Comboni, en ce jour

A Rome pendant le Concile (1870) il prépare le Postulatum.
Aux Pères Conciliaires, 1870
Je vous supplie et je vous conjure, avec une grande ferveur et une grande humilité, de daigner souscrire ce Postulatum pour les Noirs de l'Afrique Centrale, qui est peut-être le dernier à être proposé à ce Concile.

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N° Ecrit
Destinataire
Signe (*)
Provenance
Date
131
Abbé Francesco Bricolo
0
Paris
22. 1.1865

N° 131 (126) - A L'ABBE FRANCESCO BRICOLO

ACR, A, c. 14/9

Paris, le 22 janvier 1865

Très cher Recteur !


 

[979]
Je suis en train de transmettre à M. Scarabello un important document sur les études scientifiques, dont il est lui-même un des premiers experts.

Je vous écris deux lignes pour vous dire que je suis bien, et qu'ici, à Paris, j'ai trouvé un terrain plus favorable qu'à Lyon. Ecrivez-moi.


[980]
Une seule anecdote suffit pour le moment. Je suis allé chez Auguste Nicolas pour lui parler de mon Plan et le prier de me donner quelques conseils, puisqu'il est expert des grandes Institutions. " J'aimerais, - lui ai-je dit - avant de me présenter aux membres du Conseil de Paris, avoir votre avis et que vous examiniez les articles du Plan qui pourraient me nuire et qui pourraient déplaire au Conseil ; j'irais me présenter seulement après."

Il m'a bien accueilli et m'a gentiment prêté son aide ; je suis allé chez lui deux fois déjà. Et devinez-vous ? Aujourd'hui j'ai été invité à un repas où il y avaient 8 Evêques, dont Mgr. Massaia, l'Archevêque de Smyrne, deux de Chine, et un d'Australie etc... Pendant ce repas j'ai entendu dire que M. Nicolas est l'un des 8 membres du Conseil de Paris. Ce soir, le Provincial des Capucins a affirmé la même chose. Je feins l'ignorance et je continue à aller chez lui.


[981]
Chaque matin, je célèbre la Messe avec le calice du Père Ventura. Je ne peux pas vous décrire mon bonheur d'être ici à Paris pour m'occuper des affaires de l'Afrique. Ici je suis toujours en contact avec les plus grandes personnalités catholiques qui connaissent les Missions ou qui y sont allées ; le Gouvernement, auquel j'ai été présenté par Mgr. Massaia, m'a aussi bien accueilli.

Dans l'ensemble, ma position à Paris est intéressante, et tout le monde me regarde avec un certain enthousiasme. Je me rends compte que la mission de l'Afrique Centrale est la plus intéressante du monde. Pour cela j'ai cherché à ne pas donner une mauvaise impression de moi. Les grands et les riches me traitent avec déférence.


[982]
S'ils savaient que je fais partie de l'Institut le plus pauvre au monde (personne ne croit à l'extrême pauvreté de notre Institut), et qu'à Vérone, je vis avec de la polenta, que je suis né à Teseul, et qu'aujourd'hui à Paris je n'ai que 37 francs et 45 centimes, plus un billet d'un florin (et malheur à moi si la Providence ne m'aide pas), s'ils savaient tout cela, les gens n'auraient pas autant d'enthousiasme pour moi, puisque c'en est au point que les Evêques, les ambassadeurs et les contre-amiraux me rendent visite.

Saluez de ma part le Supérieur, nos chers Prêtres du Clergé, les jeunes, Hans, les protestantes, et écrivez-moi de longues lettres.



Abbé Daniel Comboni






132
Compte Guido di Carpegna
0
Paris
25. 1.1865

N° 132 (127) - AU COMTE GUIDO DI CARPEGNA

AFC, Pesaro

Paris, le 25 janvier 1865

13, rue de la Santé



Très cher Guido,


 

[983]
Bien que mon cœur soit angoissé par l'état de santé de Marie, cependant j'éprouve un grand réconfort en t'écrivant mon cher Guido, car cela fait très longtemps que je ne t'ai pas écrit ni vu. Quand je viendrai à Rome, vers Pâques, je serai ravi de te revoir et surtout avec un moral différent que la dernière fois que je t'ai vu. J'espère que tes yeux brilleront grâce aux bénéfiques effets que les victoires de la cause Falconieri produiront sur ton économie domestique et sur la paix de ta famille. Personne plus que ton ami africain ne désire, mon cher Guido, ton bonheur.


[984]
Une fois confortée l'économie de la famille, tu devrais penser à mettre à tes côtés une jolie fille qui puisse faire ton bonheur et celui de ta famille. Ton fidèle ami africain te conseille et te prie de choisir une jeune demoiselle qui ait toutes les bonnes qualités de ce monde. Qualités que nous pouvons résumer en quatre B, comme on dit en Vénétie. Tu doit choisir une demoiselle : Bonne, Belle, Brave, Riche. (Buona, Bella, Brava, Bezzi). Les trois premières qualités n'ont pas besoin d'explication, quant à la quatrième demande-la au Comte Beppi Principe Giovanelli, car c'est un mot du patois de Venise. Ces quatre qualités suscitent, augmentent et perfectionnent l'amour qui est essentiel au bonheur matrimonial. Lorsque tu auras choisi ta fiancée fais-le moi savoir, afin que sans l'avoir vue, je commence moi aussi dès maintenant à l'aimer comme si c'était ma femme, puisqu'elle devient ta femme.

Je prierai le Seigneur qu'il te dirige dans chaque pas, afin que tu puisses faire un bon choix ; cela te comblera et apportera une influence bénéfique dans la famille Carpegna.


[985]
Dans le passé, vous avez été éprouvés par Dieu avec beaucoup de rigueur, en payant presque le khataia abuk ; le temps des grandes consolations est venu.

Le calme suit toujours la tempête, le jour suit toujours la nuit ; les desseins de Dieu sont ainsi. Je le souhaite de tout mon cœur.


[986]
Je suis heureux, cher Guido, d'avoir fait la connaissance de la chère Annette. Je suis édifié par cette femme ; c'est une sainte femme et il y en a peu comme elle. J'aurai pour elle une vénération et une estime éternelle.

Par contre, je dois te confesser que j'ai davantage de sympathie pour Pélagie, et encore plus pour Maman. Je trouve beaucoup de charme chez ces deux femmes singulières, et elles me fascinent davantage. Parbleu ! c'est peut-être le respect naturel de l'âge qui m'empêche d'avoir la même familiarité avec tante Annette. Enfin, les deux autres me plaisent davantage.


[987]
Cela fait 17 jours que je suis à Paris et à Versailles. Pour équilibrer l'œuvre que j'ai imaginée pour l'Afrique, je suis en train de consulter et d'étudier les grandes Institutions. Comme tu peux l'imaginer, l'œuvre est ardue et grandiose, mais si Dieu s'en charge, elle arrivera à bon port ; en revanche, si Dieu ne s'en charge pas, ni Napoléon III, ni les monarques les plus puissants ni les philosophes les plus sages de la terre ne pourront jamais faire quoi que ce soit.

Donc, espérons que Dieu soit à l'œuvre et ensuite moi qui suis le dernier de ses enfants, j'y arriverai. Toi avec moi nous sommes riches, moi avec Saint François Xavier nous sommes saints, moi avec Napoléon III nous sommes puissants, moi avec le Bon Dieu nous sommes tout.

Donc restons dans cette joie ! A Lyon, où je me suis arrêté pour 20 jours, j'ai rencontré de grands obstacles auprès d'un personnage très influent, très puissant, lequel est capable de faire couler mon œuvre. Je me suis dépêché de trouver une excuse et je suis venu ici à Paris, où j'ai trouvé un accueil formidable et un meilleur terrain pour mettre en place mon Plan. Toutefois, il s'agit d'une affaire grandiose et difficile. Je ne me décourage pas, au contraire, j'ai l'impression d'être déjà le maître de l'Afrique.


[988]
J'ai envoyé quelques copies du Plan, imprimé à Turin, à Maman afin qu'elle les donne au Prince Giovanelli et à Mgr. Nardi. Sans doute l'as-tu déjà lu et t'es-tu sûrement dit que l'Abbé Daniel est devenu d'un coup fou à lier.

Ecoute-moi, mon cher Guido ! J'ai une confiance extraordinaire en Dieu, et j'ai mis en pratique le savant adage qui dit : Audaces fortuna iuvat, ce qui s'appelle Providence dans le langage chrétien. Je te prie de saluer le Prince Beppi et Maria Giovanelli, Mario et son épouse la Princesse, tes amis que j'ai connus. Prie pour moi et porte-moi dans ton cœur



ton affectionné

Abbé Daniel



P.S. Salue Papa de ma part et dis-lui que je l'aime beaucoup et que bientôt je lui écrirai, à lui aussi, une lettre.






133
Abbé Francesco Bricolo
0
Paris
5. 2.1865

N° 133 (128) - A L'ABBE FRANCESCO BRICOLO

ACR. A, c. 14/10

Paris, le 5 février 1865

Mon cher Recteur !


 

[989]
J'ai reçu votre chère lettre du 20 janvier. J'ai compris que le Supérieur a envers moi encore les mêmes sentiments. Je vois que ce que je souffre et ai souffert jusqu'à présent, n'est que le prélude d'une plus grande tempête, d'une affliction plus horrible. Me mettre à combattre, tête haute, avec un saint Vieillard, ne ferait que multiplier les rancunes et provoquer des maux plus grands. Moi, qui ne suis rien par rapport à l'Abbé Mazza, je m'en sortirai toujours perdant.

D'autre part, si j'examine ma conscience malgré mes limites et mes défauts, je sens qu'il n'y a aucun motif pour que je mérite l'éloignement de l'Institut.

Je comprends bien que le fait d'avoir été impliqué dans des ministères très importants et délicats à un jeune âge, le fait d'avoir voyagé beaucoup et d'avoir souvent vécu en pleine liberté dans des pays lointains avec comme seul témoin Dieu, peut avoir donné à ceux qui veulent mon mal, des arguments et des soupçons qui justifient une si grave punition de la part du Supérieur, sans que je puisse produire aucun argument pour ma défense. Ainsi je vois ma position face à notre bon vieux supérieur.


