[2468]
Pourquoi la mission d'Afrique Centrale, après des efforts si importants, après tant de victimes si illustres, frappées par la mort, alors que naissaient tant d'espoirs pour atteindre un heureux succès, après des dépenses si grandes et après tant de sacrifices, a-t-elle dû interrompre sa grandiose et sublime œuvre de conquête et suspendre presque complètement toutes ses activités ?
Pourquoi, en 1861, a-t-on été obligé d'abandonner les florissantes missions du Fleuve Blanc que les Missionnaires avaient fondées avec peine et qui étaient les plus importantes et les plus centrales des régions à convertir ?
Pourquoi les Missionnaires, réduits à un petit nombre, après avoir fait preuve d'un zèle vraiment admirable, ont-ils dû quitter le centre de leur activité et se retirer en Egypte ?
Pourquoi la stagnation a-t-elle succédé à 15 années d'activité dans cette sublime mission d'Afrique Centrale, pourquoi la Mission était-elle incertaine de son avenir et pourquoi s'est-elle vue menacée dans son existence même ?
[2469]
Toute entreprise de grande importance, visant à un principe qui ennoblit l'humanité, a besoin, pour être apte à cette finalité, d'une organisation qui réponde au but et qui soit convenable. Le succès d'une grande œuvre qui doit être fondée ne dépend que de cela.
Une telle organisation doit avoir un but bien déterminé et clairement formulé, afin que l'édifice que l'on veut ériger ait une base solide et inébranlable.
Il doit y avoir un centre d'où peut se répandre l'activité, des moyens nécessaires et du personnel qui collabore, c'est seulement avec celui-ci qu'on peut espérer de bons résultats ; et on doit aussi imprimer, dans cette organisation le sceau de la durée et de la croissance progressive.
[2470]
Certes, la Mission d'Afrique Centrale possédait de nombreux hommes, fort capables, qui la firent démarrer, animés de la vigueur des héros et du courage le plus noble. Nous avons vu ici des ouvriers évangéliques doués de merveilleux talents, possédant toutes les vertus apostoliques, qui ont consacré toute leur énergie à la Mission, l'ont soutenue et ont essayé de la conserver.
La Mission avait des protecteurs puissants et des aides matérielles en abondance procurées par la généreuse charité des Autrichiens.
Toutefois il lui manquait les éléments qui ne devraient jamais faire défaut pour atteindre durablement un bon résultat. A la Mission manquait un centre d'activité, autant en Europe que sur les côtes d'Afrique. Ce centre aurait dû lui fournir des aides selon les besoins, il aurait dû être composé d'ouvriers évangéliques des deux sexes, capables d'exercer le ministère apostolique à l'intérieur de la Nigrizia.
Je le répète une fois encore, l'organisation de cette Mission ne correspondait pas au but visé et ne pouvait pas donner de bons résultats.
[2471]
D'excellents Prêtres, à tous égards, ont travaillé en Afrique Centrale, mais ils provenaient des diocèses du Tyrol, de Bavière, de Ljubljana et des régions froides d'Allemagne et d'Autriche. De là, ils sont allés directement dans les régions torrides d'Afrique Centrale, sans avoir auparavant effectué un apprentissage commun et similaire pour tous, dans le but d'aller dans ces régions.
Cet apprentissage que le Missionnaire aurait dû faire et les différentes étapes qu'il aurait dû franchir avant de commencer son activité, lui étaient indispensables.
Les Missionnaires étaient confrontés au climat torride du Fleuve Blanc sans avoir été auparavant acclimatés dans différents endroits situés entre ces régions et l'Europe.
Il aurait été tout d'abord urgent et nécessaire de fonder en Europe un Séminaire bien organisé afin d'y préparer les jeunes Prêtres pour la difficile et dangereuse mission d'Afrique Centrale. Ici et là sur les côtes de l'Afrique on aurait dû fonder des collèges où les Missionnaires auraient pu s'habituer au climat et vérifier, en même temps, s'ils étaient à la hauteur de cette tâche d'importance, et devenir ainsi des ouvriers aptes et valeureux pour le difficile apostolat de l'Afrique Centrale.
[2472]
Avant tout il aurait fallu fonder une Congrégation de Sœurs Missionnaires grâce auxquelles on aurait donné à la Mission une aide efficace et indispensable pour la diffusion de la Foi au sein des familles. Ces Sœurs Missionnaires sont indispensables et, à tous égards, elles sont essentielles.
Ensuite, on aurait dû ériger des Instituts sur les côtes africaines où Européens et Africains auraient pu vivre et travailler, et où les indigènes des deux sexes auraient pu être formés pour devenir eux-mêmes des apôtres de la Foi et de la civilisation parmi leurs compatriotes. Ceci a toujours été reconnu par l'Eglise comme le moyen le plus efficace pour conduire un peuple à la vraie Foi et accomplir ainsi, de la meilleure façon possible, la mission de l'Homme-Dieu, c'est-à-dire la conversion au christianisme.
La Mission de l'Afrique Centrale manquait de tous ces éléments, tout à fait nécessaires pour assurer l'accès de la religion de Jésus-Christ dans ces contrées si vastes et si lointaines.
En cela aussi nous devons cependant reconnaître une vérité, à savoir que les Œuvres de Dieu, comme il arrive dans les processus mystérieux de la nature, commencent par une semence minuscule, qui ensuite se développe et, de l'enfance, parvient à une maturité toujours plus grande, et c'est seulement petit-à-petit qu'elle grandit jusqu'à la perfection.
C'est ainsi qu'il devait en être aussi de cette Œuvre grandiose de charité chrétienne et de Rédemption qui a été semée sans éclat dans la terre, comme la graine de sénevé dont parle l'Evangile, qui a germé et qui poussera lentement jusqu'à donner enfin ses fruits.
[2473]
En ce qui concerne les éléments préparatoires et requis par l'objectif, on peut trouver dans mon "Plan pour la régénération de l'Afrique" une ébauche de tout ce qui est nécessaire pour ériger le grand édifice de l'évangélisation de la Nigrizia. Ce Plan, qui au début, avait été considéré comme une pure utopie et une illusion, même par certaines Sociétés importantes, a été entièrement approuvé par le très aimé Pape Pie IX. Il a aussi obtenu, petit-à-petit, l'approbation de certaines personnalités connues pour leur autorité et pour leur érudition, et surtout l'approbation de nombreux et vénérables Evêques et Vicaires Apostoliques d'Afrique.
Le Très Révérend Monseigneur Lavigerie, Archevêque d'Alger, m'a avoué en toute franchise que les grands Instituts qu'il a fondés dans son diocèse pour la Préfecture du Sahara, sont nés sur la même base, selon les principes mêmes de mon Plan.
[2474]
Encouragé par la parole du Vicaire du Christ et du zélé Monseigneur de Canossa, Evêque de Vérone et mon Supérieur, et soutenu de façon tout à fait particulière par les honorables membres de la Société de Cologne, j'ai surmonté toutes les difficultés qui s'opposaient de tous côtés à la réalisation de mon Plan, et je ne leur ai accordé aucune importance. L'ennemi du genre humain semblait avoir fait tout son possible pour détruire cette sainte Œuvre, en arrivant même à menacer d'anéantir le trône de notre Saint-Père Pie IX.
Mais dans les dispositions de sa Providence, Dieu a décidé que les œuvres qui doivent servir à sa plus grande gloire soient marquées par le sceau de la Croix, et puisqu'elles sont nées au pied de la Croix, elles aussi, comme l'Eglise en ce monde, doivent endurer les coups de la persécution et des hostilités que l'enfer invente contre elles. Mais Dieu a voulu sauver son œuvre !
[2475]
Et il l'a sauvée par l'intermédiaire de son très saint Vicaire sur cette terre. Grâce à l'aide de votre bien méritante Société et grâce à la charité de l'Allemagne catholique nous travaillons maintenant à la réalisation de mon Plan. Ce plan n'a pas seulement été reconnu par le Chef de l'Eglise et par vous-même comme répondant bien au but et parfaitement adapté à la fondation des Missions dans la Nigrizia, mais maintenant il jouit aussi de l'approbation des personnalités les plus sensées et les plus prudentes du siècle, ainsi que des plus hauts et des plus distingués dignitaires de l'Eglise, des Présidents de plusieurs Sociétés, et des hommes qui ont une solide expérience dans la fondation de grandes œuvres et surtout des œuvres missionnaires. Qu'on rende gloire à Dieu seul, car Lui seul est l'auteur de ce Plan ! Mais après Lui, c'est vous mes chers amis qui en avez le plus grand mérite. Songez, Messieurs, que si vous voyez maintenant l'Œuvre qui vient de commencer, les temps qui viendront verront les merveilleux résultats des Instituts d'Egypte qui constituent la base et le centre d'opérations d'où l'activité apostolique se répandra dans toute l'Afrique Centrale. Et cette œuvre est bien la vôtre ! Si notre postérité voit ensuite dans les contrées de la Nigrizia des millions d'âmes soumises à la Croix, et des exemples de bonnes mœurs et de vie civilisée, ce sera votre œuvre parce que vous en avez pris l'initiative.
[2476]
C'est à vous et à votre Société que la grande Œuvre doit son existence ; grâce à elle nous avons les espérances les plus joyeuses et les plus justes de parvenir au salut de la Nigrizia. Sans vous et sans votre Société, la grande Œuvre n'aurait pas pu être fondée et la Nigrizia serait encore dans l'obscurité pour de nombreux siècles et dormirait d'un sommeil de mort.
Le premier rayon de lumière est sorti de la sainte ville de Cologne, et de la tombe des trois Rois Mages, les premiers Apôtres des terres païennes. Cette lumière dissipera pour toujours les ombres du paganisme qui, depuis plus de quarante siècles, enveloppent dans les ténèbres l'horizon de la Nigrizia.
[2477]
Toutefois, pour l'administration et la direction des Instituts d'Egypte et des Missions d'Afrique Centrale, il faut avoir en Europe un corps enseignant formé d'excellents Prêtres, zélés et instruits, pour pouvoir poursuivre l'Œuvre même après ma mort. C'est une disposition de mon Plan, et aussi un souhait de Propaganda Fide.
En 1867, pour cela, sous les auspices de l'excellent Evêque de Vérone, Monsegneur Canossa, j'ai ouvert à Vérone un Collège pour les Missions de la Nigrizia, dans le but de former des Missionnaires européens pour l'apostolat de l'Afrique Centrale. Par manque de moyens, je n'ai pas pu acheter une propriété pour cet Institut et j'ai dû payer tous les ans le loyer pour une maison provisoire. Mais, avec l'aide de Dieu et de Saint Joseph, protecteur de notre Eglise catholique, j'ai finalement réussi à acheter à Vérone pour le-dit Institut un bâtiment convenable. Pour cela, j'ai reçu de l'extraordinaire munificence de Sa Majesté Apostolique l'Impératrice Marie Anne d'Autriche, un important don de 20.000 francs. En y ajoutant les autres petites sommes que nous avons reçues de la Providence, j'ai été en mesure de payer la totalité de la maison.
Et vous, qui montrez tant de zèle pour la conversion de la Nigrizia, priez Dieu afin qu'il garde encore pour longtemps sur terre cette insigne bienfaitrice du genre humain et de la Nigrizia. Que Dieu récompense avec sa bénédiction céleste cette pieuse princesse et son illustre époux, l'Empereur Ferdinand I°. Votre prière pénétrera le ciel et un jour vous aurez dans cette grande âme un intercesseur immortel.
[2478]
La Congrégation des "Vierges de la Charité" a aussi été fondée à Vérone, afin que les Instituts pour jeunes filles en Afrique puissent obtenir d'elle des Institutrices. Mais je vous parlerai de cela et d'autres choses plus tard.
[2479]
Après avoir présenté ces informations générales sur le progrès de l'Œuvre de la régénération de l'Afrique, je veux maintenant informer rapidement les bien méritants membres de la Société au sujet des points suivants :
1. Les Instituts des Noirs en Egypte ;
2. Le Postulatum, en faveur des Noirs d'Afrique Centrale, adressé au Sacré Concile Œcuménique Vatican ;
3. La petite expédition en Egypte, entreprise récemment par le Collège des Missions Africaines de Vérone.
[2480]
I - LES INSTITUTS DES NOIRS EN EGYPTE
Il y a actuellement en Egypte trois Maisons ou Instituts pour les Noirs :
A) La maison du Sacré-Cœur, Institut pour les Noirs ;
La maison du Sacré-Cœur de Marie, Institut pour les jeunes Noires ;
La maison de la Sainte Famille, école pour les filles noires au Vieux Caire.
[2481]
A) L'Institut du Sacré-Cœur de Jésus pour la conversion de l'Afrique
Le but principal est le suivant :
1. Education religieuse et morale des jeunes Noirs et leur formation dans toutes les sciences et les techniques utiles pour l'Afrique Centrale afin qu'ils puissent, après une formation complète, retourner dans leurs tribus pour y travailler comme propagateurs de Foi et de civilisation guidés par des Missionnaires européens.
