose l’exigence de la Loi, c’est pour donner un guide qui permette de se conduire sur le chemin de la vraie vie. « Je vous dis cela pour que votre joie soit complète ». (Jean 15. 11)Il suffit de regarder s’épanouir la Samaritaine, Zachée, Marie-Madeleine, les aveugles, les mendiants.

UN MESSAGE POUR NOTRE TEMPS

Fils d’un même Père, frères au service les uns des autres, cette attitude se doit d’être vécue aujourd’hui. La question de l’autorité n’a rien perdu de son autorité. Les déviances sont dans notre société avec le pouvoir, les « influences » et l’argent. C’est vrai aussi dans le domaine religieux quand les motivations utilisées deviennent dominatrices dans les déviances des sectes.

L’inquiétude, la précarité, la solitude de nos frères sont les signes que nous avons un peu oublié l’Evangile. Notre mission est d’être frères, serviteurs de nos frères. C’est d’être humblement à l’écoute des tâtonnements de chacun, sans lui asséner nos fallacieuses certitudes de « maîtres ». C’est d’apporter convivialité, chaleur humaine et paix intérieure à ceux qui cherchent un peu de paix auprès de nous.

Jacques Fournier
http://www.eglise.catholique.fr

Le plus grand : celui qui sert

Encore les scribes et les pharisiens ! Pourquoi une telle insistance de la part de Jésus ? Parce qu’ils occupent “la chaire de Moïse”, le libérateur d’Israël, et qu’ils en profitent pour asservir le peuple. Au lieu d’ouvrir le passage de la servitude à la liberté, ils font passer le peuple de la liberté à un nouvel esclavage. La Loi est utilisée pour charger les épaules des gens d’un fardeau encore plus pesant que celui dont ils ont été accablés en Égypte. Un Exode à l’envers ! L’Évangile est Bonne Nouvelle de libération, non cahier de charges supplémentaires. À partir de ces charges, les scribes et les pharisiens établissent leur pouvoir et édifient leur prestige. Bien sûr, cette volonté de dominer, d’être “considéré”, de surpasser n’est pas le propre des pharisiens et des scribes. Elle sévit en toute société et même parfois au sein des familles. Nous pouvons la découvrir en nous-mêmes. Sans angoisse d’ailleurs, car en prendre conscience est déjà la surmonter. Ainsi, à propos des chefs d’Israël, Jésus dénonce un mal universel. Ce mal est l’expression, le visage du contraire de l’Évangile : se faire aimer plutôt qu’aimer, se faire servir au lieu de servir. Dans la foi, le plus grand est celui qui sert, le dernier devient le premier. Tout cela, Jésus ne se contente pas de le “prêcher” : il le vit, et ce choix de la place du serviteur commande tout ce qu’il fait et tout ce qui lui arrive (relire Philippiens 2,5-11). Être Fils de Dieu, c’est cela. Bien entendu, cet itinéraire qui le conduit à donner sa vie peut s’appeler “amour”. Ainsi, il est la parfaite manifestation de ce que nous appelons “Dieu”. Nous le rejoignons dans cette condition filiale quand nous recopions, d’une façon ou d’une autre, son itinéraire. Son Esprit nous est donné pour que nous puissions être animés du même amour. Il ne s’agit donc pas de faire des efforts, mais d’accueillir le don de Dieu.

Le plus grand : celui qui sert

Au fond, la volonté de dominer provient du manque de foi. Nous pouvons être habités par une inquiétude plus ou moins consciente, une peur de ne pas être, de ne pas être assez. Alors nous ne construisons pas notre vie sur l’amour qui nous fait être, mais sur la considération que d’autres nous témoignent. Rechercher ce culte revient à prendre la place de Dieu. D’un faux Dieu d’ailleurs, car le vrai Dieu passe de la situation de celui qui domine à la condition de celui qui sert. C’est en empruntant nous-mêmes ce chemin que nous devenons semblables à Dieu, images du vrai Dieu. La seule domination qui peut nous faire exister, nous avons à l’exercer sur notre animalité, sur notre volonté de puissance. Faire exister les autres, voilà ce qui nous construit à l’image divine. Paradoxe : nous devenons nous-mêmes en sortant de nous pour donner lieu aux autres. C’est bien ce que signifie la “Trinité” : le Père n’est lui-même qu’en engendrant le Fils. C’est par celui-ci qu’il est ce qu’il est. Or voici que, par son Esprit, nous participons à la filiation du Fils, nous sommes son Corps. C’est donc aussi par nous, par le fait que nous sommes là, que Dieu est ce qu’il est. Celui qui est. Ce “nous” nous désigne tous ensemble, dans l’unité qui recopie l’unité divine et par co1nséquent ne tolère pas de hiérarchie, de supérieurs et d’inférieurs : “Vous êtes tous frères”, nous dit Jésus. L’Écriture l’appelle “Fils unique”, ou “Fils aîné”, parce qu’il nous contient tous : “Tout est créé par lui et pour lui” (Colossiens 1,16). Quand un enseignant humain nous instruit, c’est le Christ qui nous instruit par lui, et ce frère n’a qu’un but : nous faire parvenir à l’égalité avec lui par la communication de toute sa science, une science qui lui vient d’ailleurs.