[990]
Eh bien, Dieu qui est témoin de mes actions, de mes sentiments, de mon cœur, ce Dieu bien-aimé pensera à me défendre ou à me donner la force de supporter le poids de mon affliction.


[991]
Je suis donc votre conseil et celui du cher Abbé Calza, modèle des grands et vrais amis, et je me tais. Je me mets dans les bras de la Providence qui me conduira toujours par ses chemins, je m'offre à Jésus Crucifié et à la Reine des Martyres et je mets mon espérance et mon réconfort dans ces deux Sacrés Cœurs.


[992]
Que le bon Vieux dise sur la place, au Canterane, à l'Evêque, au Pape, que je n'appartiens plus à l'Institut, que tel ou tel disent ce qu'ils veulent sur mon compte, rien ne m'intéresse. Jésus et Marie, qui ont souffert pour les justes et pour les pécheurs, auront pitié de moi : et si le bon vieux m'a abandonné, je ne le serai pas par Jésus et Marie. J'aurai toujours la plus grande reconnaissance envers le Supérieur et envers l'Institut et envers tous ceux qui me persécutent, et je prierai toujours le Seigneur pour tous.


[993]
C'est déjà un bon signe quand Dieu châtie ainsi dans ce monde ; plus on souffre ici bas, moins on souffrira là-haut. Les tempêtes sont nécessaires pour rendre le cœur plus fort pour les batailles à venir.


[994]
Peut-être que le Seigneur, dans mes affaires d'Afrique, s'attend à ce que je souffre pour mieux lutter contre les difficultés qui se présentent pour exécuter mes desseins, et si le Seigneur ne voulait rien de tout cela, j'embrasserais toujours les afflictions et les humiliations avec la grâce de Dieu. Je prendrais tout comme prix à payer pour mes fautes, et aussi parce que Jésus lui-même a souffert, et Marie, Saint Paul, Saint François Xavier, et tous les pécheurs convertis ont souffert. Tout ce que Dieu veut est bienvenu et je louerai toujours le Seigneur, et comme Saint Augustin, je dirai : hic ure, hic seca,...etc (vous me comprenez, je ne me souviens plus du reste...).


[995]
Je ne vous dirai rien de mes affaires. Au fur et à mesure que les choses avanceront et à mesure de leur possibilité, la Propagation de la Foi, La Sainte Enfance, l'Œuvre des Ecoles d'Orient, viendront au secours pour la réalisation de chaque œuvre qu'on entreprendra dans les différentes missions d'Afrique. Propaganda Fide ne prend jamais l'initiative d'une œuvre, et elle en décline toute responsabilité.

Mon voyage en France est très utile, car il suscitera un grand intérêt en faveur de l'Afrique, et au moment opportun il produira ses fruits.


[996]
Entre autres choses j'ai pensé solliciter le Pape pour qu'il fasse une Allocution au Consistoire des Cardinaux, pour attirer l'attention de tous les catholiques du monde en faveur de l'Afrique. J'ai déjà écrit au Cardinal ; j'espère convaincre Mgr. Massaia et les Pères Spiritains auxquels sont confiés la Sénégambie, la Sierra Léone, les deux Guinées, le Sénégal et Zanzibar, à faire de même.

Ce qui est difficile à réaliser, pour promouvoir mon Plan, c'est de convaincre les différents Chefs de toutes les Missions Africaines d'établir un représentant à Rome pour se communiquer mutuellement leurs expériences concrètes. Petit à petit j'essayerai de mettre en place la création d'un Comité, et ensuite si Dieu le veut, même si le Cardinal Barnabò est contraire à cette idée, j'essayerai avec le Pape de faire naître une Congrégation spéciale pour l'Afrique, présidée par un Cardinal, et dépendant du Préfet Général qui est aujourd'hui Barnabò lui-même. Et elle serait sur le modèle de la Congrégation pour les Rites Orientaux.


[997]
Cela me parait nécessaire et très utile pour concentrer une plus grande attention de Rome vers l'Afrique. Nous pouvons définir l'Afrique, j'ai eu occasion de le dire à Paris et à Rome, comme la race noire envahie ou menacée d'invasion par l'Islam. Elle est dans une condition pénible dans laquelle aucune autre partie du monde ne se trouve. Il me semble utile, et dirai-je presque nécessaire, de concentrer petit à petit mes efforts dans cette direction, même s'il faut beaucoup de temps. Entre-temps, je commencerai par un petit pas, en poussant mon action surtout sur la moitié orientale de l'Afrique. On laisse tomber, pour le moment, la partie centrale comprenant l'Equateur et Gibraltar, car les Nations Catholiques du siècle dernier ayant arraché par toutes sortes de violences 14 millions d'esclaves pour les faire travailler dans les mines (sic !) américaines, ont suscité dans ces régions une telle haine contre les Blancs que si ceux-ci, mais aussi les Noirs de la Sénégambie, de la Sierra Léone, du Dahomey et de la Guinée, entrent 60 km à l'intérieur, ils seront aussitôt tués. Les colonies portugaises de l'Ouest et de l'Est de l'Afrique sont dépourvues d'ouvriers évangéliques en raison de l'antagonisme qu'il y a entre Rome et le Portugal au sujet de l'élection des Evêques. Le Nonce Apostolique de Lisbonne chargé de cette affaire n'est pas parvenu à faire avancer les choses, et peut-être n'y arrivera-t-il jamais, car la Société est désormais envahie par la franc-maçonnerie.


[998]
Mes efforts se concentreront donc sur la promotion des opérations en Orient ; et j'espère que l'Institut, si Dieu le veut, y participera.

Le jour de la Saint-Chrysostome, protecteur de l'Œuvre des Ecoles d'Orient, nous étions à une grande Fête à Notre-Dame des Victoires. Mgr. Massaia était le célébrant, l'Archevêque de Smyrne le Prédicateur et moi l'assistant. L'Eglise, dans laquelle à été fondée l'Archiconfrérie du Cœur de Marie, était pleine de gens de la haute Société. Après l'homélie de l'Archevêque, Mgr. Soubiranne Directeur de l'Œuvre s'est levé. En présentant l'Apôtre des Gallas et le missionnaire de l'Afrique Centrale, il fit une très émouvante allocution de trois quarts d'heure devant un auditoire très touché surtout par les récits des désastres en Afrique Centrale.

Le soir, nous eûmes des visites de partout et nous nous convainquîmes du grand intérêt que les gens portent à l'Afrique.

Ce jour-là, j'ai dit une Messe pour le Marquis Ottavio di Canossa.


[999]
J'ai lié amitié avec Auguste Nicolas, sa femme et ses 9 enfants. C'est un catholique convaincu et je n'ai jamais vu un sentiment pareil vis-à-vis de la religion. Il m'a fait cadeau de son dernier ouvrage écrit contre Renan et il m'a demandé de lui rendre souvent visite. Il a examiné mon Plan et, à son avis, pour obtenir des bons résultats, il faudrait fonder une Congrégation qui aurait ce même but. "L'Eglise - m'a-t-il dit, tout ému, jeudi dernier - a toujours eu en son sein quelqu'un qui s'est entièrement dévoué et sacrifié pour diffuser sa Foi ; vous avait fait ce Plan qui démontre votre dévouement à l'Eglise, et je suis persuadé que vous gagnerez à l'Eglise beaucoup de fils africains. Et même si vos efforts s'avèrent vains, le fait d'avoir proposé ce Plan vous rend méritant devant l'Eglise et la société civile".






[1000]
Cela me réconforte beaucoup, même si mon cœur ne peut être satisfait à l'idée d'échec du Plan. Certes, l'opinion de ce catholique insigne et apologiste, m'encourage à poursuivre l'œuvre entreprise. Nicolas m'a montré la photo du curé des Saints Apôtres, l'Abbé Caprara et m'a dit : "J'ai beaucoup d'estime pour ce digne prêtre : nous entretenons une certaine correspondance. Il m'écrit en italien et moi je réponds en français. J'ai perçu une âme très belle, et il doit être tout dévoué à son ministère". L'amitié de Nicolas m'est très chère et me va droit au cœur ; ses enfants ont le même cœur. Le jeune Abbé est entré chez les dominicains depuis 5 ans ; Nicolas m'a dit que c'est une conquête de Lacordaire.



Versailles, le 5 février 1865


[1001]
Les capucins de Paris et de Versailles m'aiment beaucoup. Je suis toujours le compagnon inséparable de Mgr. Massaia ; cela fait 25 jours que je suis avec lui, et je me suis aperçu que c'est un saint homme. Son apostolat auprès des Gallas est un des plus intéressants dans l'église. Il est allé huit fois en prison, fut deux fois condamné à mort et deux fois exilé ; il est pour moi un exemple de zèle et de sagesse. Je l'ai convaincu de nous rendre visite à Vérone, et il rendra visite au Supérieur et à tous ceux de l'Institut. Il donnera au Supérieur et l'Abbé Beltrame beaucoup de conseils à propos de la mission en Afrique. Je suis persuadé que le Supérieur, l'Abbé Beltrame et tous ceux de l'Institut se réjouiront. Il a une grande estime pour notre Institut ; il nous appuiera auprès de Propaganda Fide, et après avoir parlé avec le Supérieur, il pourra, s'il le juge opportun, évoquer de son Plan. Je suis d'accord avec lui : comme il a déjà quitté Rome, je ferai en sorte que ce soit le Cardinal qui l'invite.


[1002]
Je vous prie de soutenir et de promouvoir à Vérone, l'œuvre des Ecoles d'Orient.

Le Directeur a pris à cœur l'Afrique, et il s'est engagé à en promouvoir l'intérêt dans les Annales. Il a écrit à son correspondant de Milan pour lui demander de lui envoyer des fascicules. Lisez-les et vous verrez qu'il s'agit d'une œuvre éminemment catholique. J'aimerais qu'il trouve une centaine d'associés entre Vérone et le Diocèse. Ensuite je m'occuperai de la diffuser dans toute la Vénétie. C'est une œuvre qui prendra dans le temps les mêmes proportions que celles de l'Œuvre de Lyon et de Paris. Je suis devenu, moi-même membre de cette Œuvre. Le Directeur qui est pour moi comme un frère, m'a dit : "dorénavant, l'Afrique sera le but de mes efforts". Vous comprendrez ainsi qu'au moment opportun, l'Afrique aura un grand appui matériel avec l'Œuvre des Ecoles d'Orient,.