[2482]
2. Acclimatation des Missionnaires européens, des professeurs et des artisans pour qu'ils puissent ensuite mieux supporter le climat et les fatigues de l'apostolat dans les régions de la Nigrizia.
[2483]
3. Là, les missionnaires européens apprennent l'arabe, les langues et les dialectes des tribus noires, ce qui est le plus nécessaires pour la Mission, et ils prennent connaissance des habitudes et des mœurs des musulmans avec lesquels ils seront en contact même dans les pays de la Nigrizia. Il s'entraînent à se comporter de la meilleure façon possible et avec la plus grande précaution, avec des hommes complètement corrompus. Ils apprennent à traiter avec le gouvernement égyptien et les autorités consulaires des nations étrangères.
Là, ils acquièrent aussi quelques notions de médecine et quelques techniques artisanales indispensables pour la Mission. Mais ils doivent surtout étudier la méthode et la pratique pour gagner de la façon la plus efficace possible des âmes à Dieu. En un mot, cet Institut est pour le Prêtre une école d'expérience et de probation, qu'il doit fréquenter pour bien apprendre à agir en missionnaire et pour pouvoir exercer de la manière la plus efficace et la mieux appropriée son ministère en Afrique Centrale.
[2484]
4. Le stage dans cet Institut est une période d'instruction et d'expérimentation, pendant laquelle on peut se rendre compte clairement si les susnommés Missionnaires européens et les coadjuteurs qui doivent se rendre dans les contrées de la Nigrizia sont vraiment dotés d'une chasteté à toute épreuve, de constance dans la Foi, d'humilité et d'abnégation, du dévouement le plus généreux, de véritable charité et de toutes les vertus nécessaires à l'apostolat.
Les missions d'Afrique Centrale présentent de graves difficultés et des dangers pour celui qui veut travailler pour la conversion de Africains, et cette sévère période de mise à l'épreuve est nécessaire afin que ceux qui partent là-bas pour répandre les vertus chrétiennes n'aient jamais à succomber eux aussi à l'immoralité : " ne cum aliis praedicaverint, ipsi reprobi efficiantur ".
[2485]
Cet Institut a aussi comme but secondaire la conversion au christianisme de la race éthiopienne (les Noirs) vivant en Egypte. D'après le rapport officiel de 1869-1870 de Levernay, rien qu'au Caire, les Noirs sont 25.000.
L'Institut en question a aussi une administration propre, autorisée par le Révérend Vicaire Apostolique, et avec cette autorisation, on peut aussi apporter beaucoup de bien à la colonie européenne et aux indigènes de n'importe quel rite et croyance.
Jouissant d'une grande autorité et d'une grande estime auprès de toutes les classes sociales, les Missionnaires profitent de ces privilèges, au bénéfice de la mission d'Egypte.
[2486]
En ce qui concerne les Noirs d'Egypte, nous avons déjà commencé avec beaucoup de discrétion et de circonspection à emmener à la conversion ceux qui se trouvent dans des familles catholiques et nous agissons avec une prudence encore plus grande avec les Noirs qui sont chez les hérétiques et les musulmans.
En général, nous attendons que la Providence les conduise dans nos Instituts et dans la plupart des cas, cela arrive quand ils sont malades ou abandonnés.
[2487]
Les Noirs qui se trouvent auprès des familles catholiques sont presque tous païens ou musulmans. La raison de ce phénomène préjudiciable au catholicisme vient du fait que, même chez les catholiques dont les mœurs sont exemplaires, on se heurte à une indifférence invétérée en ce qui concerne le salut de l'âme de leurs serviteurs noirs. Ils les considèrent davantage comme un article de commerce que comme des hommes, et ces chrétiens ne veulent pas qu'ils deviennent catholiques pour deux raisons : tout d'abord, parce que les Noirs, devenus catholiques, acquièrent, ce faisant, la liberté, et leurs maîtres craignent alors qu'ils ne veuillent plus rester à leur service. (Au contraire, nous pouvons leur démontrer que ceux qui sont devenus chrétiens par le Baptême, fournissent une preuve de fidélité encore plus grande à leurs patrons !). Deuxièmement, s'ils deviennent catholiques et si leurs patrons veulent les renvoyer, ils ne peuvent plus les vendre aux musulmans, pour gagner de l'argent, parce que ces derniers n'achètent pas de Noirs catholiques, mais seulement des païens ou des musulmans.
L'année dernière, nous avons déjà parlé de cet apostolat de nos Instituts en Egypte, dans un rapport fait par le Père Carcereri. Et nos chers amis de Cologne ont été informés de la malheureuse situation de la population noire en Egypte, surtout si les Noirs vivent dans des familles catholiques de rite différent.
Vous saurez évaluer les difficultés et les obstacles qui s'opposent à l'exercice le plus attentif et le plus habile du ministère sacerdotal, et quelles clairvoyance et discrétion sont exigées pour obtenir de bons résultats.
Vous saurez apprécier également les fruits que nous apportons ainsi à notre sainte Mère, l'Eglise. Vous serez enfin convaincus que l'apostolat parmi les Noirs en Egypte, bien qu'il soit le but secondaire de nos Instituts, réalise par lui-même, une partie vraiment essentielle de la mission.
[2488]
L'Institut du Sacré-Cœur de Jésus comprend :
1. les Missionnaires,
2. les catéchistes et coadjuteurs,
3. le catéchuménat et le pensionnat des Noirs,
4. un petit hôpital pour les Noirs.
Voici maintenant, exposées brièvement, les règles de vie pour les Missionnaires des Instituts d'Egypte, comme je les ai établies depuis 1868.
[2489]
La vie du missionnaire, qui a rompu de façon absolue et péremptoire toutes ses relations avec le monde et avec tout ce qui lui est humainement le plus cher, doit être une vie toute vécue dans l'Esprit et dans la fidélité à Dieu.
Le Missionnaire, pour le salut des âmes, doit travailler avec un intense esprit de Foi en Dieu et de charité envers les hommes. Pour atteindre un tel but, il est nécessaire qu'en plus d'un fidèle dévouement au devoir et d'un zèle ardent, il ait aussi un grand amour et une grande crainte de Dieu. Il est nécessaire aussi qu'il ait une bonne maîtrise de ses propres passions ; sa vie doit s'ouvrir à la ferveur pour les réalités spirituelles, et il doit se distinguer par un grand amour pour l'étude et par un grand désir de perfection et de vie intérieure.
[2490]
Pour que les Missionnaires des Instituts des Noirs se sanctifient, je leur ai prescrit les pratiques suivantes :
1. Observance rigoureuse du règlement et de l'horaire quotidien.
2. Tous les jours, Messe et Office divin, et confession toutes les semaines.
3. Matin et soir, prières et chapelet en commun.
4. Le matin, une heure de méditation en commun.
5. Examen de conscience. Lecture spirituelle, visite au Saint-Sacrement à la Chapelle et Communion spirituelle en privé.
6. Acte d'offrande à Jésus Christ de sa propre vie et de ses propres fatigues comme consécration à la mission, matin et soir en commun.
7. Leçon quotidienne d'histoire du Nouveau Testament, de la vie des martyrs et des Saints ou des missionnaires célèbres.
8. Chaque année, en Carême, Exercices Spirituels pendant dix jours, et retraite mensuelle le vendredi après le premier dimanche du mois.
[2491]
9. Mois de mars consacré au Patriarche Saint Joseph ; mois de mai consacré à la Bienheureuse Vierge Marie, avec exercices de piété chaque jour pendant ces deux mois ; neuvaines, octaves, triduum en commun, avec parfois sermons et chants en l'honneur du Saint-Sacrement, du Sacré-Cœur de Jésus, de la Sainte Famille, de l'Immaculée Conception, et d'autres fêtes de la Sainte Vierge, de Saint Joseph, des trois Rois Mages, des Saints Apôtres et des Martyrs, de Saint François-Xavier, des Saints Africains, etc., des âmes du Purgatoire, etc., pour notre Sainte Eglise, pour son Chef, pour la Propagation de la Foi, pour la conversion de la Nigrizia et pour le bien-être et le salut des bienfaiteurs de l'Œuvre de la régénération de l'Afrique.
10. Exercices personnels de piété.
Pour promouvoir la sanctification de l'âme, j'ai donné aux Missionnaires les prescriptions suivantes:
[2492]
1. Etude fréquente des Saintes Ecritures, de la Théologie Dogmatique, de la Morale, du droit Canonique, de l'Histoire de l'Eglise et des missions, des doctrines des hérétiques et des païens. Cette dernière matière est le principal objet de l'étude des missionnaires et porte surtout sur :
a) les principales exigences du ministère sacerdotal ;
b) les erreurs et les superstitions des populations de l'Afrique Centrale.
[2493]
c) les erreurs de l'Islam en général, et en particulier des musulmans d'Egypte, de Nubie et des populations musulmanes d'origine arabe qui vivent dispersées en Afrique Centrale et qui ont conservé les principes de la religion musulmane.
d) les erreurs des hérétiques et des schismatiques en tous genres et de tous les rites en général, et les différences particulières entre schismatiques et hérétiques d'Egypte, surtout celles des Coptes, Grecs, Arméniens, Anglicans, etc. et des Francs-maçons.
e) les préjugés pernicieux qui dominent parmi les catholiques de tous rites en Egypte et chez certains moines et prêtres orientaux, préjugés qui peuvent devenir un obstacle pour le progrès du catholicisme resté fidèle au Pape
f) les pernicieuses tendances et les vices qui dominent parmi les catholiques d'Egypte en raison de leur ignorance invétérée et les moyens les mieux appropriés pour y remédier.
[2494]
2. Etude approfondie des langues arabe, française, denka, berbère, bari etc.
3. Etude de l'histoire, de la géographie, de l'agriculture et des mœurs des régions de la Nigrizia.
4. Notions de médecine, de phlébotomie, de techniques artisanales qui sont utiles dans les pays de la Nigrizia.
5. Services rendus aux malades, assistance spirituelle et physique.
6 Prédication, explication du catéchisme, administration des Sacrements dans les Instituts des Noirs et dans les églises.
[2495]
Nos missionnaires, Prêtres et laïques, vivent ensemble comme des frères unis dans la même vocation, sous la direction et la dépendance du Supérieur.
Ils accomplissent avec zèle ce qu'on leur ordonne de faire, prêts à s'aider réciproquement. Ils ont de l'estime pour les autres Missionnaires d'Egypte, et ils s'efforceront d'entretenir de bonnes relations avec eux, même dans l'exercice de leurs offices spécifiques. Leur mission est surtout celle-ci : l'évangélisation de la Nigrizia.
Bien qu'ils n'y soient pas obligés par un vœu, ils se soumettent en tout au Supérieur par une obéissance religieuse et filiale, par amour de Dieu, du bon ordre et du véritable progrès de la sainte et sublime Œuvre, à laquelle ils se sont consacrés. La dépendance envers le Supérieur concerne l'exercice du ministère, l'accomplissement des différentes tâches qu'ils exercent dans l'Institut, les rapports avec les Noirs, la permission de s'absenter de la maison, et d'assumer des engagements à l'extérieur. En tout cela, chacun doit agir en parfait accord avec le Supérieur et avec son consentement et sa permission. Ce dernier se comporte envers eux comme un père et un frère. Il essaye de les seconder avec attention dans leurs efforts et d'exaucer leurs justes désirs. Et pour répondre à leurs besoins il assigne les différentes tâches en tenant compte de leurs aptitudes et de leur habileté.
[2496]
Le Supérieur est responsable de l'Institut et de ses membres. C'est à lui que reviennent la direction, l'administration et la surveillance de chacun, la représentation auprès des autorités locales, les négociations des affaires avec les gens de l'extérieur et les autres obligations inhérentes à la charge de Chef de l'Institut.
Dans les cas les plus importants, le Supérieur demande conseil aux confrères les plus experts et les plus prudents, surtout quand il s'agit d'entraîner des conséquences dangereuses pour l'Institut.
[2497]
Tous les Missionnaires vivent en communauté, se contentant de la nourriture, des vêtements, des livres et autres objets qu'ils reçoivent en fonction des rentrées de l'Institut. Il est permis aux seuls Prêtres d'utiliser, pour leurs besoins particuliers, ce qu'ils pourraient recevoir de leurs familles et de leurs revenus. Mais l'administration directe des biens personnels qu'ils possèdent dans leur patrie, leur est interdite. Ils cèdent aussi au profit de l'Institut les rentrées de dons et de Messes, etc.
Ils doivent assister le Supérieur, en tout ce qu'il leur demandera, selon les capacités de chacun, pour la formation des Noirs dans les différentes matières scientifiques et techniques, selon les programmes de chaque Institut.
[2498]
Suivant les dispositions particulières des Autorités ecclésiastiques compétentes, la direction spirituelle des Instituts pour les Noires, le ministère de la prédication, l'instruction religieuse dans les deux Instituts peuvent être confiés aux Missionnaires prêtres également ; mais si cela est demandé, il faut le discernement et l'accord préalable du Supérieur.
[2499]
Dans ses relations avec les personnes de l'extérieur, le devoir et l'intention de chacun est de gagner des âmes à Jésus-Christ, pour lequel ils ont quitté leur patrie, leurs parents, leur famille, en un mot, tout.