Marcel Domergue
http://www.ndweb.org

La Mission: expérience de fraternité
Romeo Ballan mccj

Désormais la tension ne fait que grandir entre les scribes et les pharisiens, tous alliés contre Jésus jusqu’à un point de non retour, au point que la Passion et la mort du Messie en sera l’issue fatale. Pour en témoigner, nous avons les passages évangéliques de ce dimanche et des dimanches précédents. Ils nous parlent des disputes, de plus de en plus nombreuses, succédant à des questions toujours plus insidieuses, dans le but évident de le faire tomber en contradiction. A la suite de plusieurs rappels au culte authentique qu’on doit rendre à Dieu, ainsi qu’à la conversion du cœur et des mœurs, Jésus arrive maintenant (Evangile) à démasquer leur hypocrisie, parce qu’ils « disent et ne font pas » (v. 3). Jésus accepte bien de reconnaître leur autorité (« faites ce qu’ils vous disent… ») mais il dénonce leur soif de pouvoir(« ils imposent aux autres leurs lourds fardeaux » v. 4). Il met également en évidence leur vanité dans la recherche des premières places, les salutations, les éloges (v. 5-7). Jésus enseigne également à ses disciples que le titre de Père ne revient de droit qu’au seul Dieu du Ciel, le titre de Maître ne revenant en même temps qu’à Jésus, et Jésus seul. Et pour ce qui est des disciples, les seuls titres objet de leur aspiration seront ceux de : fils, frère, serviteur. « Vous êtes tous frères » (v. 8); « le plus grand parmi vous sera votre serviteur » (v. 11).

Dieu seul est grand. Nous ne sommes que fils/filles d’un seul Père et Créateur : le Prophète Malachie nous le rappelle lui aussi dans la I Lecture: « Ne sommes-nous pas tous fils d’un seul et même Père ?n’est-ce pas un seul Dieu qui nous a tous créés ? Pourquoi donc cette attitude perfide des uns à l’égard des autres ? » (v. 10). Dieu nous confie une responsabilité vis à vis de nos frères (« où est ton frère ? »), mais refuse la réponse perfide de celui qui dit : « suis-je, moi, le gardien de mon frère ? » (Gn 4,9). La seule vraie grandeur est en celui qui se reconnaît fils du Père céleste, frère/sœur de tous, serviteur également de tous, dans le commandement de l’amour. Je me rappelle la joyeuse conviction intérieure d’un confrère missionnaire qui me disait : « Jamais dans ma vie, je ne me suis senti aussi grand que dans les moments où je me suis senti frère des autres ».

Celui qui vit à fond l’amour pour les frèresressent une responsabilité missionnaire spécifique, qui lui donne aussi un style particulier dans l’œuvre d’évangélisation. En effet il ressent toute l’urgence de communiquer aux autres la bonne nouvelle du Christ. Il en partage avec eux les biens spirituels et matériels, met en lumière les valeurs multiples que le Père donne à tous et à chacun. Il aide tout le monde à dépasser les limites venant des différentes races, castes sociales, ou idéologies… D’ailleurs c’est pour cette raison que le Bienheureux Jean Paul II définit le missionnaire frère universel, en soulignant justement cet aspect de la spiritualité missionnaire.  La plus urgente des nécessités est donc celle de vivre cette fraternité partout, là où se déroule une activité missionnaire, d’autant plus que de nombreux conflits y sont en cours aujourd’hui, qui nécessitent tous un chemin de réconciliation. Le Bienheureux Charles de Foucault (1858-1916) est justement un exemple admirable de ce témoignage missionnaire vécu dans l’optique de la fraternité universelle. Il choisit de vivre ses dernières années dans le désert algérien du Sahara, à Béni Abbés ensuite à Tamanrasset au milieu des Touaregs de la région du Hoggar. Une vie de prière, de méditation de l’Écriture Sainte, dans l’adoration de l’Eucharistie, dans l’accueil et à l’écoute des Bédouins de passage. Il vivait continuellement le désir d’être pour toute personne humaine le frère universel, image vivante de l’Amour de Jésus. “J’aimerais être plein de bonté afin que l’on puisse dire : si tel est le serviteur, qu’en sera-t-il du Maître ?” Il voulait crier l’Évangile avec sa vie. Il finit sa vie, victime d’une bande de brigands qui étaient de passage la nuit du I décembre 1916.

Dimanche dernier, à l’occasion de la Journée Missionnaire Mondiale, nous nous sommes rappelés que l’annonce de l’Évangile est le premier, le plus grand service que l’Eglise du Seigneur puisse offrir à l’Humanité. Les missionnaires étant les serviteurs, et porteurs !, de ce message. Qui est destiné à tous les peuples ! St. Paul (II Lecture) nous éclaire ensuite sur le style que doit prendre la Mission : nous devons avoir humble conscience du message, qui est « Parole de Dieu » (v. 13). Donc une réalité qui nous dépasse infiniment. Nous devons annoncer l’Évangile avec la joie et la liberté de cœur, avec le tendre dévouement d’une mère(v. 7-8). Invitons aussi tout le peuple de Dieu à s’impliquer activement dans cette noble tâche pour le Seigneur, en esprit de collaboration fraternelle. Un proverbe africain du Burkina Faso nous le rappelle à sa manière : « si les fourmis se mettent toutes ensemble, elles auront la force de transporter un éléphant ». Entreprise onéreuse, mais possible, et pour nous un devoir.