[1003]
Je suis heureux d'avoir fait connaissance de Théodore de Ratisbonne, auteur d'une biographie de Saint Bernard. Il vient souvent me rendre visite.

Pour la fin du mois, j'attends aussi Alphonse venant de Jérusalem. Il me tarde de l'embrasser, car cela fait 14 mois que je ne l'ai pas vu ; c'était l'année dernière à Francfort.

Je ne parlerai pas des consolations que Dieu me donne ici à Paris. Je suis très lié avec le Père Général des Spiritains, et avec Mgr. Etienne, Général des Lazaristes. Je suis allé deux fois chez l'Archevêque de Paris en compagnie de Mgr. Massaia, mais il est un gallican convaincu.

J'ai reçu avec plaisir une lettre de Mme de la Pierre. Elle garde de bons sentiments et reste pleine de gratitude. Il n'en est pas de même de l'Allemande, qui ne m'a jamais écrit depuis mon départ de Vérone, et qui ne m'a jamais transmis de salutations par l'intermédiaire de quelqu'un d'autre.


[1004]
Il faut toujours faire le bien pour la gloire de Dieu et pour le salut des âmes, et pour le reste, il faut s'attendre à recevoir des coups de bâton de ceux qu'on a gratifiés. Ce n'est pas grave.

L'Evêque de Genève ne m'a pas encore envoyé le rapport de la sœur de Mme de la Pierre. Il m'a tout de même écrit qu'il a pris l'affaire à cœur.


[1005]
Mes salutations à l'Evêque. Dites-lui que l'Evêque de Bayeux a été très malade et que maintenant il est hors de danger et guérit doucement. Le Chanoine Do m'aidera à trouver des documents concernant son vénérable Ancêtre.


[1006]
J'ai beaucoup souffert à cause du deuil qui a touché notre cher Abbé Beltrame. Je regrette de ne pas pouvoir être à Vérone pour soulager un peu sa douleur. Je me souviens toujours avec tendresse et reconnaissance comme il m'a consolé en Afrique Centrale, lors de la nouvelle de la mort de ma mère. En ces jours-là, l'Abbé Giovanni avait été pour moi une véritable consolation ; saluez-le de tout cœur et dites-lui que je célébrerai une Messe pour son père et deux autres à Notre-Dame des Victoires. Saluez de ma part le cher Abbé Girolamo que j'aime beaucoup.


[1007]
En ce qui concerne Farinato, je ne voulais pas l'injurier en disant que nous ferions les comptes à mon retour. Qu'il ait un peu de patience ; quand je serai à Vérone il ne perdra rien de ce qui lui est dû. Il me montrera ses comptes et moi les miens ; et une fois un accord trouvé, il sera remboursé de tout. Je regrette ce malentendu, surtout pour sa femme qui a été si bonne pour nous et si gentille avec moi.


[1008]
J'ai appris que les affaires de l'Institut vont mal. Si j'avais de l'argent je serais venu au secours : mais comment faire car je n'ai pas un sou en poche ? La Providence y pensera ! Ayons confiance en Dieu.



Votre affectionné

Abbé Daniel




[1009]
[en marge] Je n'ai pas le courage de quitter l'Institut. Les quatre de San Giorgio ne se sont pas honorés. Le Seigneur s'en souviendra : fiat.






134
Card. Alessandro Barnabò
0
Paris
25. 2.1865

N° 134 (129) - AU CARDINAL ALESSANDRO BARNABO

AP SC Afr. C., v. ff. 707-710v

Paris, le 25 février 1865

Eminent Prince !


 

[1010]
La vénérable lettre que votre Eminence m'a envoyée de Lyon, contenait trois points :

1°. Pour la régénération de la Nigrizia, mon Plan présente beaucoup de difficultés dans son exécution.

2°. Il serait bon que les Supérieurs des différentes Missions des côtes africaines s'unissent pour faire le Plan pour le Centre de l'Afrique.

3°. La nécessité ou l'utilité d'un nouveau Comité n'apparaît pas.

Je voudrais d'abord vous dire que j'accueille avec sincère vénération et soumission l'avis de Votre Eminence. En profitant de votre bonté, qui inspire courage et confiance, je me permets de vous faire part de quelques petites observations.


[1011]
Je suis convaincu, moi aussi, que le Plan présente beaucoup de difficultés. Le problème sur lequel j'ose discuter, est en lui-même extrêmement difficile :

dix huit siècles de réflexions ne l'ont pas encore résolu. Mais comme il s'agit d'un problème de grande importance, il est digne de toute l'attention d'un Prêtre catholique. Pour cela, je me sens davantage prêt à redoubler d'efforts pour méditer dessus et pour solliciter les plus grands hommes de s'en occuper, pour provoquer le plus grand intérêt et stimuler les plus ferventes prières afin d'obtenir de Dieu la grâce de voir quelques lumières, et préparer ainsi la route à quelques solutions.

La pitoyable misère des pauvres Noirs pèse énormément sur mon cœur, et il n'y a pas de sacrifice que je puisse refuser pour leur bien.

Si Votre Eminence n'approuve pas le Plan, j'en ferai un autre : s'il n'accueille pas celui là, j'en mettrai en place un troisième et ainsi de suite jusqu'à ma mort.


[1012]
Votre cœur, plus que tout autre au monde, est enflammé pour le bien des Missions, et tout spécialement pour l'Afrique (les missions africaines, fondées par Votre Eminence ces dix dernières années, le disent bien), et vous aurez donc de la compassion face à mon insistance. Peut-être un jour abandonnerai-je la vaste région des idées pour descendre sur le terrain positif de l'expérience pratique.

Je n'imagine pas non plus un Plan pour la Conversion de l'Afrique Centrale qui soit dépourvu de grandes difficultés. Si, comme le démontre l'histoire, tout projet de grandes Œuvres est toujours accompagné de quelques utopies, comment puis-je espérer voir un projet sur l'Afrique, chose très difficile, si l'utopie fait défaut ? Il me semble que pour une Œuvre de cette ampleur, il n'est pas inopportun de tenter de faire quelque chose, même s'il faut passer par de grandes difficultés.


[1013]
Pour réussir dans ce projet ardu, je proposais, entre autres idées, une coopération plus ou moins active des Vicariats et des Préfectures apostoliques déjà existants sur les côtes de l'Afrique, là où il y a aussi la race noire.

Nous pourrions ainsi trouver des endroits limitrophes à l'intérieur qui se prêtent bien pour installer des nouvelles Missions et concentrer plus d'énergies pour former de solides communautés chrétiennes. Je comprends bien que pour obtenir cette efficace coopération, Votre Eminence, dans sa sagesse, estime qu'il serait bon que les Supérieurs s'accordent entre eux et établissent un Plan, car en ce qui concerne les Noirs, il s'agit d'une œuvre à laquelle toutes les Missions des côtes de l'Afrique confiées à différentes Congrégations religieuses et assistées par des Prêtres de différentes nations doivent contribuer.


[1014]
Si les Supérieurs des Missions Africaines pouvaient s'accorder et s'unir de façon spontanée, et élaboraient ensuite un Plan, il n'y aurait rien de mieux au monde. Mais je crains moi que ces Supérieurs, déjà suffisamment pris par leurs propres Missions et concentrant leurs pensées au développement des Missions ne s'unissent jamais spontanément si Votre Eminence ou Propaganda Fide ne les poussent pas. Si une personne particulière leur propose de réaliser un Plan et de s'accorder entre eux au bénéfice d'une Œuvre assez ardue pour les Missions de l'intérieur de l'Afrique sur lesquelles, en outre, ils n'auront aucune juridiction, eh bien ! ces Supérieurs, à juste raison, refuseront sans doute d'y adhérer.

Seule Votre Eminence peut inspirer cet accord et cette union ou confédération ; c'est une condition absolument nécessaire pour réaliser quelque chose de positif pour la Nigrizia Centrale ; c'est à cette condition-là, je crois, qu'ils prêteront leur coopération efficace.


[1015]
Selon ma modeste opinion, je crois qu'il est plus opportun que le Plan pour la Régénération de la Nigrizia, soit présenté par quelqu'un qui a vécu, malgré les fatigues, pendant un certain temps en Afrique Centrale et qui a donc une plus grande connaissance de la véritable condition de ces pays lointains. Dans ce cas là, Propaganda Fide avant de rien décider, et cela me semble convenable, invite les Supérieurs des Missions des diverses côtes africaines à examiner le Plan pour la régénération des peuples noirs qui habitent l'intérieur. Les Supérieurs, en communiquant leurs observations, fruits d'une longue expérience au contact de la race noire, pourront apporter une grande lumière à un problème si ardu, et faciliter la réalisation du Plan. Je suis certain que Votre Eminence est si patiente qu'elle supportera l'audace de mon opinion.


[1016]
D'ailleurs, en vous exprimant mon sentiment à propos du salut de la Nigrizia, salut qui dépend du développement de la Foi sur les côtes de l'Afrique et de l'unité du système appliqué sur tous les points aptes à organiser les œuvres qui préparent les Missions de l'intérieur, j'ose aussi rappeler que Votre Eminence m'a fait espérer lors de ma venue à Rome, qu'elle enverrait dans ce but une Circulaire aux Chefs des Missions Africaines (dans ce cas, il me paraît plus opportun d'envoyer la Circulaire aux Missions du Continent africain seulement, et non pas à celles des Iles, comme Seychelles, Madagascar, Mayotte et Fernando Po). Tout cela après que Votre Eminence se sera assuré des moyens pécuniaires et matériels. Il me semble que le moment est propice pour envoyer cette Circulaire.

Je suis sûr qu'actuellement, on pourrait mettre à la disposition de cette grande Œuvre des moyens matériels pour la fondation de plusieurs Instituts dans les Missions, car l'intérêt qui se développe pour toute l'Afrique est grand et admirable. Cet intérêt engagera particulièrement l'Œuvre de la Propagation de la Foi de Lyon et de Paris. J'ai des preuves irréfutables à ce sujet. Je pense aussi que la Sainte Enfance apporte son aide ; elle l'a déjà fait dans plusieurs Missions d'Afrique. L'Œuvre des Missions d'Orient m'a assuré de sa contribution spéciale.