Bien que l'activité des Missionnaires se limite aux pauvres Noirs dans nos Instituts et au but particulier de cette mission, les Prêtres surtout saisissent les occasions propices, comme nous l'avons dit plus haut, pour faire à tous le plus de bien qu'ils peuvent, sans distinction aucune, se souvenant qu'ils sont les ministres de Celui qui a souffert et qui est mort pour tous. Cependant, s'agissant de la conversion d'adultes, chaque Missionnaire agit en accord avec le Supérieur, lequel, si un cas particulier l'exige, s'adressera au Vicaire Apostolique d'Egypte, l'autorité spirituelle qui représente le Saint-Siège. Le Baptême n'est pas administré aux jeunes garçons non catholiques, gravement malades, sauf en cas de danger de mort, et cela toujours avec les plus grandes précautions.
[2500]
Aucun Missionnaire ne peut entrer dans les Instituts des Noires, ni y exercer le ministère, ni y rendre un service de piété. Cela n'est possible que s'il a obtenu l'autorisation du Supérieur ou une permission spéciale, sauf en cas de nécessité urgente et imprévue et seulement en l'absence du Supérieur.
Cette interdiction s'applique aussi à tous les domestiques et tout manquement à cette interdiction est considéré comme une faute grave.
[2501]
Dans nos Instituts on observe la clôture, qui est absolument nécessaire, et qui est confirmée par sa pratique régulière dans toutes les communautés religieuses. Cependant, dans les Missions, elle est réglementée selon les circonstances et en certains cas selon la prudente discrétion du Supérieur.
Les femmes sont reçues dans la salle de réception, en tenant compte des quelques exceptions que le Supérieur peut faire pour certaines pieuses bienfaitrices, ou si une visite extraordinaire était annoncée.
[2502]
A moi seul revient tout ce qui concerne la direction générale des Instituts in omnibus et quoad omnia, toutes les affaires externes et toutes les tractations avec les autorités civiles, et en particulier avec les Consuls européens et le gouvernement égyptien, ainsi que la correspondance avec l'Europe et tout ce qu'il faut y faire. En mon absence, la direction générale des Instituts des Noirs et leur gestion économique en général, sont confiées au Père Stanislao Carcereri.
Le très pieux Abbé Bartolo Rolleri est instituteur des élèves noirs.
Le Père Giuseppe Franceschini enseigne plusieurs métiers et activités manuelles en tous genres. L'Abbé Pasquale Fiore est le directeur spirituel et l'aumônier de l'Institut du Sacré-Cœur de Marie, et l'Abbé Giuseppe Ravignani s'occupe de l'administration ordinaire de cet Institut pour les Noires. Tous se partagent la surveillance des jeunes étudiants et les autres occupations de l'Institut.
La pharmacie et les soins à apporter aux malades sont confiés à Pietro Bertoli. Domenico enseigne l'agriculture.
[2503]
L'Institut des Noirs occupe entièrement l'ancien Couvent maronite au Vieux Caire ; il a une vaste cour et l'église la plus grande et la plus belle du Vieux Caire. J'ai pris en location cette maison pour trois ans au prix de 1200 francs. Elle est adjacente à l'ancien édifice qui, comme le veut la légende, a servi de demeure à la Sainte Famille en Egypte.
[2504]
Les Règles établies pour mon Institut sont le fruit de longues observations et de l'expérience. Les Normes que j'ai déterminées pour l'Institut ne sont que le résumé essentiel de la conduite à suivre par les Missionnaires.
Je suis fermement déterminé à améliorer le Règlement avec la pratique et une longue expérience pour qu'il soit le plus approprié pour les Instituts. Je le soumettrai ensuite à la Sacrée-Congrégation de la Propagation de la Foi et à la suprême sanction du Saint-Siège.
[2505]
Depuis la fondation des Instituts il n'y a pas eu un seul moment où je ne me sois pas rendu compte de ma situation très difficile par rapport à ce que les affaires exigent, autant à l'intérieur qu'à l'extérieur de mes petits Instituts.
[2506]
En ce qui concerne ma position par rapport à l'extérieur de mes Instituts, j'ai été placé sous la protection et la bienveillance paternelle du représentant du Saint-Siège et je me suis rendu compte que l'accomplissement des devoirs d'un apostolat si important et difficile, comme celui d'Egypte, n'est pas facile si on considère les éléments extrêmement variés qu'il embrasse.
[2507]
Il faut traiter avec le corps ecclésiastique de la Mission, avec le Gouvernement égyptien et avec les autorités consulaires de France, d'Autriche et d'talie. Je me suis également trouvé au milieu d'un clergé de différents rites orientaux et parmi des sectes d'hérétiques et d'une franc-maçonnerie dominante.
Le chef d'un nouvel Institut doit avoir, à cet égard, un œil vigilant et attentif sur tout et il doit marcher sur la pointe des pieds.
Je n'ai pas négligé non plus de bien pondérer ma difficile position vis-à-vis des membres des Instituts, dont je suis le Chef. Il y avait des Religieux dont la forme d'institution était différente de celle des Prêtres séculiers, des Sœurs françaises, italiennes et orientales, de jeunes Noires rachetées par divers bienfaiteurs, et éduquées dans différents Instituts avec leurs propres Règles.
[2508]
C'étaient tous des éléments hétérogènes, que je devais avant tout mettre en parfaite harmonie, et les ramener à l'unité d'esprit et de bannière. Avec le plus grand soin et avec rigueur j'ai étudié le caractère, les qualités et les aptitudes de chaque personne afin de bien la diriger et de m'en servir au profit de la croissance et de la prospérité de notre grande entreprise. La grâce de Dieu a agi dans nos Instituts et sa bénédiction a été avec nous ; cela m'est apparu de façon très claire quand j'ai vu dans mes Missionnaires des hommes ayant une grande conscience, un caractère ferme, une grande fidélité à la vocation, une persévérance à toute épreuve, une véritable charité envers le prochain et un remarquable sens de l'abnégation.
Le Père Carcereri est supérieur aux autres Missionnaires tout particulièrement dans ces vertus. La Providence nous a aussi donné un vrai ami, un père et un conseiller dans la personne du Révérend Père Pietro da Taggia, Représentant du Vicaire Apostolique et Curé au Vieux Caire. Il travaille depuis 34 ans avec un grand zèle pour les missions. Il a déjà rendu d'excellents services à notre Institut ; il s'intéresse avec affection à notre œuvre. Il est pour la sainte mission un véritable réconfort et une aide précieuse en cas de besoin, lorsqu'il y a des croix et des souffrances ; nous lui en sommes donc extrêmement reconnaissants.
[2509]
Que Dieu nous le garde encore pour de nombreuses années ! Je peux affirmer la même chose à propos de Monseigneur Ciurcia, le Délégué Apostolique d'Egypte et Archevêque d'Irénopole ; il est à la fois, pour nous, un père et un guide dans notre tâche sublime. Entourés de si près par des hommes si serviables, dans les difficiles conditions de notre Mission, je n'oublie jamais de leur demander des conseils. Je soumets aussi les affaires de grande importance concernant les Instituts à nos Prêtres missionnaires et je demande leur avis. C'est un excellent moyen pour les initier à la pratique des affaires et pour les mettre au courant de tout ce que notre Œuvre sublime exige. Tout cela, plus tard, leur sera très utile si l'Œuvre se développe encore plus et s'agrandit davantage.
Toutes les démarches que j'ai faites pour nos Instituts et tous les projets sont d'abord étudiés et examinés à fond avec les échanges et les conseils des autres missionnaires et c'est seulement après que je décide d'agir résolument au nom du Seigneur.
[2510]
L'humanité, l'obéissance, le bon ordre et la parfaite harmonie qui règnent dans nos Instituts d'Egypte, je les dois d'abord à Dieu et aux nobles sentiments de nos Missionnaires et ensuite à cette façon d'agir si profitable et si opportune.
Nos Missionnaires sont ainsi graduellement préparés à diriger eux-mêmes un Institut. Je dirige dans l'esprit mes chers collègues missionnaires et je suis le guide de leur cœur, mais ils sont aussi l'objet de toute mon estime et de toute mon affection.
Nous sommes tous animés par un unique idéal, par un unique et ardent désir : sacrifier notre vie par amour de Dieu, par amour de sa Sainte Eglise et pour la malheureuse Nigrizia. Et nous, illustres Messieurs de la noble Société de Cologne, nous sommes disposés à mourir martyrs de la Foi ! (Vous vous souvenez bien que nos Missionnaires d'Afrique sont presque tous morts au tout début de leur apostolat).
Oui ! nous sommes prêts à mourir pour cela, mais nous voulons mourir avec une sage prudence, en agissant pour une grande Œuvre, pour sauver les âmes d'un peuple qui est le plus délaissé de la terre. Donc, avec joie, nous nous exposons aux plus grands dangers de mort, mais avec la prudence et la magnanimité qui conviennent aux véritables apôtres et martyrs de Jésus Christ.
[2511]
B) L'Institut du Sacré-Cœur de Marie pour la régénération de l'Afrique.
C'est ainsi que j'ai appelé l'Institut des jeunes Noires, lequel est confié à la direction des Sœurs de Saint Joseph de l'Apparition. Il est situé près du Nil, en face des Pyramides, à trente pas de l'endroit où la fille du Pharaon a aperçu le petit Moïse dans l'eau.
[2512]
Le but principal et secondaire de cet Institut est analogue à celui de l'Institut des Noirs, à l'exception de quelques différences pour des raisons de formation.
Cet Institut vise surtout à former de jeunes filles catholiques destinées à coopérer à l'apostolat parmi les Noires, en Egypte et en Afrique Centrale.
[2513]
Cet Institut comprend :
1. Les Sœurs.
2. Les Noires missionnaires.
3. Les aspirantes et les assistantes.
4. Le Catéchuménat.
5. Un petit hôpital pour les Noires.
Les Sœurs, dont je suis le Supérieur ordinaire, sont tenues d'observer rigoureusement les Règles de leur Congrégation, dont je donnerai des détails une autre fois ; en 1831 elle a été approuvée par le Saint-Siège dans le but précis de former le personnel pour venir en aide aux missions étrangères.
[2514]
Les pratiques religieuses suivantes sont accomplies sous la direction des Sœurs et les filles noires de toutes les catégories de l'Institut y prennent part, surtout les Noires missionnaires, pour fortifier ainsi leur sainte vocation :
1. Accomplissement rigoureux de toutes les prescriptions.
2. Matin, midi et soir, prières en commun (selon mes intentions particulièrement au profit de la Mission de la Nigrizia).
3. Le matin, une demi-heure de méditation en commun.
4. Examen de conscience, exercices de piété, visite au Saint-Sacrement et communion spirituelle, lecture spirituelle au petit déjeuner, au déjeuner et au dîner.
5. Confession et communion hebdomadaires suivant les conseils du Confesseur.
6. Explication de l'Evangile le matin et Catéchisme ou Doctrine Chrétienne l'après-midi dans l'Institut, le dimanche et les jours de fêtes dans la chapelle.
7. Chaque mercredi une heure d'adoration devant le Saint-Sacrement avec la Messe pour la conversion de la Nigrizia.
8. Exercices spirituels, chaque année du 10 au 19 mars, fête de Saint Joseph. Retraite mensuelle le dernier jeudi du mois.
9. En mars et en mai, tous les jours, Sainte Messe, et le soir, sermon, prières personnelles et exposition du Ciboire.
10. Le premier vendredi de chaque mois, Pratique de la Garde d'Honneur au Sacré-Cœur de Jésus.
11. Neuvaines, octaves, triduum en honneur de Jésus-Christ, de la Vierge Marie et des Saints, suivant les dévotions missionnaires établies par l'Institut des Noirs. Prières spéciales pour le triomphe de l'Eglise, pour la Conversion de l'Afrique et pour les bienfaiteurs de l'Œuvre africaine.
12. Exercices personnels de charité chrétienne.
[2515]
Les Sœurs et les Noires qui doivent travailler pour le salut des âmes se préparent à commencer l'apostolat dans la Nigrizia par les études suivantes :
Etude approfondie du Catéchisme et des différences avec les autres religions ; ce dernier argument sera adapté aux femmes catholiques. De temps en temps une missionnaire donne ce cours et explique par des exemples les différences entre les hérésies, comme on le fait dans l'Institut des jeunes Noirs.
A l'enseignement des controverses religieuses, il faut ajouter aussi l'instruction sur la meilleure façon de convertir à notre sainte religion les femmes noires de toute croyance superstitieuse. On leur montre la façon d'argumenter et les similitudes les plus pratiques et simples pour combattre et détruire les erreurs des croyances superstitieuses des femmes appartenant à l'Islam, au paganisme et aux différentes sectes etc.
