Tel concours réussi, telle victoire remportée au niveau sportif ou dans une compétition plus professionnelle ? Tous nous portons en nous de ces souvenirs : une issue heureuse, attendue ou inespérée, qui provoque toujours, longtemps après, un même sentiment de joie et éventuellement de fierté. Mais comment cela se passe-t-il dans le domaine spirituel ?

Luc 10,1-12.17-20

Votre avenir appartient au ciel

Tel concours réussi, telle victoire remportée au niveau sportif ou dans une compétition plus professionnelle ? Tous nous portons en nous de ces souvenirs : une issue heureuse, attendue ou inespérée, qui provoque toujours, longtemps après, un même sentiment de joie et éventuellement de fierté. Mais comment cela se passe-t-il dans le domaine spirituel ? Existe-t-il une sorte de « performance » de la foi de type pastoral ou d’évangélisation dont nous pouvons nous réjouir ? L’Évangile aborde cette question.

Réjouissez-vous, dit le Christ. Cette joie dont témoignent les disciples après leur envoi en mission a toutefois besoin de nuances. Oui, ils ont fait une première expérience heureuse : porter une parole qui s’enracine dans celle du Maître. Mais leur joie s’attache-t-elle uniquement à la force performative de cette parole auprès de leur auditoire ? Jésus rectifie leur compréhension. Cause et effet ne sont pas à confondre. L’efficacité de l’action apostolique ne provient pas des dons naturels ou spirituels des disciples. Sa source est en Dieu lui-même. La seule joie légitime est celle d’un émerveillement : leurs noms à eux sont inscrits dans les cieux, comme le formule le texte biblique.

Qu’est-ce que cela veut dire ? L’expression au passif met les disciples en garde. Ce n’est pas un mérite qui fait d’eux les témoins du Christ, des prédicateurs efficaces ou des thaumaturges exceptionnels. L’Invisible seul est à l’origine de tout ; celui par qui Jésus lui-même reçoit son être et son mandat. Dans un monde ambigu par rapport à son avenir, la seule joie capable de (sup-)porter les réussites comme les échecs, provient de Celui qui envoie. Jésus sait de quoi il parle. Et il ne veut laisser aucun doute pour ses amis, envoyés eux aussi pour attester dans un environnement parfois hostile des initiatives de Dieu. Il se rend proche. Il désire qu’on lui accorde le mot de la fin, le mot de la grâce. C’est cela qu’implique le terme « règne de Dieu ».

Secouer la poussière collée aux pieds pour la rendre aux villes inhospitalières ? Publiquement ? Ce geste n’est pas une malédiction secrète ni un signe de vengeance. Mais un langage dans lequel les messagers retrouveront leur liberté et leur rôle : ils sont envoyés pour apporter la paix, pour guérir les relations sociales, pour oser une parole neuve. S’ils rencontrent un rejet ou une fermeture à cette manière de vivre, celui concerne le Christ. C’est lui qui, au nom du Père, les a mis en route.

Au départ les disciples n’avaient rien avec eux, ni bourse, ni sac, ni sandales. Mais il importe qu’en quittant un lieu, ils ne se chargent pas de ce qui leur est arrivé sur place : un non-accueil, une absence d’écoute, une méfiance spirituelle. Leur mission ne comporte pas une obligation de résultat au sens moderne du mot. Ils ne seront pas renvoyés. Leur chemin ne sera pas différent de celui du maître. La croix infligée au Seigneur barrera aussi la route des disciples.

Et la prière ? Elle précède tout. Le Christ invite à prendre la mesure de ce qui est à faire. Une disproportion importante apparaît entre l’immensité de la tâche à accomplir et le manque de personnes pour la prise en charge. On croirait entendre les responsables actuels de nos Églises. Mais au-delà de la similitude de l’analyse, invitent-ils vraiment à cette prière que Jésus propose ? une prière de confiance, une prière qui procure la paix à celles et ceux qui se mettront à agir. Pas d’effervescence, pas de panique, ni de stress. Ils auront déchargé leurs soucis sur Celui qui est le maître de la moisson. Et qui a osé commencer avec un seul, que ce soit Abraham ou Jésus.

Réjouissez-vous. Votre identité, votre dignité, votre avenir appartiennent au ciel.

Agnès von Kirchbach
https://croire.la-croix.com

Appel à la joie

Les textes de ce dimanche nous appellent à la joie, à l’exultation, en nous souvenant que nous sommes passés dans un monde nouveau, l’ancien est définitivement dépassé, nous en sommes libérés.

« Réjouissez-vous avec Jérusalem, exultez en elle, vous tous qui l’aimez » nous proclame Isaïe, et Jérusalem est pour nous l’Église universelle. Cette joie vient de la consolation que nous apporte Dieu, « comme celui que sa mère console », de la Paix qu’il nous donne :« voici que je fais couler vers elle la paix comme un fleuve, comme un torrent débordant ».

Nous pouvons alors, avec le psalmiste et avec toute la terre, acclamer Dieu, « Lui qui rend notre âme à la vie » !

Dans la Lettre aux Galates Paul nous montre quel est le cœur de cette joie : la Résurrection, après la Croix, a fait basculer le monde, nous sommes passés de « l’ancien monde » au « nouveau », « La circoncision n’est rien, ni l’incirconcision ; il s’agit d’être une créature nouvelle ».

Enfin l’Évangile de Luc nous rappelle l’urgence dans laquelle nous sommes. « Le Royaume de Dieu est tout proche de vous » (car dès la Résurrection il sera parmi nous qui devons lui faire place, le faire être). Et Jésus de nous envoyer en mission, car la moisson est abondante mais manque d’ouvriers. Notre mission est de témoigner, d’annoncer qu’il « s’agit d’être une créature nouvelle » parce que l’événement de la Croix-Résurrection nous a libérés de nos chaînes. Et Jésus lui-même est saisi par cette joie que nous célébrons aujourd’hui :« Je voyais Satan tomber du ciel comme l’éclair », formule remarquable pour dire notre libération du Mal. Cet Évangile est suivi de ce verset :« À cette heure il tressaillit de joie sous l’action de l’Esprit Saint ».

À nous de vivre de cette joie, de la transmettre, en nous ouvrant au monde qui souvent ne la connaît pas. Ne la gardons pas pour nous, au fond de notre confort. Dans une formulation bien à elle Etty Hillesum écrivait : « Ce ne serait pas sorcier d’avoir une « idylle » avec toi [mon Dieu] dans l’atmosphère préservée d’un bureau, mais ce qui compte, c’est de t’emporter, intact et préservé, partout avec moi… »

Marc Durand
http://www.garriguesetsentiers.org