[1017]
Dans une lettre du 6 dernier, la Société de Cologne, œuvre approuvée par l'Eglise dans le but d'éduquer les Noirs, m'a offert toute sa collaboration, alors que je n'ai rien fait pour la rencontrer. Elle a connu mes idées par d'autres.

La Société de Marie de Vienne qui depuis toujours aide les Autrichiens et les œuvres catholiques austro-africaines, s'est dite prête à nous aider, en encourageant plus de soutien dans l'empire Autrichien et dans la Vénétie ; cette société peut devenir très utile pour le Plan.

Pour rassurer Votre Eminence au sujet de tout ce que je viens de vous dire, je n'ose pas, cela ne me semble pas convenable, exiger que ces Pieuses Œuvres vous fournissent des documents spéciaux. C'est à Votre Eminence même de s'entendre avec elles dans le cas où Vous verriez l'intérêt de leur contribution. Je peux seulement vous fournir le document de la Société de Cologne.


[1018]
Je suis pleinement convaincu qu'on ne pourra jamais organiser, pour la conversion du Centre de l'Afrique, aucune œuvre stable sans viser globalement toute la race des Noirs, et former ainsi une espèce de confédération entre les différentes Missions des Côtes africaines, afin que ces dernières se prêtent une aide mutuelle et établissent une unité de méthode capable de s'appliquer sur plusieurs points. Cette méthode pourrait inspirer l'œuvre des missions de l'intérieur ; cette unité peut être inspirée et promue seulement par Propaganda Fide.

Il me semble qu'on pourrait définir ainsi la pénible condition morale de l'Afrique en général : "Une race noire courbée sous le joug du fétichisme, en partie envahie et en partie menacée d'invasion par l'Islam". Propaganda Fide connaît bien la difficulté de convaincre un Noir devenu, entre-temps, victime de l'infâme loi du Coran. Mais il y a plus : la propagande musulmane étale jour après jour son empire au Centre de l'Afrique ; et tout ce qu'il perd en Europe, il le gagne parmi les Noirs. A cause de cela, si nous retardons la propagation de la vraie foi en Afrique Centrale, plus grandes et insurmontables seront les difficultés dans l'avenir pour y implanter le Catholicisme.


[1019]
L'Afrique est sans aucun doute la partie du monde la plus malheureuse et la plus abandonnée qui soit, et aussi la plus difficile à évangéliser en raison des circonstances particulières qui œuvrent contre sa conversion. A cause donc de cette situation spéciale et si critique, il me semble nécessaire de faire sur elle les considérations les plus sérieuses et de rappeler l'attention du monde catholique ; je suis persuadé qu'il faut une Œuvre spéciale pour l'Afrique.


[1020]
Or, la création d'un nouveau Comité, composé de membres actifs et zélés qui respectent la juridiction de chaque Mission et l'influence exclusive des Pieuses Œuvres déjà existantes, et qui aident les Missions parmi les infidèles, doit concentrer ses activités pour préparer des Œuvres afin de coopérer de mille manières au développement de la Foi dans la vaste région de l'Afrique Centrale, et en même temps doit en promouvoir les intérêts et l'esprit en Europe, en créant de nouveaux moyens et de nouvelles forces dans un même but sous une unique inspiration ; eh bien ! ce nouveau Comité me semble non seulement opportun mais aussi très utile.

Peut-être que la Sacrée Congrégation pourrait trouver un moyen plus sûr pour obtenir de meilleurs résultats que la création d'un Comité extra urbem (hors de Rome). Le modeste prêtre que je suis, serait trop téméraire s'il osait avancer une suggestion à une autorité si élevée et si éclairée qui est animée par une sagesse et une charité surnaturelles. Je ne peux parler que du Comité que j'ai osé proposer, lequel, en plus d'agir pour promouvoir parmi les catholiques l'intérêt pour l'Afrique, procurer des aides supplémentaires pour les missions, et former en Europe de bons missionnaires et de bons artisans, pourrait aussi déployer une grande partie de ses énergies sur les points les plus opportuns, notamment dans la partie orientale des pays de l'intérieur, entre la Nubie et le Zanzibar. Ces terres bien au-dessus du niveau de la mer, possèdent des zones dont le climat tempéré permet de cultiver de bonnes semences et de former des apôtres pour le Centre.


[1021]
Le fait est que pour de justes raisons, je vois la nécessité de modifier les attributions du Comité que j'avais proposé. Ces modifications concernent surtout :

1°. l'art. 3° doit se limiter à procurer les moyens pécuniaires et matériels pour les œuvres préparatoires d'Europe, telles que la fondation de petits Séminaires et de petites maisons d'artisans pour pourvoir en de bons missionnaires et artisans les différents Instituts et Missions d'Afrique. Il faut laisser ainsi aux Pieuses Œuvres pour la Propagation de la Foi (lesquelles auront plus de développement dans le monde catholique) la tâche de secourir les missions à établir en Afrique, et les Instituts à fonder dans les missions déjà existantes (il est sûr que l'Œuvre pour la Propagation de la Foi affecterait sans problèmes des aides spécifiques pour cela).

2°. l'art. 5° qui n'est pas nécessaire.

3°. l'art. 7° qui est inutile ; car ici à Paris on est en train d'instituer une Société pour la rédaction d'une Revue des Missions étrangères, justement pour suppléer l'insuffisance d'informations données par les Annales de la Propagation de la Foi (Société qui, en ce moment-même , est bien vue par le Conseil central de Lyon et Paris, avec lequel des négociations sont en cours).


[1022]
Je vous remercie tout particulièrement de m'avoir suggéré de venir en France où les enquêtes que j'ai menées et les visites que je suis en train de faire aux différentes œuvres africaines et aux institutions catholiques, me permettent de voir plus clair sur les actions à mener pour le bien de la Nigrizia.


[1023]
Pardonnez-moi si j'ose vous faire la même prière que celle que Mgr. Massaia vous a adressée il y a quelques jours concernant le fait d'inviter le Saint-Père à faire une Allocution au Consistoire en faveur de l'Afrique.

Un admirable spectacle nous a récemment touché : Le Grand Prêtre de la Nouvelle Alliance, menacé de tous côtés et opprimé par ses ennemis, au moment-même où il semble anéanti et battu par les puissances de l'abîme, calme et déterminé, presque en souriant face aux menaces des enfants de Satan, ou mieux en ayant compassion pour eux, élève sa voix apostolique écoutée dans le monde entier, et avec son Encyclique, confirme ses frères dans la Foi, instruit ses fils dans la vraie doctrine, et condamne les erreurs de la société moderne des impies, qui s'adonnent à déchirer les vêtements de la majestueuse Reine. Celle-ci victorieuse des nations et des Rois voit passer devant elle les siècles stupéfaits. Sa voix résonne de l'orient à l'occident, son manteau recouvre les peuples comme la voûte du ciel recouvre le monde !...


[1024]
Quelle serait l'impression dans le cœur des fidèles si cette même voix du Pontife qui a libéré de l'erreur et instruit dans la vérité ses fils, disait une parole de compassion et de paix en faveur de tant de millions de ses enfants qui sont dans l'ombre de la mort, et prononçait une émouvante Allocution en faveur de l'Afrique ? L'intérêt pour les peuples noirs grandirait certainement ; de nouvelles idées jailliraient ; de nouvelles opérations se mettraient en place, et en même temps, le monde catholique stupéfait aurait un autre argument pour se convaincre qu'au timon du grand bateau de Pierre (secoué au milieu des souffles des esprits infernaux et des passions des hommes), veille le plus expert des nochers qui conduit au port du salut le précieux héritage de l'Eglise du Christ : toutes les nations de la terre. Dabo tibi gentes hereditate. (Je te donnerai les nations en héritage)

Avec beaucoup de respect et entièrement soumis à vos idées, j'embrasse votre Sainte Pourpre et je me déclare



votre fils très indigne

Abbé Daniel Comboni




[1025]
P.S. Le Saint-Père, qui a parlé en faveur de la Pologne et pour d'autres fins de moindre importance, accueillera certainement la prière de Votre Eminence qui plaide pour ses enfants d'Afrique.






135
Abbé Francesco Bricolo
0
Paris
7. 3.1865

N° 135 (130) - A L'ABBE FRANCESCO BRICOLO

ACR, A, c. 14/11

Paris, le 7 mars 1865

Très cher Recteur !


 

[1026]
Pour le moment un bref bonjour. Vous trouverez ci-joint une lettre en langue Galla que Mgr. Massaia a envoyée aux quatre jeunes Africains, pour leur apporter sa bénédiction en tant que Père des Gallas. Faites en sorte que cette lettre soit lue par celui qui est à Zevio, celui qui est à l'hôpital et par les deux qui sont à Venise, et qu'ils écrivent une lettre en galla à Mgr. Massaia.


[1027]
J'ai déjà commencé à célébrer les Messes selon les intentions que vous m'avez confiées. Jusqu'à présent je célébrais selon les intentions du Pape. Notez bien le tout et à Vérone nous nous arrangerons. J'ai beaucoup de choses à écrire, mais je n'en ai pas le temps. Je vais très bien. J'ai beaucoup travaillé, j'ai prêché ici à Paris, et je vois un avenir orageux mais beau pour l'Afrique.

Recommandez-moi aux prières des Prêtres, des Clercs et des jeunes de l'Institut. Je vous remercie des nouvelles que vous m'avez transmises dans votre dernière lettre. Ecrivez-moi encore.

Dites à mon concierge de m'acheter à Place Navona, deux parapluies en toile au prix de trois lires chacun. Le 15 février dernier, en revenant des Tuileries, où j'étais présent à l'ouverture des Chambres et où j'ai entendu l'Empereur prononcer son discours, j'ai perdu mon parapluie en soie ! Jamais plus de parapluie en soie ! ! Priez Saint Joseph pour



votre affectionné

Abbé Daniel






136
Abbé Francesco Bricolo
0
Paris
22. 3.1865

N° 136 (131) - A L'ABBE FRANCESCO BRICOLO

ACR, A, c. 14/12

Paris, le 22 mars 1865

Très cher Recteur !