Puisque, en Orient, les hommes peuvent très difficilement approcher les femmes et puisque les Missionnaires doivent être très circonspects en parlant et en conversant avec elles, nous comptons obtenir d'excellents résultats pour notre sainte Foi catholique, surtout grâce aux Sœurs et aux Noires qui, en tant que Missionnaires, ont une grande influence sur les femmes. Il me semble surtout très important et tout aussi nécessaire que les jeunes missionnaires noires soient instruites sur les différences religieuses, car c'est seulement ainsi que notre œuvre sera facilitée.
2. Les Noires missionnaires enseignent aux assistantes et aux malades la Foi et la morale chrétienne, et elles préparent les catéchumènes au Saint Baptême.
3. Etude des langues arabe et dinka.
4. Exercices pratiques d'aide et d'assistance spirituelle aux malades. Quelques notions de médecine et de pharmaceutique.
5. Apprentissage de tous les travaux manuels féminins de première nécessité pour la Nigrizia, surtout apprendre à confectionner des vêtements, à coudre, à cuisiner, à tisser.
6. En plus de l'arabe, apprentissage de l'italien, du français, du denka et de certains dialectes africains.
7. Exercices de cuisine, faire du pain et des plats avec les produits agricoles qui, grâce à une agriculture améliorée, peuvent être introduits aussi en Afrique Centrale. Fabrication de nattes et de couvertures avec des feuilles de palmier.
[2516]
Tous les travaux délicats et de valeur qui sont commandés par des gens de l'extérieur et notamment par des magasins européens, sont exécutés par les jeunes Noires sous la direction des Sœurs et des institutrices noires les plus chevronnées. Il s'agit d'ouvrages de broderie de toutes sortes en or et en soie. Les jeunes filles apprennent aussi à confectionner des vêtements, à coudre et à s'occuper du linge pour les Instituts. Les travaux de la cuisine, de la buanderie, et les soins apportés aux malades sont accomplis par les filles, à tour de rôle, chacune pendant une semaine.
[2517]
Parmi les Missionnaires noires il y en a seize qui ont une moralité à toute épreuve, de bonnes capacités et une vocation solide, elles sont parfaitement formées et prêtes à exercer avec succès leur apostolat en Afrique Centrale.
Elles sont très bien préparées et elles ont parfaitement appris l'art et la manière d'attirer les femmes noires et de leur permettre d'accéder au catholicisme, bien qu'elles soient fortement ancrées dans leurs croyances superstitieuses, ou qu'elles soient fanatiquement attachées à l'Islam.
[2518]
L'expérience nous a convaincus que cet Institut de filles est un élément très important pour gagner au christianisme la population féminine noire d'Egypte, provenant de nombreuses tribus.
En effet, quand les jeunes Noires, musulmanes ou païennes, conversaient avec nos filles et voyaient la bonne éducation et les connaissances qu'elles avaient acquises et la façon dont elles chantaient à l'église, surgissait, en elles aussi, le désir de devenir catholiques. Beaucoup d'entre elles ont embrassé notre sainte Foi et ont persévéré fidèlement. Le nombre des converties serait certainement beaucoup plus élevé, si elles n'avaient pas dû lutter contre la farouche opposition de leurs maîtres. Ces converties avaient été arrachées violemment du sein de leurs familles, achetées et revendues plusieurs fois par des hommes cruels, et exposées aux dangers les plus horribles. Malgré tout cela, après avoir reçu le Baptême, elles ont fait preuve d'une grande pureté de mœurs et ont gardé l'innocence baptismale.
Si maintenant nous constatons les si bons résultats obtenus par ces jeunes Missionnaires en Egypte, où il y tant d'obstacles à franchir, combien plus grande sera leur efficacité dès qu'elles iront parmi les tribus d'Afrique Centrale !
Là-bas il n'y a pas à lutter contre le fanatisme musulman, ni contre les dangereux préjugés de maîtres qui n'obtempèrent pas. Nous sommes convaincus qu'en très peu de temps, leurs consœurs noires seront rapidement gagnées à notre sainte Foi. C'est une preuve supplémentaire de l'opportunité de mon "Plan pour la régénération de l'Afrique".
[2519]
La catéchèse, dans les maisons des familles catholiques de très bonne réputation est toujours faite par deux filles noires accompagnées par une Sœur. Une telle mission, généralement accomplie pour le bien d'une Noire païenne ou musulmane, porte aussi d'autres fruits. En effet d'autres femmes aussi s'y joignent, soit par curiosité ou soit conduites par la grâce de Dieu, fermement résolues à devenir catholiques.
[2520]
Permettez-moi maintenant de faire une petite digression et de raconter aux membres de notre Société le cas sympathique de la jeune noire Giuseppina Condé. Elle avait été éduquée avec beaucoup de soins et d'amour à Salzbourg par les Ursulines et je l'ai reçue au Caire en septembre 1869, envoyée par le Révérend Primat et Archevêque de Salzbourg. Giuseppina Condé est née au sud du Darfour, et a été accompagnée en février de l'année dernière par une de nos Sœurs et par deux Missionnaires noires dans la maison d'un copte, où il y avait trois Noires auxquelles on devait enseigner la religion catholique. Il y avait aussi une autre jeune Noire venue, par curiosité, pour voir nos Missionnaires et pour parler avec elles. Celles-ci étaient là depuis seulement un quart d'heure quand, après avoir regardé Giuseppina Condé à plusieurs reprises, elle a fondu en larmes. Giuseppina, sans pouvoir en donner la raison, a commencé elle aussi à pleurer, et toutes les autres troublées faisaient de leur mieux pour consoler les deux filles.
A l'improviste, la jeune Noire qui pleurait, s'approche de notre Giuseppina et cherche une cicatrice sur sa nuque. Alors elle lui demande si son père ne s'appelait pas ainsi et ainsi. Et Giuseppina a répondu oui. Le fleuve des larmes des deux filles a alors doublé d'intensité et elles ne cessaient pas de se regarder. La jeune Noire inconnue pose alors de nouvelles questions : " Ta mère s'appelait-elle peut-être ainsi ? Et le village où tu es née ne s'appelle-t-il pas ainsi ? N'avais-tu pas une grande Sœur, une plus petite et un frère, et n'avaient-ils pas les noms suivants ? "... Giuseppina répondait oui à toutes les questions. Elles ne cessaient de pleurer, et la même jeune fille continue à poser des questions : " Quand tu étais encore dans ton village, ne t'appelais-tu pas ainsi ? " " Oui, je m'appelais ainsi ". "Te rappelles-tu ta grande sœur et son nom ? " " Oui, - a répondu Giuseppina, - et je l'aimais beaucoup ! " " Te souviens-tu comment les Giallabas t'ont arrachée des bras de ta sœur ? " " Je me souviens très bien de tout cela ", a répondu Giuseppina. " Eh bien, sache que je suis ta grande sœur."
[2521]
Les deux sœurs se sont alors jetées dans les bras l'une de l'autre. Giuseppina a su qu'un jour après elle, sa sœur avait été enlevée elle aussi de force avec sa mère. Après trois mois de voyage elles sont arrivées dans le Cordofan et elle-même a été vendue à un Nubien, qui l'a emmenée avec lui à Dongola et à Siut, où elle fut rachetée par un marchand turc. Ce dernier l'a vendue au Caire à un eunuque du harem du Sultan, qui l'a fait emmener à Constantinople, où elle est devenue une des nombreuses femmes d'un riche musulman, au service du harem impérial. Elle était bien traitée par cet homme qui lui donna des vêtements, des perles et des diamants. Mais quand il mourut, elle tomba dans la misère et fut vendue à un marchand de tabac qui allait au Caire. Un de ses fils a été vendu à Smyrne à un marchand. Elle était en Egypte depuis un an environ quand un matin elle s'est rendue dans la maison du copte et par hasard elle y a retrouvé sa sœur. " Je suis heureuse de t'avoir retrouvée " - a-t-elle dit à Giuseppina - mais je regrette de voir que tu es chrétienne ; j'espère que tu deviendras musulmane comme moi ". " Non, ma chère, au contraire, c'est moi qui souhaite que tu deviennes chrétienne. Je suis allée en Europe, j'ai vécu de nombreuses années en Allemagne ; j'ai été comblée de bienfaits et on m'a fait connaître le chemin qui mène au ciel. On m'a inculqué l'amour de la Sainte Vierge et je suis devenue chrétienne. Toi aussi tu dois connaître le bonheur d'être chrétienne ". L'autre n'apprécia pas ce discours, bien qu'elle fût contente que Guiseppina ait été en Allemagne ; mais elle ne voulait pas se persuader que sa sœur était devenue chrétienne. Giuseppina l'invitait à me rendre visite, mais elle a refusé par crainte que je la séquestre et que je fasse d'elle une chrétienne. " Viens, - lui dit Giuseppina, - allons ensemble chez le Père, tu verras comme il est bon ".
[2522]
Mais ce jour-là, elle n'a rien voulu savoir du bon Père. Elle est venue un autre jour, mais elle avait encore très peur. Elle voulait que je laisse aller sa sœur chez elle, mais j'ai refusé catégoriquement. Peu de temps après, elle venait souvent rendre visite à Giuseppina dans l'Institut et maintenant elle semble très prête à embrasser le christianisme. Toutefois, jusqu'à présent, je n'ai pas réussi à la racheter à son patron qui exige pour elle un prix exorbitant et qui a, en fait, peu envie de la vendre. Prions la Mère et la Reine de la Nigrizia, la Vierge Immaculée, pour qu'elle nous aide, afin que cette âme aussi soit sauvée.
Le petit hôpital de notre Institut a une pharmacie qui coûte 2.000 francs et fournit des médicaments également aux deux autres maisons et en plus à de nombreux pauvres de la ville.
[2523]
Les Sœurs sont animées par un excellent esprit, elles sont exemplaires dans leur vie religieuse et pleines de dévouement et de zèle pour notre Œuvre. Et, pour ce qui nous concerne, nous n'omettons jamais d'affermir leur vocation, de les aider et de les faire progresser.
La Supérieure est Sœur Veronica Pettinati, d'Empoli ; auparavant elle avait été Supérieure à Malte et à Jérusalem. Elle est vraiment à la hauteur de sa mission.
La maison du Sacré-Cœur de Marie est un vaste et solide bâtiment avec un petit jardin potager, que j'ai pris en location auprès de M. Baharu Abut, un Grec catholique, pour la somme de 1.600 francs par an.
C) L'Institut de la Sainte Famille
[2524]
En Egypte la condition des pauvres Noirs est vraiment pénible et triste. De nombreuses années d'expérience m'ont convaincu que non seulement les musulmans et les infidèles, mais aussi, sauf de rares exceptions, les chrétiens catholiques de caractère bon et irréprochable, considèrent les malheureux Noirs non pas comme des hommes, et des êtres doués de raison, mais comme des objets qui procurent des gains. En général, un cheval, un lama (sic !), un âne, un chien, une gazelle, sont beaucoup plus appréciés qu'un Noir ou qu'une Noire.
Leur valeur est seulement proportionnelle au prix qu'ils ont coûté ou à l'argent qu'ils peuvent rapporter par leur travail ou en se prostituant. Le Noir, en tant qu'être doué de raison, n'a ici aucune valeur. Une seule catégorie de Noirs est à l'honneur : celle des eunuques qui sont les gardiens des harems. Sur cent Noirs qui, à l'âge de 7 ou 8 ans, sont soumis à cette opération barbare, il y en a peut-être vingt qui restent en vie. Etant donné qu'un eunuque coûte entre 500 et 1000 thalers de Prusse, il est davantage estimé à cause du prix très élevé.
Nos chers bienfaiteurs allemands reconnaîtront ici le bien qu'ils font quand ils donnent leurs aumônes pour ces malheureuses populations noires.
Ces pauvres, violemment arrachés à leurs familles, doivent faire des voyages éprouvants et dangereux pour tomber ensuite entre les mains de maîtres barbares, qui les revendront huit ou dix fois. Et ensuite ces pauvres esclaves finissent par devenir des sujets de mépris et des victimes de la cruauté.
La charité allemande, qui soutient nos Instituts, est l'œuvre la plus noble de civilisation pour le bien de cette grande partie de la famille humaine, qui est la plus souffrante et la plus délaissée de la terre, et les Noirs seront ainsi élevés non seulement à la hauteur de la Foi chrétienne, mais aussi à la hauteur de la civilisation européenne.
[2525]
Un jour la Nigrizia éclatera dans un chant de louanges et de remerciements en l'honneur de la généreuse Allemagne catholique, à laquelle elle doit sa résurrection.
L'existence d'un Institut dans lequel les Noirs apprennent la Foi et tous les aspects de la culture, comme dans les Instituts d'Europe, a déjà fait des miracles en Egypte. En effet, pour de nombreux Egyptiens, il semblait impossible que l'on puisse civiliser les Noirs et que ces derniers aient les mêmes capacités que les Blancs. Aujourd'hui, ils sont convaincus que cela est devenu une réalité radieuse.
Bien que pour cela, un tel Institut soit, aux yeux des musulmans d'Egypte, une preuve évidente et éloquente, son activité n'était pas dirigée vers l'extérieur, car nous devions agir avec beaucoup de précautions, pour ne pas tomber, à cause du fanatisme musulman, dans des querelles dangereuses, et pour ne pas exciter la susceptibilité des différentes sectes présentes dans le pays des Pharaons.
