P. Gaetano Manzi était né à Quindici, province d’Avellino, le 1° novembre 1939. Son aventure missionnaire et combonienne commença quand, en venant du séminaire interdiocésain de Nola, il fit son entrée au noviciat de Gozzano. C’est là qu’il fit sa première profession le 9 septembre 1961, en passant ensuite au scolasticat de Venegono. Ayant déjà suivi certains cours de théologie au séminaire, en 1964 il acheva ses études théologiques, en s’unissant ainsi au groupe de nombreux comboniens – le plus nombreux dans l’histoire de l’Institut ! – qui en 1964 furent ordonnés prêtres à Vérone.
Au cours des études de Théologie, P. Gaetano avait montré de grandes capacités de réflexion, de synthèse et de mémoire. Les supérieurs lui demandèrent donc de se rendre à Rome pour une licence en Théologie Morale à l’Université Urbanienne.
Au mois de juillet 1967 il fut affecté au Burundi. Après quelques mois d’introduction à la culture et à l’étude de la langue kirundi, il passa à Butara (nord ouest) et puis à Gisanze, dans l’est. L’histoire du Burundi est parsemée de beaux moments et de moments tragiques. Les luttes pour l’indépendance, finalement accordée en 1962, avaient laissés des contrastes et des incompréhensions à l’intérieur de la société burundaise. C’est pourquoi le problème principal de l’Eglise était de favoriser la paix et l’entente surtout entre les ethnies Tutsi (12%), Hutu (85%) et Twa (3%). Les événements qui se sont déroulés depuis 1962 jusqu’en 1973 ne furent pas exempts de violences, massacres et divisions. Les Comboniens avaient supplié les évêques d’agir en faveur de la paix, de la concorde et du respect de la vie humaine. L’on estime qu’en 1972 au Burundi aient été massacrées 200.000 personnes, hutu surtout. Cette tragique situation frappa en profondeur l’âme de P. Gaetano qui choisit immédiatement de se placer du côté des persécutés, des pauvres, des exclus. C’est ainsi qu’en 1973 il partit au Rwanda, dans le diocèse de Butara, afin de se consacrer à l’assistance des réfugiés et réfléchir au nouveau genre d’action que les Comboniens auraient dû entreprendre pour rester fidèles au charisme de leur Fondateur. Après l’expulsion en 1977 de tous les Comboniens par le gouvernement du Burundi, sa présence au Rwanda lui parut ne plus avoir de raison. Il demanda donc une année sabbatique qu’il passa à Rome.
Ensuite il fut affecté au Congo (alors Zaïre) et il devint un des meilleurs connaisseurs de l’Afrique des Grands Lacs, dont il apprit à parler les différentes langues. Il fit une expérience pastorale dans la paroisse d’Ango (diocèse de Bondo), puis il alla à Kisangani, en qualité d’enseignant de philosophie au séminaire interdiocésain, et finalement dans la paroisse de Tadu (diocèse d’Isiro). De 1988 à 1989 il passa encore une année sabbatique en Italie. Rentré en Rd Congo, à Kinshasa, il demanda de pouvoir faire une expérience d’insertion, au service des plus pauvres de tous, c’est-à-dire les enfants de la rue, appelés “shege”. Il loua une petite maison dans un quartier populaire, où les garçons et les jeunes sans logis pouvaient se rendre pour prendre une douche et faire la lessive de leurs haillons. P. Gaetano s’intéressait à eux, soignait leurs plaies, liées surtout à la sous-alimentation, donnait des médicaments et était toujours disponible à écouter n’importe qui frappait à sa porte. Il n’avait pas de téléviseur, mais seulement un poste radio pour écouter les nouvelles. Obéissant aux supérieurs, il passait une journée par semaine dans la communauté de la maison provinciale.
C’est ainsi que P. Gaetano a passé les dernières années de sa vie, toujours dans les quartiers populaires, tout en changeant souvent de maison. Dernièrement il habitait à Barumbu, dans la paroisse de Saint Raphaël. Parmi les pauvres il avait vécu aussi les événements tragiques de la guerre de conquête de 1996, qui avait conduit à la chute du régime de Mobutu, et celle de 1998 qui avait divisé la Rd Congo, jusqu’à la paix de Sun City, en Afrique du Sud (2004). Evénements qui ont causé des millions de morts dans l’Afrique des Grands Lacs – plus de cinq millions seulement en Rd Congo – entraînant dans la capitale des centaines de milliers de personnes et en faisant augmenter démesurément la pauvreté. Et P. Gaetano se posait la question de savoir comment l’Institut et l’Eglise congolaise auraient pu répondre à la situation.
Parfois les supérieurs ainsi que quelques confrères le considéraient un “cas” à résoudre. P. Gaetano était au contraire un prophète. C’était un homme qui voyait loin et s’engageait dans la vie concrète de tous les jours en tant que chrétien et missionnaire. C’est pourquoi, de toute évidence, il menait une vie inconfortable. En plus qu’une petite pièce où dormir et une douche, il n’avait pas d’autres conforts. Pour manger il se contentait de peu de chose et tout ce qu’il avait il le mettait à la disposition des pauvres et des derniers du quartier.
P. Gaetano est mort comme il avait vécu, c’est-à-dire pauvre, le 6 juin 2011, entouré des larmes des “shege” et des pauvres qu’il avait toujours aidés et servis avec amour.
Au cours de l’enterrement, P. Eliseo Tacchella, le provincial, a parlé de P. Gaetano comme d’un homme qui a vécu en plénitude dans la foi, l’espérance et la charité. Il nous semblait impossible qu’il puisse mener une vie marquée par l’incertitude, la pauvreté et l’isolement. Mais il a surpris tout le monde: pendant vingt ans, jusqu’à la mort, il a partagé la vie des plus pauvres et abandonnés. Pas tous ses projets et ses initiatives se sont réalisés, mais, malgré tout, il n’a jamais reculé.
(P. Tonino Falaguasta Nyabenda)