 

[1028]
Le Seigneur m'a vraiment rendu visite. J'ai une forte grippe qui n'est pas encore guérie, et sur mon visage ressort l'effet de la terrible fièvre qui m'a persécuté la semaine dernière : fiat ! Quand Dieu le voudra tout passera.

J'ai la consolation d'être à côté d'un saint homme qui m'aime comme son enfant et qui m'entoure de mille attentions, il fait même l'infirmier. Le temps passe et cet homme me paraît de plus en plus admirable. Si dès le début j'avais écrit tout ce qu'il m'a dit (car nos conversations concernent très souvent l'Afrique et tout ce qui est en rapport avec l'Afrique), j'aurais un petit trésor, et je pourrais écrire des choses intéressantes et édifiantes. Il fut plusieurs fois emprisonné, très souvent enchaîné, huit fois exilé et autant de fois condamné à mort.


[1029]
En Abyssinie, Abba Selàma a prêché la croisade contre Massaia au nom de l'Empereur, en tant que premier Evêque arrivé en Abyssinie et chez les Gallas.

En 1863, il est apparu enchaîné devant l'Empereur Théodore qui était prêt à le condamner à mort après l'avoir fait rechercher pendant plus de huit ans ; mais, après un long entretien, il en a eu peur et en tremblant il l'a comblé d'honneurs.

Au cours de cette période, il a été enchaîné nuit et jour dehors, pendant deux mois, et souvent il a passé la nuit sous la pluie et dans la boue. Lui un Evêque, chose admirable, est resté pendant 15 ans pieds nus, sans jamais porter de chaussures, ni de chaussettes, ni de sandales, rien !


[1030]
Je connais bien l'Afrique et je sais bien qu'il n'y a pas de routes normales, mais seulement des sentiers pleins d'épines, et cela m'a beaucoup impressionné. Homme simple comme l'eau, mais très cultivé, il a mené une vie sainte dont je connais beaucoup de détails. Je garde les vieilles sandales qu'il a portées en Abyssinie les trois premières années, quand il a sacré Evêque Mgr. de Jacobis ; je les lui ai volées, et maintenant je les garde comme une relique. Il est très sensible à mes idées ; il n'ose pas donner un jugement sur le Plan en général ; mais il m'a dit qu'il s'agit du même Plan qu'il avait présenté à Rome depuis 1850.

De toute façon, Mgr. Massaia est un homme qui peut me faire beaucoup de bien. Comme il m'a prié de l'aider dans la rédaction de son catéchisme Galla et dans la grammaire que l'Imprimerie impériale de France va imprimer sans que Monseigneur. dépense un sou, je reste encore quelque temps avec lui à Paris.


[1031]
En ce qui concerne mes affaires avec la Propagation de la Foi et avec d'autres Sociétés, j'ai déjà pris connaissance de tout et j'ai déjà tout traité. Le souci de l'argent est devenu de moindre importance. Au fur et à mesure que l'on fondera les Instituts, il y aura certainement les dons nécessaires pour l'Afrique.

Ce qui est difficile c'est de s'arranger avec les religieux, soit en ce qui concerne les fondations d'Europe, soit surtout pour le personnel à fournir. Cela m'occupera beaucoup dans l'avenir. Il est certain que je suis arrivé à créer un grand intérêt pour l'Afrique ici en France ; le démarrage étant fait, je laisse maintenant au Pape le soin de parler au Consistoire au moment le plus opportun, et vous verrez l'effet que produira la parole du Vicaire du Christ. Je suis sûr que dans quelques années, il y aura une plus grande activité en faveur de l'Afrique.

J'ai déposé mon entreprise aux pieds de Marie à Notre-Dame des Victoires qui compte 20 millions d'Associés. Je prêcherai bientôt sur l'Afrique dans cette église au cours d'une fête des Associés. Le Sacré-Cœur de Marie réalisera ce que nous sommes seulement capables de gâcher.


[1032]
Je vous prie d'aller à San Peretto et de parler avec le Vicaire ou avec l'Abbé Francesco Zamboni et de m'envoyer à Paris le nombre précis des Associés de la Confrérie de Vérone : je crois qu'ils sont 200 000. Le Directeur de Notre-Dame m'a chargé de cela. J'ai écrit un article sur les Annales, éditées deux fois par mois, au sujet de l'Abbé Zecchini promoteur de l'œuvre à Vérone.


[1033]
J'ai eu des conversations avec Montalembert avec lequel je me suis retrouvé chez le Baron du Havelt. J'aime davantage mon cher Nicolas, avec lequel j'ai entamé une grande amitié.

J'ai une lettre du Vicaire du Cardinal Wisemann qui m'assure que le Cardinal aurait voulu promouvoir l'Œuvre de l'Afrique en Angleterre. Mais le Cardinal est mort : paix à son âme.


[1034]
J'ai écrit au Supérieur le 10 mars à l'occasion de son anniversaire ; je lui ai aussi transmis une partie de la lettre que Mgr. Massaia a écrite au Cardinal Barnabò sur mon compte.

Si vous m'écrivez, racontez-moi tout et longuement. Je suis toujours heureux et, déjà consacré à Dieu, disposé à faire ce que Dieu me demandera.

Certes, l'Œuvre de l'Afrique rencontrera des obstacles de toutes sortes. J'ai essayé d'œuvrer avec l'aide de la grâce et inspiré par Dieu, afin de réaliser sa volonté et de coopérer, s'Il le veut, au dessein de sa miséricorde pour les pauvres Noirs.


[1035]
Recommandez-moi aux prières des bons. Saluez de ma part le Supérieur, tous les prêtres. Mettez-moi au courant des affaires des Bettanini avec les Hermann, saluez l'Abbé Tilino. Saluez de ma part Hans et dites-lui que son oncle ne l'oublie pas. Je lui envoie un portrait de Mgr. Massaia signé de lui-même, je voudrais envoyer le même au Supérieur avec une même dédicace, du style par exemple : tous unis travaillons pour l'Afrique etc., mais j'ai peur qu'il le refuse. En tout cas, donnez-moi votre conseil. Dans le cas où le Supérieur l'accepterait, mon cher Recteur je vous en enverrai tout de suite un autre, que tout cela reste entre nous.


[1036]
Saluez de ma part Tregnaghi à qui j'écrirai dans quelques jours, les Abbés Brighenti, Forchesato, Tomba et tous les prêtres, les Clercs, les jeunes, Farinato et son épouse, mon concierge, mes protestantes etc. Oh ! combien de choses intéressantes je pourrais vous écrire sur Paris et sur sa position vis-à-vis de l'Eglise ! Mais je n'en ai ni le temps ni la force. Donnez-moi des nouvelles de mon filleul Vittorio, et saluez-le de ma part.



votre affectionné

Abbé Daniel






137
Abbé Francesco Bricolo
0
Paris
5. 4.1865

N° 137 (132) - A L'ABBE FRANCESCO BRICOLO

ACR, A, c. 14/13

Paris, le 5 avril 1865

Mon cher Recteur,


 

[1037]
J'ai attendu avec anxiété une lettre de votre part, mais mon espoir a été déçu. Que le Seigneur soit béni. Je suis certain que ce silence n'est pas produit par une désaffection envers moi. Je suis sûr de vivre dans votre mémoire, comme vous, notre saint vieux Supérieur et tous les membres de l'Institut (sans exclure mon concierge) vivez et régnez dans mon cœur.

J'aurais beaucoup de choses à vous écrire qui seraient très intéressantes, mais me passionnant pour une affaire très importante pour moi, je laisse tout tomber et je me concentre sur celle-ci.


[1038]
Vous aurez reçu sans doute une note des Œuvres imprimées par le célèbre Abbé Migne. Du point de vue des traités, sacrés et ecclésiastiques, l'imprimerie Migne est la première au monde. Comme j'avais établi avec l'Abbé Migne un contrat pour le Chapitre de la Cathédrale de Turin et que je visitais ses immenses ateliers, (qui possèdent un capital de 12 millions de francs rien qu'en plaques de caractères), il m'est venu le désir de pourvoir notre Institut de toutes les œuvres Ecclésiastiques. J'ai pensé et étudié la façon de venir à bout de ce projet ; j'en ai parlé à l'Abbé Migne en personne. Sans nous casser la tête, nous pourrions avoir une belle et utile Bibliothèque en célébrant des Messes. L'Abbé Migne accepterait ces Messes, même 50 000 et il s'engage à nous donner toute sa bibliothèque. Avec 2000 intentions, il nous donne toute la Patrologie, c'est-à-dire tous les Pères grecs et latins, etc.


[1039]
Or, le Supérieur a, chaque jour, 30 intentions, lesquelles sont destinées au Pape à cause du manque d'aumônes. Ne pourriez-vous pas en parler au Supérieur ? Ne lui dites pas que l'idée vient de moi, car à ses yeux je suis tombé en disgrâce. Il donnerait sans doute un avis négatif. Faites semblant d'avoir eu cette information par d'autres sources. Pensez-y, parlez-en, et écrivez-moi..


[1040]
Cela dit, je viens au motif de cette lettre ; ce qui m'est arrivé vous étonnera. J'adore en tout cas les desseins de la Providence, et je bénis Jésus qui a souffert innocent, tandis que moi, en fin de compte, je suis un pauvre pécheur.

Son Eminence le Cardinal Barnabò, en écrivant à mon très cher Mgr. Massaia, Evêque de Cassia, a déclaré que Comboni n'appartenait plus à l'Institut du Chanoine Mazza de Vérone. Monseigneur est resté un peu surpris et moi aussi, à vrai dire. Je ne pensais pas que les choses étaient devenues si graves qu'elles étaient parvenues jusqu'à Rome où je dois traiter des affaires importantes et très délicates, et donc, avec le danger de voir provoquer pour moi des conséquences désagréables.

Mon cher Recteur, les choses sont ainsi : le bon vieux Mazza, pour des raisons et des fins certainement bonnes et que je respecterai toujours, a fait savoir à Rome, soit par lui-même soit par d'autres que je ne fais plus partie de l'Institut Mazza.