J'ai alors pensé à un moyen pour élever davantage la race noire et pour montrer sous un jour plus favorable, vis-à-vis de ces hommes qui n'ont qu'un semblant de civilisation. Le droit que la race noire possède et qui doit lui être reconnu auprès des Blancs, devrait apparaître de façon encore plus évidente pour les Egyptiens. Et j'ai voulu aussi démontrer encore plus au monde, en le prouvant par un exemple éloquent, que d'après l'esprit sublime de l'Evangile, tous les hommes, Blancs et Noirs, sont égaux devant Dieu et qu'ils ont droit à l'acquisition et aux bénédictions de la Foi et de la civilisation chrétienne de l'Europe.
[2526]
Parmi les moyens que j'ai imaginés pour atteindre ce but, le plus pratique et le plus approprié, vu les conditions dans lesquelles nous étions l'an dernier, a été l'érection d'une école publique au Vieux Caire, dans laquelle ne devaient travailler que des Institutrices noires. Elle devait être mise en place tout à fait à l'européenne et devait être fréquentée par des jeunes filles de n'importe quelle race. Je pensais que cela contribuerait grandement à mettre davantage à l'honneur la race noire en Egypte. En même temps, les Missionnaires noires pouvaient considérer leur travail dans cette école comme une espèce de noviciat et comme une période de mise à l'épreuve pour s'exercer au futur apostolat d'Institutrices et de Missionnaires en Afrique Centrale.
[2527]
Ces deux raisons, jointes à la nécessité vraiment urgente d'avoir au Vieux Caire une école publique pour filles, m'ont poussé à ouvrir un petit Institut dédié à la "Sainte Famille". Après avoir obtenu l'autorisation du Révérend Archevêque, le Vicaire et Délégué d'Egypte qui le 23 mai 1869 me fit parvenir un Décret, j'ai pu ouvrir une école dans le centre de l'ancienne Babylone d'Egypte, à quelques pas de la sainte Grotte, où la Sainte Famille, s'était reposée lors de sa pénible fuite.
[2528]
Dans cette école, 5 Missionnaires noires enseignent sous la direction de Sœur Caterina Valerio, une franciscaine du Tiers Ordre de Vérone, et de Sœur Faustina Stampais, ma cousine, de Maderno, (diocèse de Brescia).
On y apprend le catéchisme et la morale chrétienne, ainsi que toutes les matières élémentaires, l'arabe, le français, l'italien, l'allemand, l'arménien, et tous les travaux manuels féminins depuis le tricot jusqu'à la broderie en or et en soie.
L'école est fréquentée par des filles catholiques d'Orient de tous les rites et par des Européennes, mais aussi par des Grecques, des Arméniennes, des schismatiques et des musulmanes. Mais, très peu de filles coptes se sont présentées car le Patriarche des Coptes schismatiques leur avait interdit de fréquenter l'école de notre Institut. J'ai eu pour cela un entretien avec lui, qui n'a cependant abouti à aucun résultat. Il m'a dit : " Je ne souhaite pas que les filles coptes fréquentent votre école ; elles n'ont rien à apprendre des Noires, et puis je crains qu'elles deviennent protestantes ". On voit jusqu'où va la science d'un tel Patriarche !
J'ai essayé en vain de lui faire comprendre que la religion protestante est plus éloignée de la Foi catholique que de la Foi copte et que ses prêtres coptes seraient plus en mesure d'enseigner le protestantisme que la Foi catholique.
[2529]
Cette maison appartient aux Révérends Pères Franciscains de la Terre Sainte, auxquels je paye donc un loyer annuel de 360 francs.
L'enseignement scolaire est donné gratuitement. Seules quelques familles allemandes originaires de Bavière payent quelque chose tous les mois.
DEPENSES ET MOYENS DE SUBSISTANCE
DES INSTITUTS D'EGYPTE
[2530]
En ce qui concerne les moyens pécuniaires et matériels de nos Instituts j'ai mille raisons de remercier la Providence. Bien que les temps présents soient si tristes et que depuis 1867 des événements et des tempêtes de toutes sortes se soient abattus sur nos Instituts, le nécessaire n'a jamais fait défaut grâce aux admirables dispositions de Dieu (il est vrai cependant que le démon menace toutes les œuvres de bien). Nous en sommes arrivés à ce point avec succès et nous espérons travailler encore de la même manière, jusqu'à ce que nos Instituts aient leurs propres ressources.
[2531]
Jusqu'à présent l'aide la plus importante nous a été apportée par l'Allemagne catholique, représentée par la bien méritante Société de Cologne, qui est la fondatrice directe de nos Instituts pour les Noirs en Egypte et la meilleure promotrice de l'Œuvre de la régénération de l'Afrique. Que Dieu la pousse à continuer et à intensifier ses aides ! La protectrice de cette grande œuvre est la Société de Cologne, qui est elle aussi une œuvre sublime de Dieu ! Nos prières à Dieu visent à ce que cette Société se propage et s'agrandisse toujours davantage.
[2532]
Un grave inconvénient réside dans le fait que nos Instituts d'Egypte ne possèdent encore aucune maison. Les trois maisons d'Egypte nous coûtent chaque année la somme de 3.160 francs pour le loyer.
Avec les réparations, qui s'avèrent nécessaires, la somme s'élève chaque année à 4.000 francs. Mais elle s'élèvera dorénavant à 3.550 francs seulement. Si nous voulons acheter une maison pour la mission cela nous coûterait 80.000 francs.
La maison du Sacré-Cœur de Marie m'a été offerte pour 60.000 francs. Mais pour certains changements et des améliorations il faut 20.000 francs supplémentaires. Les maisons sont très chères en Egypte. Pour rendre possible l'achat d'une maison, du moins pour commencer, l'illustre Société de Cologne, avec une sollicitude louable et incomparable, m'a envoyé la belle somme de 10.000 francs.
Cet exemple digne d'éloge a été suivi par un illustre bienfaiteur, qui a donné dans le même but 3.000 francs. Certes, il manque encore beaucoup d'argent pour pouvoir acheter une maison. Que Dieu inspire un semblable esprit de charité aussi à d'autres bienfaiteurs, afin que ce projet important pour notre grande œuvre se réalise rapidement.
[2533]
Les dépenses nécessaires rien que pour les besoins les plus urgents des trois Instituts d'Egypte s'élèvent chaque année à 25.000 francs. Tout en agissant avec la plus grande parcimonie, une telle somme s'est avérée nécessaire chaque année. Voici maintenant un bref récapitulatif des entrées et des sorties de trois années de nos Instituts d'Egypte, c'est-à-dire depuis leur fondation jusqu'à aujourd'hui, tout y est compris : les voyages, les donations en argent et en vivres, les dépenses pour le mobilier.
ENTREES ET ACTIF DES INSTITUTS DU CAIRE
PENDANT LES TROIS PREMIERES ANNEES DE LEUR FONDATION
[2534]
Donations en espèces Francs
1. L'illustre Société de Cologne pour le rachat des Noirs 33.050
2. La Société de la Propagation de la Foi de Lyon et de Paris 11.000
3. La Ludwigverein de Munich 1.500
4. La Société de l'Immaculée Conception de Vienne 1.000
5. La Société pour les Ecoles d'Orient de Paris 1.200
6. La Société du Saint-Sépulcre de Cologne 500
7. L'Institut des Moniales Cisterciennes de Landshut en Bavière 2.000
8. L'Institut de la Visitation de Beuerberg en Bavière 1.260
9. Dons de bienfaiteurs privés parmi lesquels se distinguent Leurs Majestés l'Empereur Ferdinand 1er et l'Impératrice Marie-Anne d'Autriche, Son Altesse le Duc de Modène Francesco V, Son Altesse royale le Prince Georges de Saxe et son épouse, Son Altesse le Prince Charles de Löwenstein etc. 19.470
10. Gains des travaux effectués par les Noires dans les Instituts
du Caire. 3.680
11. Pour les Saintes Messes des Missionnaires (honoraires des messes) 5.400
[2535]
Donations en nature
12. Mlle Duchène de Paris, Mme Maurin Bié, Mlle Dephies, de la Société de Rome (Œuvre Apostolique de Rome) Tissus, vêtements, chemises etc. pour une valeur de 3.640
13. Dons de café, sucre, fromage, farine, et autres 4.000
14. De la famille du missionnaire Rolleri, des moniales de la Bienheureuse Vierge de Crémone, blé, jambon etc. 700
15. 9 Barils d'huile de mon père Luigi Comboni 750
Total en francs 89.150
[2536]
Economies réalisées grâce à mes initiatives et à des concessions extraordinaires
16. Plusieurs Sociétés ferroviaires, qui ont leur siège à Paris, M. Pointu Directeur des chemins de fers du Sud à Vienne, M. Behm Directeur à Innsbruck ; M. Talabot à Paris etc. Ils m'ont offert des tickets de voyage gratuits en Italie, en France
et en Allemagne. Voyages s'élevant à 1.600
Ticket de voyage gratuit pour le Caire des jeunes Noires postulantes de la mission, des Frères laïques, et des ouvriers ; transport gratuit de 274 colis de Marseille à Alexandrie grâce à Son Excellence le Ministre des Affaires Etrangères de France (le gouvernement français a concédé la gratuité du voyage pour quelques missionnaires) et le gouvernement égyptien 12.000
Total des entrées en francs 102.750
DEPENSES ET PASSIF DES INSTITUTS DU CAIRE
PENDANT LES TROIS ANNEES DEPUIS LEUR FONDATION
1. Frais de voyages pour 36 personnes avec le transport des bagages de l'Europe au Caire 15.600
2. Mes voyages en Europe 2.200
3. Location des maisons du Caire 8.160
Pour moi et pour les Instituts, lettres, envois et réception de colis... 2.600
5. Dépenses pour le culte, bougies, huile, vin, farine, bancs confessionnaux, lavabos etc. 2.900
6. Pharmacie, honoraires pour le médecin ordinaire et aussi pour un spécialiste, petites dépenses pour l'hôpital 4.800
7. Nourriture, vêtements, prise en charge de 72 personnes, moyens de transport, charrette, âne, et pour le rachat des filles et garçons noirs 39.000
8. Lits en fer, lavabos, meubles, mobilier nécessaire à l'artisanat, tout le nécessaire pour l'autel etc. Tous les objets que les trois Instituts possèdent se chiffrent à environ 26.000
Total des dépenses 101.260
Total des recettes et actif francs 102.750
Total des dépenses et passif francs 101.260
fonds de caisse francs 1.490
[2537]
Les aumônes nécessaires et qui doivent être données aux pauvres en espèces ou en nature, dans chaque mission, n'ont pas du tout été prises en compte.
Vous avez ainsi, à grands traits, une idée de la fondation et des finalités de nos trois Instituts des Noirs d'Egypte et des Règles qui y sont observées. Ils doivent être considérés comme la première pierre de cet édifice grandiose de charité chrétienne et de civilisation que la Divine Providence, dans son admirable sagesse, semble vouloir ériger pour la conquête morale et spirituelle de la Nigrizia de l'Afrique Centrale.
Il me resterait encore quelques mots à dire à propos des résultats obtenus par ces Instituts, mais je me réserve de le faire dans un autre Rapport plus tard.
[2538]
Je veux encore évoquer pour vous que le représentant du Saint-Siège, le Révérend Monseigneur Ciurcia, Vicaire et Délégué Apostolique d'Egypte et d'Arabie, a toujours manifesté une grande bienveillance envers les Instituts et envers moi-même, il a exprimé avec affection sa satisfaction à la Sacrée-Congrégation de la Propagation de la Foi, et il a donné les informations les plus flatteuses sur les Instituts. Ces derniers ont également donné une excellente impression aux Evêques et Vicaires Apostoliques de Chine, d'Inde, d'Amérique et d'Orient qui, à l'occasion de leur voyage pour le Concile Œcuménique Vatican, leur ont fait l'honneur d'une visite.
Je me souviens avec une reconnaissance particulière et avec vénération du Révérend Monseigneur Léo Meurin du Diocèse de Cologne, illustre apôtre de l'Inde, Evêque d'Ascalona, Vicaire Apostolique de Bombay et Administrateur intérimaire du Vicariat de Poona. En tant que membre de la Compagnie de Jésus, il possède une finesse particulière pour juger un Institut missionnaire et sait évaluer avec une grande précision si un Institut Apostolique récemment érigé se maintiendra et se développera. Les illustres messieurs qui ont eu la chance de jouir de la conversation de ce grand apôtre de l'Inde, auront sûrement entendu de sa bouche des informations sur les travaux et sur les progrès de nos Instituts (cfr. Les Annales de l'année dernière).
Je n'oublierai jamais la bienveillance digne d'éloge dont il a usé avec nous en Egypte, à Rome et partout ailleurs. Ce digne fils de Saint Ignace, à qui l'apostolat de l'Inde a été confié, est devenu l'imitateur des saintes vertus de son glorieux Père et prédécesseur François-Xavier. L'Inde et le Concile Vatican doivent à Monseigneur Meurin des services de première importance. C'est pour moi une joie et un honneur que cet Illustre Evêque soit de Cologne.