[1041]
Je reconnais et je confesse mon indignité d'appartenir à l'Institut Mazza, mais je suis très surpris de cet événement. Selon ce que vous m'avez dit, cher Recteur, (puisque notre vénérable vieux ne m'a jamais dit cela ni de vive voix ni par écrit) la première fois que j'ai su que le Supérieur, l'Abbé Mazza, était mécontent de moi, c'était l'été dernier, lors de ma visite à Turin. Pendant mon absence, il y a eu beaucoup d'entretiens entre vous, le Recteur. et Mazza le Supérieur. Suite à votre sage conseil, je lui ai écrit une lettre d'éclaircissement de sorte qu'à mon retour à Vérone au début du mois de septembre, lorsque nous nous sommes rencontrés, nous avons gardé un parfait silence, et il n'est ressorti aucun signe de cette contrariété acharnée envers moi.


[1042]
Début septembre je suis allé à Rome pour deux mois, entre-temps l'amertume s'est accrue. Le pauvre Supérieur fut dégoûté ; plusieurs entretiens eurent lieu entre le Recteur et le Supérieur. Pour ma part j'ai renouvelé certains actes d'obéissance et d'humilité. Tout semblait être terminé.

De retour à Vérone avant de venir en France, j'ai vu plusieurs fois le Supérieur dans un tête-à-tête. Il ne m'a alors manifesté aucune contrariété et il m'a même encouragé dans mon travail pour l'Afrique en me promettant de prier et de faire prier pour cela.

Je pars de Vérone et j'arrive en France ; et voilà que le feu de la discorde s'allume à nouveau et sans rien me dire, sans me donner le temps de me défendre, pendant que je suis loin et que des affaires importantes se déroulent pour moi à Rome, sans discussion légale ni procès, on écrit à Rome pour dire que je n'appartiens plus à l'Institut Mazza. Je ne sais pas quelle est cette manière de procéder. Fulminer une sentence définitive sans rien faire savoir au condamné ! Que le Seigneur soit mille fois béni.


[1043]
J'ai remarqué qu'on me fait la guerre quand je suis loin, et quand je suis donc dans l'impossibilité de me défendre. Quand je suis là, tout est paisible autour de moi.

Or, la nouvelle étant arrivée jusqu'à Rome, je me permets de faire quelques remarques, mon cher Recteur. Voilà à peu près ce qui me passe par la tête :

1°. Dans les moments les plus importants, quand j'ai besoin de beaucoup de confiance de la part de Rome, avec laquelle je suis en train de traiter des affaires cruciales, qu'est-ce qu'on fait ? on écrit à Rome pour dire que je n'appartiens plus à l'Institut, au risque de faire tomber pour toujours mes affaires, tout faire avorter et compromettre pour toujours ma réputation et mon avenir ! ! !


[1044]
2°. Partout à Rome, en France, à Vienne, dans la Vénétie, à Brixen, en Prusse, à Turin, en Angleterre, là ou j'ai des relations étroites et là où est parvenu mon Plan pour l'Afrique dans lequel il est imprimé en lettres claires que je suis membre de l'Institut Mazza, tout le monde croit justement que j'appartiens à l'Institut Mazza. Le Cardinal Barnabò, le Pape lui-même (qui d'ailleurs a lu mon Plan d'un bout à l'autre), et tous les autres, en voyant qu'on déclare à Rome par d'autres et non pas par moi, que je ne suis plus membre de l'Institut, alors que mon silence fait supposer que j'y appartiens, eh bien ! tous ces personnages distingués dont mes affaires pour l'Afrique dépendent, ont le droit de penser que je suis un menteur, un imposteur, quelqu'un qui mène un double jeu.


[1045]
En effet, mon cher Mgr. Massaia est resté sidéré quand il a lu la lettre du Cardinal. A partir de cela, désormais, chacun a le droit de se méfier de moi.

3°. Quelle conséquence aura cette histoire pour les projets que, dans ma petitesse, je suis en train de mettre en place pour le bien de l'Afrique, et quels seront les dégâts pour moi-même et pour mon avenir ? Certes je me reconnais inapte à traiter les intérêts de la gloire de Dieu, mais j'avais eu un grand courage parce que l'ombre d'un si vénérable Institut protégeait ma faiblesse.

4°. Je dois bien me justifier à Rome : m'y obligent ma conscience d'abord, les intérêts de la gloire de Dieu pour les pauvres Noirs et ajoutez-y aussi l'amour propre car je suis misérable et couard. Quel honneur aura l'Institut si, pour me justifier et me défendre, je suis obligé de dévoiler à Propaganda Fide, et peut-être au Pape, et à ceux qui sont au courant de la chose, toutes les magouilles de l'Institut que nous connaissons tous, et certains côtés peu édifiants de notre cher Supérieur ?


[1046]
Mais cela ne me fait pas souffrir, car j'espère que Dieu me donnera la grâce de triompher par moi-même, et d'être assez fort pour ne jamais toucher l'Institut. Mais j'en ferai toujours l'éloge, comme je l'ai toujours fait surtout à Rome.

5°. Un cœur comme le mien, qui n'est pas froid, mais qui est lié à l'Institut et au Supérieur par des liens de la plus tendre affection et reconnaissance, ne va-t-il pas souffrir un terrible choc de cette coupure ?

Je vous ai soumis, mon cher Recteur, ces cinq premières réflexions et je vous laisse en peser les conséquences. Je vous en soumettrai d'autres plus tard.


[1047]
Immergé dans ces pensées, je vous confesse candidement que je fais de sérieuses méditations. Toutefois, je dois vous confier que jamais mon cœur ne s'est senti aussi lié à Jésus et à Marie comme maintenant. Dans cette terrible incertitude sur l'issue de mes projets et de mon avenir, je trouve un immense bonheur dans le fait d'être catholique et prêtre, et j'ai la preuve que Dieu est infiniment bon et qu'il n'abandonne jamais ceux qui espèrent en Lui. Je ne sais pas s'il en est ainsi parce que je suis insensé ou bien par la force reçue de Dieu ; mais, de fait, je ne suis pas accablé par ma triste position, et mon cœur est sûr et content. Oh que Jésus et Marie sont bons !


[1048]
Cependant le fait de voir qu'entre le Supérieur et les membres de l'Institut fondamental il n'y a pas le respect des normes qui régissent les droits et les devoirs des deux parties ne me laisse pas indifférent.

En effet je découvre le spectacle d'un membre de l'Institut fondamental, lié à la maison depuis 23 ans qui sans jamais avoir été entendu, sans jamais avoir été jugé comme l'exige le règlement, a été exclu de l'Institut contre l'avis du Recteur immédiat, et de presque tous les membres. Pendant qu'il est loin, sans même lui faire parvenir un avis, et sans lui permettre de se défendre, pendant les moments les plus délicats et les plus importants de son travail, desquels dépend la réussite de son entreprise pour la gloire de Dieu (alors que son appartenance à l'Institut Mazza est annoncée dans un récent opuscule), on déclare qu'il est exclu de l'Institut, en portant, de surcroît, cette nouvelle jusqu'à Rome !

Ce qui m'arrive aujourd'hui, vous arrivera demain, mon cher Recteur et aux autres aussi ! Encourageons-nous ; car si autrefois le lien qui nous unissait était d'être tous fils d'un même Père, le lien qui nous unira dans l'avenir consistera à être fils d'un même destin.


[1049]
Je vous confesse que je n'y comprends rien. La tranquillité de ma conscience et le fait que Dieu accomplit sur l'homme les desseins de sa miséricorde, me donnent la force de bénir de tout cœur la Providence pour cet événement.

Bien que mon esprit n'arrive à discerner quoi que ce soit dans la nuit de l'avenir, je ne fais pas du tout attention aux méchancetés que les personnes diront sur mon compte et je suis confiant et serein. Je remercie les Cœurs de Jésus et de Marie qui ont levé en mon honneur un calice si amer, et je crois que tout cela est pour mon bien ; je bénirai mille fois ceux qui ont contribué à me faire supporter ces tribulations, et je prierai toujours pour eux. Je vénère et je respecte le saint vieillard qui m'a fait tant de bien pendant 23 ans, et je l'aimerai jusqu'à la mort, même s'il a entraîné ma perdition sans pitié. Et je serais vraiment perdu, si Dieu tout miséricordieux ne m'avait pas aidé : "si ton père t'oublie, le Seigneur ne t'oubliera jamais". Je me jette plein de confiance dans les bras de la Providence et je suis prêt à tout, intrépide et confiant dans n'importe quelle situation, mais je ne peux pas déclarer que je suis renvoyé de l'Institut tant que je ne suis pas sûr que c'est la volonté de Dieu


[1050]
Mon cher Recteur, examinez bien cette affaire et gardez toujours pour moi la même affection. J'éprouve une grande douleur en sachant que notre bien-aimé Supérieur a souffert et souffrira peut-être encore pour moi. C'est pour cela que j'ai jugé opportun de lui écrire dans une lettre mon acte de soumission, que je vous prie d'examiner ; et si vous le trouvez bien, je vous demande de le sceller et de l'apporter au Supérieur, en somme, faites tout ce que Dieu vous inspire pour soulager le bon vieillard à qui j'ai causé peut-être trop de douleurs. D'ailleurs, en toute chose fiat ! fiat !






[1051]
En outre, je souffre pour avoir caché une affaire aussi importante à notre bien-aimé Evêque de Vérone. Je me sens ingrat vis-à-vis de toutes les bontés qu'il a eues envers moi. Je crois que je ne peux plus lui cacher une pareille situation ; le devoir et la gratitude m'imposent de le mettre au courant de tout. Mais j'ai cru déplaire au Supérieur en mettant au courant de l'affaire notre Pasteur. Toutefois, je veux attendre encore l'opinion et le conseil de mon Recteur très aimé. Je ne veux pas écrire pour le moment ni à Rome, ni à Mgr. Canossa. Si je dois opter pour cette solution, je veux, comme premier acte de protestation, que la miséricorde soit mise de côté et je veux que la justice seule guide cette affaire. Le Seigneur soit loué.