[2539]
L'Egypte, à l'occasion de la solennelle ouverture du canal de Suez, a été honorée de la présence des Princes d'Europe les plus puissants parmi lesquels l'Illustre Prince de la Couronne de Prusse et l'Impératrice Eugénie.
Pour rendre hommage à la vérité et pour accomplir un devoir de reconnaissance, je parlerai de la conduite vraiment apostolique de Sa Majesté l'Empereur d'Autriche.
[2540]
L'heureux événement de la solennelle ouverture du canal de Suez a eu lieu a la mi-novembre 1869 ; il a répandu ses rayons lumineux sur les saintes missions d'Orient et en particulier d'Egypte.
Parmi les Princes d'Europe qui avaient pris part aux fêtes organisées avec splendeur et magnificence orientales par Son Altesse le Khédive d'Egypte Ismaïl Pacha, il y avait aussi Sa Majesté l'Empereur d'Autriche. Cette présence en Egypte du noble descendant des Habsbourg a été un grand honneur aux yeux des hommes, au moment mémorable de l'inauguration d'une œuvre de gloire et de portée mondiale ; mais aux yeux de Dieu, selon les dispositions mystérieuses de la Providence, ce fut un événement très heureux pour le catholicisme en Orient.
Oui, cette présence a été un vrai apostolat au bénéfice des Missions Catholiques. Quand un Empereur si puissant ne dédaigne pas de se prosterner sur la tombe du Sauveur, ni de témoigner sa vénération pour les Lieux Saints sanctifiés par la présence de l'Homme-Dieu pendant sa vie terrestre, en Terre Sainte et en Egypte, il donne ainsi un exemple magnifique et éloquent. Il n'a pas omis non plus de manifester son estime aux Prêtres de ces Sanctuaires qui dans ces terres prêchent l'Evangile de la paix et de tout bien, aux infidèles.
En effet le grand monarque, dès son arrivée dans la Sainte Ville de Jérusalem, s'est agenouillé aux pieds d'un pauvre Père Franciscain, et s'est confessé auprès de lui pour recevoir ensuite le pain des anges près du Sépulcre de Celui qui est le Roi des rois et le Seigneur des armées. Ce fut un spectacle édifiant non seulement pour les catholiques mais aussi pour les Turcs et pour les hérétiques. A son arrivée à Suez et au Caire, sa première préoccupation a été d'assister à la Sainte Messe dans les modestes temples de Dieu qui s'y trouvaient, et c'est seulement ensuite qu'il a visité les superbes et glorieuses merveilles des siècles passés.
[2541]
Le 23 novembre est un jour dont je me souviendrai éternellement. Ce jour là, Sa Majesté Impériale, à 11 heures du matin, a daigné recevoir le corps diplomatique et les consuls d'Egypte. Une heure avant, le Révérend Monseigneur Ciurcia rassemblait auprès de lui les Evêques des Catholiques Orientaux Uniates et les Supérieurs des Instituts de la capitale d'Egypte ; à 11 heures, nous nous sommes rendus dans le magnifique palais de Giarizah.
Dès que Sa Majesté Impériale a su que nous, les représentants de la Religion catholique en Egypte, étions arrivés, nous avons été reçus tout de suite, sans avoir demandé d'audience, et le corps diplomatique a dû attendre. Après la brève et vibrante allocution de Monseigneur Ciurcia, l'Empereur a répondu par des paroles de bienveillance et d'encouragement, et nous a promis d'aider et de protéger les intérêts de la Religion catholique en Orient. L'Empereur s'est ensuite adressé à chacun des Evêques et Supérieurs des Instituts et il a dit quelques mots de complaisance. Ces propos ont également été adressés à ma modeste personne avec une amabilité particulière, et Sa Majesté m'a exprimé l'intérêt qu'elle porte pour la régénération de l'Afrique Centrale, dont l'Empereur a toujours été un protecteur efficace depuis la fondation du vaste Vicariat.
La reconnaissance et la considération que le catholicisme et ses Représentants spirituels ont trouvé dans la personne d'un tel Prince n'ont pas manqué de produire chez les Turcs une impression d'émerveillement et de respect.
[2542]
Ils ont remarqué qu'un Empereur exprimait ouvertement face à tout le monde son estime la plus sincère et son respect pour sa Sainte Religion, et qu'il traitait aussi très cordialement tous ses Clercs, des Evêques aux plus humbles Prêtres. Ils ont dû en tirer la conséquence évidente qu'ils ne devaient plus opposer d'obstacles à l'apostolat catholique et qu'ils devaient accorder une liberté totale à notre Sainte Religion et que les Missionnaires et les Représentants de cette Sainte Religion en Orient devaient être respectés.
En effet, dans le cas opposé, un souverain européen si puissant aurait pu dénoncer leurs abus de pouvoir et leur injustice. Etant donné que la façon d'agir de l'Empereur d'Autriche a eu des conséquences positives pour l'apostolat, on doit se souvenir de lui pour l'éternité dans les Annales de la Mission, et les Missionnaires d'Egypte se souviendront de lui avec une reconnaissance éternelle.
Parmi les illustres personnalités qui ont présidé à l'ouverture du canal de Suez et qui ont honoré de leur visite nos Instituts, je dois citer aussi Son Altesse Royale l'Archiduc Rainero avec son épouse et l'Archiduc Ernesto, lesquels se sont entretenus amicalement avec les jeunes filles africaines et, très aimablement ils leur ont demandé des informations les concernant personnellement.
II.
[2543]
L'Œuvre de la régénération de la Nigrizia est une œuvre vraiment urgente, très difficile et étendue plus que toute autre.
Pour réaliser le projet dans ses grandes lignes comme je l'ai conçu dans mon esprit, et pour lui donner des bases durables, il faudrait la participation générale de tous les catholiques du globe, réunis ensemble, afin de libérer ces pauvres peuples noirs de la nuit du paganisme et pour que se lève sur eux la lumière vivifiante de la Foi en Jésus-Christ. Nous ne devons pas oublier que ces peuples représentent la dixième partie de tout le genre humain !
Je ne trouve pas de mots pour décrire le chagrin que j'éprouve, ma profonde affliction, et le poids qui m'afflige en pensant à la désolation et à la léthargie dans lesquelles ces malheureux sont plongés ! J'ai été le témoin oculaire de ces chaînes spirituelles et de la profonde misère de ces malheureux.
Penser à une misère humaine aussi épouvantable qui pèse sur ma chère Nigrizia m'empêche très souvent de dormir la nuit, et le matin je me lève plus fatigué encore que la veille, après une journée d'intense travail. Et pendant ces longues nuits pleines de soucis, avant que je m'en rende compte, je cours en imagination sur les terres desséchées d'Afrique Centrale, encore inexplorées et qui sont le théâtre de conditions les plus déconcertantes. Puis, toujours dans mon imagination, je parcours toute l'Europe civilisée et je regarde autour de moi pour voir si apparaît un rayon d'espoir, qui puisse être bienfaisant pour mes pauvres Noirs !
[2544]
Ah ! Je me prosterne à nouveau résolument aux pieds des monarques et des puissants de cette terre pour les conjurer, avec des fleuves de larmes, d'ouvrir leurs mains et de dépenser une partie de leurs trésors pour le salut de ces malheureux ! Je laisse ensuite mon regard parcourir la partie la plus privilégiée du troupeau de Jésus-Christ, et je contemple les séminaires les plus florissants des plus importants diocèses du monde catholique, et je voudrais choisir parmi eux les jeunes les plus forts, les fleurs et les espoirs du sacerdoce, pour les pousser à tourner le dos héroïquement au monde, à quitter leur patrie et à venir en aide à ces malheureux, à briser les chaînes de leur esclavage et à leur apporter la bonne nouvelle, et la Foi catholique.
[2545]
Une nuit, alors que j'étais plongé dans de telles pensées, je revenais tout juste du chevet du lit de mort d'un pauvre homme qui habitait sur la rive du Nil d'où on voit les célèbres Pyramides, vrai symbole de l'esclavage du peuple hébreu qui avait été forcé de bâtir ces anciens et célèbres monuments en y répandant sa sueur.
Mon esprit a été frappé comme par un éclair par l'idée de profiter du Concile Œcuménique et de me présenter à tous les Evêques du monde catholique rassemblés autour de la tombe de Saint Pierre pour conférer avec le Vicaire de Jésus-Christ sur les problèmes les plus importants de l'Eglise catholique et sur son influence dans le monde entier.
Pendant quelque temps j'ai gardé dans mon cœur cette idée. Ensuite j'ai prié et j'ai fait prier pour moi les meilleurs parmi les premiers fruits de la Nigrizia régénérée. Après avoir longuement consulté mes collègues de mission et une très mûre réflexion, j'ai décidé de partir pour Rome où je suis arrivé, via Messina, le 15 mars, jour de mon anniversaire.
Après avoir bien considéré tout ce qui pouvait être avantageux pour mon projet, et avoir eu des entretiens fréquents avec les Prélats du Concile Œcuménique les plus importants, surtout avec le Cardinal Barnabò, j'ai été invité à écrire un "Postulatum Pro Nigris Africae Centralis " qui devait avoir les qualités nécessaires pour pouvoir être ensuite pris en considération par l'assemblée conciliaire.
[2546]
Ainsi par une aide particulière de la grâce divine et par un effort impossible à décrire, j'ai réussi à le soumettre à la Commission.
J'ai dû contacter 600 Evêques, dont beaucoup ont signé le Postulatum.
Cette Commission était composée de Cardinaux, de Patriarches, d'Archevêques et d'Evêques, et elle avait été nommée par Sa Sainteté Pie IX pour recueillir et examiner les propositions des Pères du Concile.
Mon Postulatum a été approuvé par cette Commission, parce que le sujet proposé était utile à l'Eglise universelle ; aussi la Commission a-t-elle donné son accord pour qu'il soit soumis au Concile.
Le 18 juillet 1870, jour mémorable pour l'Eglise Catholique, le Postulatum a été finalement soumis à Sa Sainteté Pie IX par Monseigneur Alessandro Franchi, Archevêque de Thessalonique et Secrétaire de la Commission pour les Postulata et le Pape a daigné le signer et a décidé qu'on le discuterait au Concile sous la rubrique "De Missionibus Apostolicis".
[2547]
En bref, je ne peux pas énumérer tous les avantages que le Postulatum apportera dans l'avenir, parce qu'il recommande à l'Eglise Universelle la grave situation de la Nigrizia et de l'Afrique Centrale.
Le Postulatum a été accueilli avec beaucoup d'intérêt par les Evêques du Concile, dont l'attention était retenue alors surtout par l'importante question de la définition dogmatique de l'Infaillibilité du Pape. Parmi tous les avantages que le Postulatum met en évidence, je voudrais n'en relever que deux :
[2548]
1. Dès que le grand problème indiqué par le Postulatum sera discuté au Concile, et qu'une décision conciliaire apportera une réponse pour le bien de l'apostolat dans la Nigrizia, cette réponse sera sans aucun doute un monument éternel de protection pour toutes les populations de l'Afrique Centrale, et pour tous les siècles tous les catholiques la considéreront comme une interpellation gravée dans leur cœur par le Saint Concile Œcuménique et ils y reconnaîtront un appel perpétuel, qui s'étend à tous les peuples de la chrétienté catholique, pour promouvoir avec zèle la conversion des Noirs et aider sans cesse les missions d'Afrique Centrale, jusqu'à ce que la Nigrizia soit devenue chrétienne.
[2549]
2. Dès que le Concile Œcuménique Vatican aura solennellement sanctionné le principe de l'apostolat dans la Nigrizia, nous en verrons par la suite les excellents résultats. Pour l'Afrique Centrale, nous verrons non seulement des collaborateurs et des apôtres très zélés sortir des diocèses catholiques, mais nous verrons aussi les catholiques du monde entier, qui par des contributions en argent, se préoccuperont de fournir les aides matérielles qui sont nécessaires, afin que toutes les entreprises qui doivent être accomplies pour la conversion de la Nigrizia, puissent mieux progresser.
[Suit ici le Postulatum et la lettre avec laquelle Comboni demande aux Pères du Concile de le signer]
III.
[2550]
Le Postulatum a probablement encouragé la réalisation de la dernière petite expédition en Egypte que j'ai organisée vers la fin du mois d'octobre de l'an dernier. Je raconterai dans les pages suivantes comment la première impulsion a été donnée.
C'était le 29 juin, jour de la commémoration des glorieux Princes des Apôtres. La Basilique du Vatican offrait au monde un spectacle unique. Le Chef suprême de l'Eglise célébrait la Messe Pontificale et on y exhibait tout l'éclat, toute la splendeur et la beauté du culte de l'Eglise de Jésus-Christ.
Jamais une telle cérémonie n'avait été aussi sublime et magnifique qu'en cette occasion, grâce à la présence des Pères du Concile, au nombre de plus de 600, dans leurs riches et somptueux vêtements, qui faisaient leur entrée dans la principale basilique du monde.
[2551]
Pour avoir la place la plus favorable qu'il était possible d'obtenir pour bien voir, quelques personnalités distinguées m'avaient prié de les accompagner au Vatican et de les conduire près de la Confession de Saint-Pierre du côté de l'Evangile. Ces personnes ne voulaient pas seulement bien voir les cérémonies de la Messe Pontificale, mais je devais aussi leur dire les noms et les diocèses des Evêques qui passaient à côté de nous pour se rendre dans le chœur de Saint-Pierre. Ces personnalités savaient très bien que je pouvais leur donner les meilleures informations, parce que je connaissais presque tous les Evêques car j'avais eu des entretiens avec eux à propos du Postulatum, ou bien parce que j'avais fait leur connaissance dans leurs diocèses, ou encore dans d'autres circonstances, à Rome. Alors que le cortège des Cardinaux et des Prélats passait à cet endroit et que je disais leurs noms et celui de leurs diocèses, de nombreuses personnes s'empressaient autour de moi pour entendre les noms.
Parmi elles il y avait un jeune chanoine de l'Archidiocèse de Trani, dans le royaume de Naples, lequel, sans que je m'en rende particulièrement compte, tendait l'oreille plus que tout autre à ce que je disais. De nombreux Prélats se suivaient, sans cesse, l'un derrière l'autre, mais alors que l'un d'entre eux passait à côté de nous, le jeune chanoine m'a aussitôt accosté et m'a demandé : "qui est ce Prélat ?". Je lui ai répondu tout de suite : "C'est Monseigneur Bianchi Dottula, l'Archevêque de Trani, de Nazareth et de Barletta et l'Administrateur perpétuel du diocèse de Bisceglie". Le chanoine esquissa un sourire avec un air d'approbation et se tourna vers ses amis, et moi je n'y ai plus fait attention. A ce moment le Saint-Père est apparu sur la sedia gestatoria, il est monté sur le trône et il a commencé le Pontifical. Je me suis rapproché des Evêques et j'ai parlé en arabe avec quelques Prélats d'Orient. J'étais contraint de parler dans d'autres langues avec ceux qui m'entouraient, car Rome était à cette occasion l'univers.
[2552]
J'ai alors remarqué que le jeune chanoine me suivait pas à pas et captait chaque mot, quand je parlais en latin, en italien ou en français.
Deux mois plus tard il m'a confessé qu'il n'avait osé me parler à ce moment-là, mais qu'il avait prié un de ses camarades de m'adresser la parole.
Comme j'avais donné une réponse polie à son camarade, le jeune homme s'est alors donné du courage et il a commencé avec moi le dialogue suivant : "Veuillez excuser ma question, Monsieur, mais vous devez avoir en tête une affaire bien importante pour entreprendre tous ces voyages dont j'ai pris connaissance de votre bouche !"
" Le but de mes voyages", lui ai-je répondu, "consiste à recueillir des aumônes et des moyens de subsistance pour ma mission et à chercher des Missionnaires, animés par le vrai esprit d'abnégation et de zèle, qui m'aident dans ma grande entreprise ". Après que le chanoine eut entendu ma réponse, ses yeux ont rencontré les miens dans un regard plein de vivacité et d'ardeur.
J'ai alors parlé à nouveau avec les autres personnes et je leur indiquais les noms des Princes et des Princesses qui se trouvaient dans la loge des Princes.
Puis mon chanoine est revenu à l'improviste et m'a posé cette question : "D'après vous quelle est la mission la plus appropriée pour un Napolitain ?" "La mission d'Afrique" lui ai-je répondu immédiatement. Et ceci a excité encore plus le jeune chanoine. Mon esprit a subitement été éclairé d'une lumière et j'ai eu l'idée de gagner ce jeune à l'Afrique ; je me suis séparé amicalement des autres pour m'occuper principalement de lui et pour sonder le terrain. Et voici la question qu'il m'a posée : " Oh ! Dites-moi dans quelle contrée êtes-vous missionnaire ?" "En Egypte, ai-je répondu, sans lui préciser que j'étais missionnaire d'Afrique Centrale. Le jeune chanoine a aussitôt ajouté : " Ma joie serait grande si je pouvais être missionnaire sous votre direction ! Mais l'Egypte n'est pas la Mission que j'ai choisie pour moi. C'est l'Afrique Centrale et la Nigrizia, car après avoir lu le Postulatum Pro Nigris Africae Centralis, proposé au Concile par un certain Abbé Comboni, duquel j'ai également lu le Plan pour l'évangélisation de la Nigrizia, j'ai été pris de la sympathie la plus profonde pour ces populations.
[2553]
Oui, il me semble qu'il n'existe rien de plus important et de plus méritoire au monde que cette sublime tâche. Bien que je me sois déjà présenté à mon Archevêque et qu'il se soit mis en relation avec un Evêque lazariste d'Amérique, pour que je puisse me consacrer à sa Mission, après la lecture du Postulatum et du Plan que mon Archevêque m'avait transmis, j'ai été pris d'un amour si fort pour l'Afrique Centrale et d'une sympathie si vive pour ces populations que mon Archevêque n'a pas voulu s'y opposer et m'a dit : "Priez pour que le Seigneur vous manifeste sa volonté". N'avez-vous jamais entendu parler de la Nigrizia et de cette grande œuvre missionnaire ?" Je ne savais pas ce qui m'arrivait en écoutant ce jeune parler ainsi ! "Oui", lui ai-je répondu, "je connais cette œuvre missionnaire de la Nigrizia. Puisque les missionnaires qui vont en Afrique Centrale doivent passer par l'Egypte, j'ai eu l'occasion de les connaître tous et je suis très au courant du but de leur Mission". " Oh ! comme je suis content - a répondu le jeune chanoine - " vous qui êtes au courant de tant de choses, vous devez sûrement connaître l'Abbé Comboni qui collabore pour cette Œuvre ! " "Bien sûr !" - lui ai-je dit - "je le connais très bien". "C'est à lui que je dois parler, j'ai déjà demandé à mon Archevêque l'adresse de Comboni mais il n'a pas pu me l'indiquer. Il m'a dit qu'il le connaît très bien et il m'a conseillé de demander l'adresse de Comboni à l'Evêque de Vérone, qui la connaît certainement. Après la fin du Pontifical, j'irai tout de suite chez lui pour avoir des renseignements à ce sujet". Je lui ai alors répondu :
" Si vous voulez, je peux moi aussi vous dire où habite Comboni : il habite 47 Piazza del Gesù, au troisième étage". "Merci beaucoup", a dit le jeune chanoine tout content et il a copié l'adresse, " maintenant je n'ai plus besoin d'aller chez l'Evêque de Vérone, j'irai directement chez Comboni". " Mon cher, si vous allez tout de suite chez lui, ce sera en vain. Sûrement vous ne trouverez pas Comboni chez lui, il n'est jamais à la maison, c'est un vagabond de première classe, il a tellement d'affaires à régler qu'il rentre chez lui seulement pour dormir. Mais si vous voulez le trouver, allez chez lui demain à deux heures de l'après-midi. Peut-être que vous le trouverez à la maison, quand il rentre fatigué de la promenade à Saint Paul hors les murs ".
[2554]
J'ai renvoyé cette visite à un autre jour intentionnellement pour avoir le temps de me renseigner en détail au sujet de cet homme auprès de l'Illustre Archevêque, avant de prendre contact avec lui et de lui donner une réponse. "Demain à deux heures, je serai donc chez l'Abbé Comboni".
Ces dialogues avaient eu lieu pendant que Pie IX célébrait la Messe Pontificale. Quand le Saint-Père de sa voix sonore, qui retentit claire et distincte dans l'immense basilique, a chanté le Pater Noster, le jeune chanoine, qui avait su par les voisins que l'Abbé Comboni c'était moi, s'est approché de moi et m'a dit : " Vous êtes donc l'Abbé Comboni !" "Faites comme si c'était moi", ai-je répondu. "Alors
- a-t-il ajouté - "à partir de maintenant je me consacre à votre grande entreprise et je veux m'exposer à tous les dangers de l'apostolat de la Nigrizia. Disposez de moi immédiatement et traitez-moi comme un simple bout de bois. Je vous prie de faire une seule chose : allez voir mon Archevêque et poussez-le à me permettre de me consacrer à votre Œuvre. Je suis sûr que Dieu, par l'intermédiaire de Monseigneur l'Archevêque, m'accordera cette grâce. Je me soumets à vous pour toujours et je vous promets l'obéissance la plus inconditionnée".
[2555]
Quelle admirable disponibilité ! Mon Dieu, que tu es bon ! A l'instant même où le jeune chanoine me promettait solennellement de se vouer corps et âme à l'œuvre missionnaire de la Nigrizia, à quelques pas de la tombe du Prince des Apôtres, en présence du Vicaire de Jésus-Christ et des représentants du catholicisme, le Révérend Archevêque de Trani offrait à l'Evêque de Vérone le jeune chanoine Pasquale Fiore pour les missions de l'Afrique.
Après la Messe Pontificale, j'ai recommandé au nouvel aspirant de multiplier ses prières à Dieu et à la Reine des Apôtres pour pouvoir connaître la décision du ciel. Je me trouvais chez l'Evêque de Vérone, et dès qu'il m'a vu il m'a dit que la Divine Providence nous avait, peut-être, accordé comme collaborateur pour l'Œuvre africaine un homme remarquable dans la personne d'un excellent jeune chanoine qui lui a été offert par l'Archevêque de Trani. Il m'a chargé de parler avec l'Archevêque de Trani et d'examiner le candidat pour voir s'il avait une véritable vocation. Ceci serait vraiment inutile, parce qu'il suffirait d'avoir l'avis de Monseigneur Bianchi Dottula, qui est un illustre Prélat, fin connaisseur du cœur humain et qui savait très bien comprendre l'importance et la grandeur de cette activité missionnaire, à laquelle le nouveau candidat voulait se consacrer.
[2556]
En fin d'après-midi, quand je suis allé rendre visite à l'Archevêque de Trani, celui-ci m'a raconté toute l'histoire de la vocation de Pasquale Fiore.
Il m'a avoué qu'il endurait vraiment un grand sacrifice en se privant d'un des ecclésiastiques les plus importants et les plus zélés de son diocèse. Mais, comme il voyait que c'était la volonté de Dieu, il était tout à fait d'accord et il lui donnait volontiers son consentement. Mais avant de prendre une décision d'une telle importance, nous avons dû faire un triduum à la Mère de Dieu, afin de pouvoir connaître la volonté divine. Arrivés au troisième jour du triduum, le 2 juillet, jour de la Visitation de la Vierge, je suis retourné chez l'Archevêque et après quelques mots il m'a dit tout de suite que Dieu avait vraiment appelé le chanoine Fiore à l'apostolat en Afrique ; et c'est ainsi que tout s'est terminé.
Plus tard Fiore m'a raconté comme il avait eu la vocation pour les missions, vocation dans laquelle on reconnaît clairement la main de Dieu. Nous avons décidé qu'il retournerait tout d'abord dans son village natal pour régler toutes les affaires de sa vaste paroisse et de sa famille. Je l'appellerais ensuite, en automne, à Vérone au Collège des Missions Africaines et là, l'Evêque de Vérone et moi-même, nous déciderons comment l'employer de la façon la plus appropriée pour le bien de la grande œuvre.
[2557]
Ce ne sera pas sans intérêt pour vous, Messieurs, si je relate ici les détails qui ont poussé le chanoine Fiore à se décider pour l'Afrique.
Le chanoine Fiore est un jeune prêtre de 30 ans, dont la famille, très aisée, habite dans la ville de Corato. Sa mère, une dame très pieuse, âgée de 48 ans, nourrissait envers son fils un amour extraordinaire, et celui-ci répondait à cet amour maternel avec les mêmes sentiments, et une telle affection qu'il ne pouvait vivre que pour Dieu et sa mère. Cet amour intense envers la mère avait été la raison pour laquelle, au début de sa carrière sacerdotale, il ne s'était pas orienté vers les Missions étrangères, par lesquelles il se sentait fortement attiré.
En famille il a reçu une excellente éducation et dans le Séminaire de son diocèse, il s'est distingué pour ses capacités intellectuelles, pour sa piété et l'amour de l'étude ; c'est ainsi qu'à la fin de ses études, il a été choisi par son Archevêque pour régler certaines affaires ecclésiastiques de grande importance. Il a montré tellement de prudence, de zèle et d'habileté, qu'à l'âge de 26 ans seulement, on lui a confié la grande paroisse de Corato qui comptait 32.000 âmes. A l'époque du choléra qui a sévi deux fois de façon horrible dans cette ville, son esprit d'abnégation a été vraiment admirable. En 1867, au moment de la manifestation la plus virulente de cette épidémie à Corato, de 140 à 150 personnes mouraient chaque jour. La grande activité et le zèle vraiment apostolique que Fiore a montré pendant les tribulations de sa ville, ont eu pour effet que l'Archevêque, suite à la demande de nombreuses personnes, l'a nommé Chanoine du Chapitre de Corato et il a dû, en outre, exercer la lourde tâche de Curé de la paroisse et de confesseur de nombreuses religieuses dans les monastères de cette contrée.