[1052]
Mille salutations à notre Supérieur bien-aimé, à Mgr. l'Evêque. Mille salutations aux Abbés Tomba, Beltrame, Fochesato et Brighenti, à Lonardoni etc., à tous les prêtres, aux clercs, aux jeunes, aux Institutrices, aux Protestantes et à Hans. Saluez de ma part Tregnaghi, [...] etc. Recommandez-moi aux prières de tous, et tout spécialement des Urbani. Je vous recommande surtout deux affaires très importantes : une affaire que je dois traiter pendant la semaine de Pâques, et l'autre huit jours après Pâques à Amiens où je me rendrai avec Mgr. Massaia, qui m'aide avec son autorité et son ascendant auprès du vénérable Evêque, auquel le Cardinal Barnabò a écrit que l'œuvre des Esclaves doit s'unir à Comboni pour atteindre plus facilement le but que tous les deux se sont proposés.


[1053]
Présentez tout mon cœur au saint Vieillard qui m'a rejeté de son sein ; mais moi je l'aimerai jusqu'à la mort. Dites-lui que quoiqu'il fasse, je l'appellerai toujours Père et je le respecterai comme Père jusqu'à la mort. Voyez mon concierge, et dites-lui que le Prince a de grands projets pour lui, car il court le danger de lui confier pour toujours le château. Saluez de ma part l'Abbé Dalbosco, et envoyez la lettre ci-jointe aux Abbés Luciano et Beltrame. J'ai eu une grosse grippe, qui m'a tracassé tout au long du mois de mars, maintenant ça va mieux. Que le Seigneur soit loué et les Cœurs de Jésus et de Marie soient bénis. En eux, je me déclare à jamais



votre affectionné

Abbé Daniel






138
Abbé Francesco Bricolo
0
Paris
9. 4.1865

N° 138 (133) - A L'ABBE FRANCISCO BRICOLO

ACR, A, c. 14/14

Paris, le 9 avril 1865

Mon cher Recteur !


 

[1054]
Hier j'ai reçu votre précieuse lettre du 30 mars. Comme j'étais très occupé, je suis allé à la Poste en retard. Si notre bon Vieillard a fait tant de reproches au Recteur pour s'être épuisé pour l'Institut, en le jugeant comme quelqu'un qui reçoit les aumônes pour les utiliser à des fins illégales, qu'en sera-t-il de moi qui suis depuis longtemps dans des pays lointains, et qui ai demandé de l'aide pour les Africains ? Je n'ai pas beaucoup d'espoir. Fiat. Le Seigneur fera pour le mieux, pour moi et pour l'Institut, en le délivrant d'un poids inutile.


[1055]
Mon vénérable Mgr. Massaia a envoyé au Supérieur la photographie ci-jointe. Pensez que cette photo n'est pas le fruit du hasard, mais sert à montrer l'intime union qui règne dans nos cœurs pour le travail en faveur de l'Afrique entre l'Institut et les Vicaires Apostoliques. Pour le moment, il faut se taire ; le moment de parler n'est pas venu. Mais quand Mgr. Massaia viendra à Vérone, ce grand Apôtre de l'Afrique et le Supérieur s'entendront parfaitement. Les vœux les plus heureux pour le Supérieur, de la part de Mgr. Massaia et de moi-même , ainsi qu'à l'Evêque, à vous tous de l'Institut, à la Noble famille Pompei, et à tous ceux que je connais. Saluez de ma part Tregnaghi, l'Abbé Donato, la Marquise Elena, l'Abbé Cesare, priez et faites prier pour moi. Mes salutations aussi à Garbini...

Tous mes vœux de Pâques à l'Abbé Aldegheri, à Angeleri, Bianchi et Ronconi, et adressez mes vœux à Balconi à qui j'enverrai ma carte.

Cette fois-ci vous m'avez donné des nouvelles intéressantes. Il y a trois jours je vous ai écrit une longue lettre ; j'espère que vous l'avez reçue. Remettez au Supérieur la photo avec la dédicace.


[1056]
Priez pour moi, cher Recteur. Je vous apporterai des ouvrages sur l'éducation. Comme je n'ai pas d'expérience à ce sujet, je demanderai à Mgr. Dupanloup, Evêque d'Orléans, avec lequel je suis en excellente relation, de choisir pour moi les meilleurs. Je me suis rendu deux fois loin de Paris, une fois à Orléans et l'autre en Bretagne. Soyez sûr de l'affection, de la gratitude et du dévouement de



votre affectionné

Abbé Daniel



[Sur le verso de la lettre, on lit la note suivante :]

Je désire que les Africains répondent à la lettre en galla de Mgr. Massaia ou au moins que vous Recteur, vous m'écriviez quelque chose. Il semble qu'on ne tienne pas compte d'un Evêque qui a eu la bonté d'écrire le premier !






139
Père Lodovico da Casoria
0
Cologne
15. 4.1865

N° 139 (134) - AU PERE LODOVICO DA CASORIA

AFBR

Cologne, le 15 avril 1865

Très révérend et très aimé Père !


 

[1057]
Vous serez surpris de recevoir une lettre de ma part de Cologne. Et pourtant, c'est ainsi. Je devais déjà vous écrire de Paris, où je suis resté pendant trois mois, et où j'irai la semaine prochaine pour essayer d'agir pour l'Afrique noire, mais j'ai dû retarder, car l'affaire est longue et n'est pas encore terminée.

Je profite de ce que notre Société bienfaitrice m'a demandé de vous écrire quelque chose en son nom, pour joindre à ce qu'elle veut vous communiquer , ce que je dois et désire vous écrire..


[1058]
Au nom de cette Société qui aime et aide surtout la sainte œuvre du Père Lodovico pour la conversion de l'Afrique (œuvre qui est aujourd'hui l'espérance la plus sûre de l'Eglise et aussi mon espoir de régénération de l'Afrique), je vous apprends que le Seigneur a rappelé à Lui l'âme de M. Kratz membre de ce Comité, lequel travaillait avec beaucoup de zèle pour le développement de la Société.

Qu'il repose en paix.

Monsieur Vosen, chez lequel je suis logé, vous rappelle la promesse que vous lui avez faite de célébrer la Messe pour les défunts de l'Œuvre, et il est heureux de vous transmettre la reconnaissance de la Société pour votre détermination à ce sujet. Le Comité a remplacé le membre défunt par M. Closset, pharmacien que vous avez connu à Naples l'année dernière lors de sa visite aux petits Africains. C'est un homme d'esprit et de cœur qui contribuera au bien de l'œuvre.


[1059]
Le Comité a éprouvé beaucoup de douleur pour la mort du frère africain, et remarque avec regret, qu'à Naples, bien que ce soit le jardin de l'Italie, le climat n'est pas le plus convenable pour les Africains (même si c'est le meilleur d'Europe) ; pour cela il a accueilli très favorablement votre décision d'ouvrir deux maisons en Egypte.

Tous les membres, avec M. Noecker, le Président, vous envoient leurs meilleures salutations, ils prient pour vous, et ils vous confirment leurs efforts pour donner une grande impulsion à la Société, afin qu'elle puisse ainsi fournir davantage d'aumônes. C'est bien un de mes espoirs en ce qui concerne les moyens matériels pour l'Afrique ; au fur et à mesure que les choses progresseront en Afrique, les aumônes aussi croîtront ; et je ne serais pas étonné si d'ici 20 ans, cette Société devenait plus florissante que celle de Vienne et de l'Œuvre des Ecoles d'Orient à Paris. Prions le Seigneur pour ce but.


[1060]
A Paris, je loge chez les Pères Capucins, 13, rue de la Santé en compagnie de Mgr. Massaia, Evêque de Cassia et Vicaire Apostolique des Gallas ; ce dernier est persuadé de la valeur de mon Plan en ce qui concerne la partie orientale, et il a décidé de m'aider avec son prestige et avec son expérience pour en commencer la réalisation.

Mon Plan a été imprimé à Turin, d'où je vous ai envoyé une copie. Ici, en France, après avoir vu toutes les Œuvres qui y ressemblent, et après avoir étudié l'esprit de ceux qui doivent y travailler, je pense que sa réalisation sera difficile.


[1061]
Le Cardinal Barnabò m'a écrit à Paris pour me dire de faire en sorte qu'avant tout les Supérieurs des Missions des Côtes de l'Afrique, confiées à différents Ordres religieux et assistées par des Prêtres de diverses nations, puissent s'unir, soit pour voir s'ils veulent concourir à l'œuvre, soit pour autoriser et former les petits Instituts projetés. Il m'a fait aussi comprendre qu'il fallait contacter la pieuse œuvre de la Propagation de la Foi de Lyon et de Paris pour voir si elle envisage de contribuer à ce but spécial. Je trouve qu'il est difficile de réaliser ces deux choses. Dans toutes ces Sociétés françaises il y a vraiment l'Esprit de Dieu, mais aussi celui de la nation. Si les cœurs de la plupart des Supérieurs étaient enflammés comme celui du Père Lodovico, et avaient l'amour et la charité du Christ à un niveau élevé, je crois qu'en peu de temps on pourrait créer une phalange invincible qui, en peu d'années, donnerait des résultats énormes pour la race africaine, tout en sauvegardant la juridiction et les droits de chaque Vicaire Apostolique ; mais Dieu ne veut pas encore cela ; que sa volonté soit faite.


[1062]
Si le Plan proposé n'a pas de suite, j'en ferai un deuxième et un troisième après, jusqu'à ma mort. Certes, n'ayant pas beaucoup d'expérience je rencontrerai des difficultés que quelqu'un d'autre surmonterait plus facilement.

Je vous prie, cher Père, d'étudier mon Plan, et de le simplifier. Je voudrais solliciter le monde entier pour prêter main-forte à l'Afrique, et pour recueillir tout le personnel nécessaire à ce but, non seulement parmi le clergé régulier, mais aussi parmi le clergé séculier. Il me semble que si on arrive à installer une grande phalange dans les vastes tribus des Gallas, là où le climat est meilleur que celui de Naples, nous pourrions prendre d'assaut l'Afrique Centrale en peu de temps en partant du côté Oriental.


[1063]
En attendant, poursuivez (c'est la volonté de Dieu) le projet que vous avez commencé ; vous verrez que dans très peu de temps, la Société de Vienne viendra à votre secours, et vous pourrez ainsi vous installer sur le Nil et parmi les Noirs. J'espère qu'une fois que je serai arrivé à Rome avec Mgr. Massaia, nous pourrons venir ensemble jusqu'à Naples et avoir de nombreux entretiens.

Ce saint Evêque et martyr franciscain a été plusieurs fois exilé, condamné à mort, enchaîné et conduit devant l'Empereur Théodore etc. Il est resté, chose admirable, pieds nus en Afrique pendant 13 ans, dans des lieux où il n'y a pas de routes, mais des épines et des pierres d'achoppement. Lui, un Evêque, a marché sans cesse à pied et jeûné comme en carême etc...etc....


[1064]
J'ai directement recueilli ses propos, sans qu'il s'en aperçoive, et je les ai retranscrits dans mon journal, ils viendront à la lumière le moment venu ; il a fait, me semble-t-il, des choses prodigieuses, bref, admirables. Bien que persécuté par Abba Selama, il a essayé de pénétrer chez les Gallas (c'est seulement en 1863 qu'il a entendu pour la première fois la définition du dogme de l'Immaculée Conception), et il est aussi allé à Khartoum en tant que voyageur séculier ; seul le Père Pedemonte, chez qui il se confessait à Khartoum, connaissait le secret. A ce propos, Mgr. Massaia m'a prié de vous écrire pour savoir si le Père Pedemonte de la Compagnie de Jésus est à Naples, et de me le faire savoir à Paris.

Cher Père, j'attends donc, si vous le voulez bien, une lettre de votre part à Paris, où je serai de retour d'ici quelques jours.


[1065]
J'ai beaucoup parlé de vous à Mgr. Massaia, et surtout de vos saintes institutions pour l'Afrique ; c'est pour cela qu'il a eu le désir de vous rencontrer. J'espère que ce saint évêque pourra venir à Naples, car il a beaucoup de choses à vous raconter, j'en suis au courant, et elles vous donneront beaucoup de joie.

Je vous en parlerai dans une autre lettre. Propaganda Fide a écrit à l'Evêque d'Amiens qu'elle n'est pas opposée à ce que le prêtre espagnol envoyé puisse fonder l'Œuvre des Esclaves. J'irai à Amiens avec Monseigneur dans une semaine pour nous mettre d'accord avec l'Evêque, comme Barnabò l'a écrit à celui-ci.

Là aussi, pour le Père Lodovico et pour moi, nous trouverons beaucoup d'aides pour l'Afrique. L'œuvre a des difficultés à démarrer à cause de Lyon, mais nous sommes en train de tout arranger pour faire en sorte qu'elle puisse s'installer en Espagne où il n'existe aucune Œuvre. Mais je vous écrirai une autre fois à ce propos.

Mon Directeur m'a écrit au sujet des trois Africains qui viendront à Naples. Cela fait désormais deux ans que j'ai prié mon Supérieur de les conduire quand ils étaient en bonne santé et qu'ils pouvaient être très utiles ; mais le saint vieillard s'est résolu au dernier moment. Fiat !


[1066]
Priez le Seigneur pour moi et bénissez mes efforts.

Sans une sorte de confédération de toutes les missions parmi les Noirs, pouvant se communiquer les idées, les instructions, les résultats d'une expérience pratique, à mon avis on ne pourra jamais établir le catholicisme dans tout le Centre de l'Afrique. Ajoutez à cela les dégâts et les progrès que la propagande musulmane réalise partout. Si la charité du Christ arrive à unir tous les cœurs, alors grandiront le courage, la constance, la connaissance des lieux et des personnes et nous pourrons ainsi faire davantage.

Le plus bel espoir pour l'Afrique réside à Naples. Je dirais de plus, que le Cardinal Barnabò à Rome, s'est montré assez content de mes idées, dans ses écrits je le sens plus dur. J'admire la prudence et la constance de Propaganda Fide dont Barnabò est le Cardinal Prefet.

Saluez de ma part tous les petits Africains, notre cher Abbé Francesco, les chers frères pleins de l'esprit de Dieu ; et envoyez votre bénédiction à



votre indigne serviteur

Abbé Daniel Comboni






140
Abbé Francesco Bricolo
0
London
23. 4.1865

N° 140 (135) - A L'ABBE FRANCESCO BRICOLO

ACR, A, c. 14/15

Londres, le 23 avril 1865

Mon cher Recteur,


 

[1067]
Dans ma dernière lettre, je vous ai prié de me recommander auprès de Jésus et de Marie pour deux choses qui me tiennent à cœur ; la première devait s'accomplir pour Pâques ; la deuxième, huit jours après ; dans ce cas il s'agissait d'une convention avec l'Evêque d'Amiens d'après l'ordre du Cardinal Barnabò. Sachez, mon cher Recteur, que vos prières ont été exaucées pour la première chose.

Le dimanche des Rameaux, via Reims et par le Rhin, j'étais en Prusse où les membres du Comité Central et plusieurs autres personnes m'ont fait passer 10 jours de délices : voyage en bateau sur le Rhin, certainement le plus beau fleuve du monde, une compagnie allègre, de bonnes bouteilles, une bière excellente et un cœur cordial etc.

Dans le document ci-joint vous pouvez lire ce que j'ai établi pour l'Afrique.


[1068]
Qu'en pensez-vous ? C'est un petit événement, mais solide et de bon augure pour le commencement de mon Plan. Il s'agit de 100 000 francs qui sont à l'abri de la pluie, de la neige, des tempêtes, et des impôts des gouvernements affamés.

Pour la gloire de Dieu et pour le bien des Noirs, en considérant bien les choses, je serai disposé à céder in perpetuo 5.000 francs par an à notre bon Vieillard et Père, Monsieur le Supérieur, comme petit tribut de l'affection et de la dévotion que j'ai envers celui qui m'a fait tant de bien ; un petit tribut qui n'est rien en comparaison de ce que mon cœur désire. Cinq mille francs sûrs par an dans les mains de notre brave Abbé Beltrame, fructifient plus que 50.000 entre les doigts du très zélé et vénérable Knoblecher ; ce n'est pas une bagatelle. Dites cela au Vieillard et faites-moi savoir en toute confidence, s'il est écrit dans les décrets de la Providence que je doive essuyer tant de refus de la part d'un Vieillard que j'aime tant.


[1069]
En tout cas, que la volonté de Dieu soit faite. Je souhaiterais bien que la fondation de l'Institut commence cette année, et encore mieux cet automne.


[1070]
De la Prusse, en passant par Aix-la-Chapelle, Liège, Louvain, Malines, Bruxelles, Anvers, Gand et Ostende, je suis arrivé en Angleterre à Douvres, et je suis actuellement à Londres. J'ai décidé de modifier les attributions du Comité, et de rendre plus clair mon Plan, car je me suis rendu compte que dans la version de Turin, le Plan n'est pas bien exposé. J'en ferai donc une version française à Paris. Mais d'abord je veux entendre les conseils de Mgr. Massaia et de beaucoup d'autres. Je ne peux pas vous décrire les obstacles que j'ai rencontrés en France. Mon voyage en Allemagne m'a redonné du tonus, et aujourd'hui je me sens tellement fort que je ne céderai jamais.


[1071]
Si le Pape, Propaganda Fide et tous les Evêques du monde entier étaient contre, je baisserais la tête pendant une année, et ensuite je présenterais un nouveau Plan, mais cesser de penser à l'Afrique, jamais ! jamais ! Les questions d'argent et le saint amour-propre des Congrégations auxquelles sont confiées les 21 missions de l'Afrique, ne me découragent pas. Je trouverai l'argent le moment venu ; "demandez d'abord... " et notre Vieillard, avec l'éloquence de son exemple nous dira : "et le reste vous sera donné en surplus". Jésus Christ a dit dans l'Evangile : "demandez et il vous sera donné".


[1072]
Les qualités d'un bon quêteur et d'un bon mendiant sont trois : prudence, patience, culot. La première me manque, mais parbleu ! je pense très bien pallier cela par les deux autres, et surtout la troisième. Espérons.


[1073]
Je quitte Londres pour Paris, vendredi prochain, et je partirai samedi avec Mgr. Massaia pour Amiens où j'espère résoudre toutes les questions dans une semaine, et ensuite je serai durablement à Paris jusqu'à nouvel ordre.

Pour le moment je ne sais rien de définitif en ce qui concerne mes relations avec le Supérieur. J'espère que vous et le Vieillard aurez répondu à mes dernières lettres. Je lirai donc ma sentence de vie ou de mort à Paris, vendredi soir.


[1074]
Si la sentence est une sentence de vie, tout ce qui est passé est passé, cela sera le complément de mon bonheur sur cette terre. Si la sentence est une sentence de mort, fiat. Mais, soyez-en assurés, je ne mourrai pas, je ne tomberai pas si Dieu me soutient dans la terrible épreuve. J'ai les nerfs assez solides ; j'ai sept âmes, comme les femmes. Je dirai toujours avec le cœur que le Seigneur soit béni. Ainsi le Seigneur l'a voulu, ainsi soit-il. La Providence dirigera mes pas sur l'ardu sentier sur lequel il m'a placé.


[1075]
Cela dit, je regrette de ne pas être à la représentation de Dante : Fiat ! Remerciez les Urbani pour les prières faites, et tous ceux qui ont prié pour moi ; j'espère qu'ils continueront.


[1076]
A l'occasion de la représentation, saluez de ma part l'Evêque, et dites-lui qu'à mon retour d'Amiens, j'irai à Bayeux, comme je le lui ai déjà écrit. Mes salutations au Marquis Ottavio, au Comte Pompei Miniscalchi, à MM. Martinatti, De Betta, Parisi, Tregnaghi, Tiolo, à l'Abbé Vertua, à MM. Farina, Faccioli, Burri, au curé de Saint Etienne, à l'Abbé Guella. Un très grand bonjour à l'Abbé Toffaloni et à son frère, à Morelli, au Dr. Recchia, à M.M. Festa, Cavazzocca, etc et à tous mes Professeurs, à Salvaterra et aux amis, au Supérieur avant tout, à l'Abbé Beltrame, aux prêtres, aux jeunes, aux amies protestantes, et à Hans. Dans les Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie, je me déclare



votre affectionné Abbé Daniel



Fait suite la Déclaration de la Société Prussienne.