[2558]
L'exercice quotidien de son office spirituel ne l'empêchait pas de donner à sa mère les preuves d'affection les plus tendres. Quand, à midi, il rentrait à la maison, avant tout il souhaitait voir sa mère, et à chaque fois qu'il allait à l'église, il passait saluer d'abord sa mère. Tous deux semblaient incapables de vivre séparément. Mais lorsque il a ressenti plus fortement encore la vocation à consacrer sa vie aux Saintes Missions, son âme était troublée car il craignait que l'affection intense éprouvée pour sa mère puisse devenir un grave obstacle à la réalisation de son projet. Que de fois le jeune chanoine a été sur le point de briser ce lien du sang, pour fuir vers un monde lointain et pouvoir ainsi offrir son âme à Dieu seul ! Que de fois à grand-peine, il a su résister à la tentation d'abandonner sa maison pour entrer dans un Institut missionnaire ! Mais l'amour pour sa mère était toujours plus fort que lui.
[2559]
Son âme se trouvait dans cet état quand une affaire administrative particulièrement urgente l'a appelé à Rome. C'est seulement avec de grandes difficultés qu'il a réussi à se séparer, pour quelques jours, de sa mère très aimée.
A son arrivée à Rome, il a rencontré un collègue qui voulait faire les Exercices Spirituels dans une communauté religieuse, mais sans en avoir pu trouver encore l'occasion. Or, un matin, alors que Fiore célébrait une Messe chez les Jésuites, il vit une annonce sur laquelle était indiqué un cours d'Exercices Spirituels chez les Pères Jésuites à San Eusebio et la date du commencement. Il a alors demandé à un Père Jésuite si son ami pouvait prendre part à ces Exercices. Ayant reçu de lui une réponse affirmative, dès qu'il lui fut possible, il alla chez son collègue pour lui donner la nouvelle. Fiore fut invité par ce dernier à faire les Exercices avec lui.
Tout d'abord le jeune chanoine refusa parce qu'il venait de les faire peu de temps auparavant. Mais, suite à l'insistance de son ami, il dut aller avec lui à San Eusebio. Là, ils ont appris qu'il n'y avait qu'une seule place. Fiore, donc repartit chez lui, tout triste, parce que désormais, il percevait une voix intérieure qui le poussait toujours plus à refaire les Exercices Spirituels précisément à ce moment, et parce que l'occasion lui en avait été offerte. Il s'est mis d'accord à ce sujet avec son Archevêque qui lui a conseillé de retourner à San Eusebio et d'essayer à nouveau d'obtenir une place pour faire les Exercices Spirituels. Après avoir supplié avec insistance il a obtenu l'autorisation des bons Pères. C'était le célèbre Père Curci un Jésuite qui prêchait les Exercices. Il y a eu cinq prédications sur la vocation de l'homme, dans lesquelles l'élan était plus que jamais sublime, et le Père a dépeint avec une telle force les arguments et avec une telle inspiration les vanités de ce monde et la caducité de toutes les choses terrestres, que Fiore n'a plus hésité un seul instant à embrasser l'apostolat des Missions étrangères et à quitter sa mère très aimée pour laquelle il nourrissait tant d'affection. L'amour pour les âmes malheureuses qui agonisaient encore sous la domination de Satan, et son ardent désir de les libérer et de les affranchir, ont remporté la victoire sur l'amour envers sa mère ! Il a alors totalement confié son état d'âme à son Archevêque et l'a prié de lui indiquer une mission, où il pourrait offrir sa vie pour le salut des âmes. Son Archevêque parla de cela à un Evêque américain, et il était déjà sur le point de prendre avec lui une décision définitive, quand la Providence, comme je l'ai déjà dit en a disposé autrement.
[2560]
Un autre homme remarquable nous a été donné par Dieu, un homme dont l'expérience dans la cure d'âmes nous sera très utile pour la malheureuse Nigrizia. Il s'agit de l'Abbé Giuseppe Ravignani, âgé de 36 ans, Curé de Povegliano où il a exercé son ministère avec une grande sagesse et un dévouement extraordinaire pendant onze ans, en laissant parmi ses paroissiens un tel souvenir de bonté, qu'ils n'oublieront jamais leur Curé. L'Abbé Ravignani avait souhaité depuis longtemps se consacrer aux Saintes Missions, mais de nombreux obstacles, imprévus, ont encombré son chemin et retardé sa décision.
Son œuvre dans la paroisse était si bien organisée et si incomparable qu'il agissait comme s'il devait, pour ainsi dire, l'exercer dans des pays étrangers. Il agissait comme si chaque jour était le dernier de sa vie, toujours généreux envers les hommes et visant, à tous les égards, le salut des âmes.
[2561]
En décembre 1869 il a été envoyé à Jérusalem pour une affaire très importante. Arrivé en Egypte, il a rendu visite à nos Instituts et a vu tout le bien que l'on y faisait. Après avoir connu en profondeur l'esprit qui y règne et qui n'a pour but que le salut et l'élévation des âmes des hommes les plus délaissés et les plus malheureux de cette terre, a mûri en lui la décision de se consacrer à l'apostolat de l'Afrique Centrale.
Il a poursuivi son voyage en Terre Sainte, en visitant les Lieux Saints, baignés par la sueur et le sang du Divin Rédempteur, et son âme profondément pieuse, à la vue du Calvaire, du Saint-Sépulcre et de la Grotte de Bethléem, a été envahie par la ferveur la plus ardente. Sur le Golgotha, il a été saisi par un ardent désir de pouvoir donner lui aussi sa vie pour le même idéal pour lequel a donné toute sa vie et tout son précieux sang, un Dieu fait homme.
Puis il est retourné au Caire, s'est présenté à nos Missionnaires, et s'est offert à eux pour la Mission.
Mais comme j'étais déjà parti pour Rome pour recommander notre grande cause des Noirs aux représentants de l'Eglise réunis en Concile, il est venu lui aussi à Rome, et s'est mis à la disposition de Monseigneur de Canossa, Evêque de Vérone, pour notre œuvre missionnaire. Après avoir longuement réfléchi et recueilli les renseignements nécessaires, nous l'avons provisoirement envoyé à Vérone.
Le départ de la nouvelle expédition en Egypte avait été fixé pour septembre, et Ravignagni devait s'y joindre.
[2562]
Pietro Bertoli, de Venise, aussi, est un homme vraiment excellent. Il a été pendant pas mal d'années membre de l'Institut des Ministres des Infirmes et durant dix ans, il a été premier infirmier du grand hôpital de Mantoue. Il possède d'excellents talents, une santé robuste et sa conduite morale est irréprochable.
S'il avait fait des études plus régulières, il aurait très bien réussi aussi dans la carrière ecclésiastique, mais la pauvreté de sa famille était trop grande ; il a été contraint de rester à la maison et d'exercer le métier de son père.
Cependant, quand ce dernier mourut, Pietro Bertoli s'est consacré aux soins des malades chez les Oblats de Saint Camille, et à Mantoue, grâce aux soins assidus apportés aux malades dans le grand hôpital - il y en avait 600 - et grâce au travail accompli à côté des meilleurs médecins de la ville, il a eu l'occasion la plus opportune d'acquérir de nombreuses connaissances théoriques et pratiques en médecine et en chirurgie. Puisqu'il s'est montré si utile dans ce domaine en Italie, il ne manquera pas d'être aussi d'une grande utilité dans les Missions parmi les Noirs, où il peut servir comme médecin-chef. Sa vocation aux Missions d'Afrique s'était déjà manifestée depuis plus de trois ans, et j'ai donc décidé de l'envoyer au Caire.
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Je dois aussi parler du Frère laïque Domenico Polinari ; c'est un valable enseignant d'agriculture, matière qu'il connaît parfaitement. Il possède aussi d'autres connaissances utiles.
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Je parlerai une autre fois de Sœur Giuseppina. Elle est de née près Tibériade le célèbre lac qui est de première importance dans de nombreux récits bibliques. Elle est entrée au noviciat de Bethléem de Judée, puis a été appelée dans un monastère de Jérusalem et plus tard à Deir-el-Zamar en Syrie, où elle a enseigné longtemps aux jeunes filles arabes. Par la suite, sa Supérieure Générale, Sœur Emilie Julien, qui l'avait envoyée à Marseille pour une affaire, me l'a confiée, et elle a été pressentie pour notre Institut du Sacré-Cœur de Marie. Je l'ai envoyée en Egypte par Messine à la fin du mois d'octobre.
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Notre petite expédition devait partir pour l'Egypte en septembre, mais les moyens financiers nous manquèrent. L'horrible guerre qui a éclaté entre deux puissantes nations qui sont pourtant les plus civilisées du monde, a absorbé les âmes et les a détournées de l'intérêt pour nos Missions.
Dieu sait quand le monde aura à nouveau une paix sûre et durable. Bien que l'Allemagne ait touché le sommet de la gloire et ait célébré les triomphes les plus éclatants, je sais combien cette généreuse nation a souffert à cause des conséquences douloureuses de la guerre, ce farouche ennemi du genre humain. Malgré cela, ce fut la magnanime Société de Cologne qui m'a offert à nouveau les moyens nécessaires pour la petite expédition en Egypte.
Le 30 octobre, à bord du Saturno, les Missionnaires sont partis de Trieste où je les ai accompagnés ; après avoir subi des bourrasques épouvantables, en passant par Alexandrie, le 8 novembre 1870, ils sont arrivés au Caire.
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Et moi ?... Un capitaine doit toujours se trouver là où sa présence est la plus urgente et la plus importante pour la lutte, et là où son commandement promeut davantage la grande Œuvre.
En Egypte, l'Œuvre de notre Mission a très bien commencé, et nos Instituts, pour ainsi dire, peuvent fonctionner tout seuls. Il ne leur manque que les moyens de subsistance, l'argent. Puisque le monde gît dans une obscurité totale et que l'horizon est partout si sombre que l'on ne sait pas où trouver des aides sûres pour l'avenir, je reste en Europe où je m'emploie à chercher des moyens, en faisant de mon mieux. Mais dans des conditions aussi tristes, quels moyens pourrais-je trouver en Italie et en France ? Il est inutile d'espérer une aide financière de ces pays. Et l'Allemagne catholique ? L'Allemagne catholique est la nouvelle Rome, elle guérit toutes les blessures, et sa bienfaisance et ses sources de secours sont intarissables. L'Allemagne ne diminuera pas ses aides à cause du mandat que la Providence lui a confié : défendre et protéger la Nigrizia.
Messieurs, vous avez participé à la fondation de l'Œuvre sainte, qui, au milieu d'épouvantables tempêtes, d'incertaine est devenue une réalité et vous l'aidez pour qu'elle continue. La guerre fait certainement tarir de nombreuses sources d'aides ; le commerce languit, et l'obole de la veuve et de l'orphelin est de plus en plus difficile à avoir, mais permettez-moi de vous répéter que la bienfaisance de l'Allemagne est inépuisable ! Si vous pensez à l'épouvantable, à l'invraisemblable effusion de sang de la guerre actuelle, qui engloutit des centaines de milliers de vies humaines, tout cela n'est encore qu'une pâle idée de la grande misère dans laquelle gisent des millions de pauvres Africains. Courage donc ! ""Non pervenitur ad magna praemia nisi per magnos labores. ("On ne parvient à de grands résultats qu'au prix de grands efforts").
Votre bienfaisance, qui ne diminue jamais, a déjà sauvé de nombreuses âmes, parce qu'elle a aidé et appelé à la vie une œuvre qui est la plus catholique du monde. La constance, l'imperturbabilité dans vos œuvres de charité concourent aussi à la consolider et à la faire croître.
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Pour que les Instituts d'Egypte et les œuvres missionnaires, qui naîtront aussi bientôt sur le sol d'Afrique Centrale, portent en eux le sceau d'une fondation durable, en 1867 j'ai fondé à Vérone, sous la protection du Révérend Monseigneur di Canossa, un petit Collège pour les Missions Africaines pour former des Prêtres européens, afin que nos Instituts et la Mission d'Afrique Centrale aient toujours avec ce Séminaire de nouveaux Missionnaires et des Coopérateurs.
J'ai nommé Supérieur du Collège le pieux et savant Abbé Alessandro Dalbosco ; auparavant, il avait travaillé avec moi comme Missionnaire en Afrique Centrale.
On ne pouvait penser à une personne plus apte que lui pour cette tâche. C'est un homme aux mœurs austères, connaissant en profondeur l'esprit humain et les difficultés de l'activité missionnaire en Afrique Centrale, il est aimable, convaincant dans ses argumentations, et connaissant parfaitement la Dogmatique, la Morale, le Droit Canonique, les Lois canoniques orientales, l'Histoire et les coutumes d'Orient, les tribus noires, l'arabe, l'italien, l'allemand, le français, l'anglais, le nubien et le grec. Il nous a semblé qu'avec cet homme le ciel avait fait un cadeau à l'Œuvre naissante, pour laquelle l'Abbé Alessandro a donné sa vie.
Hélas ! il a été affecté par les grandes fatigues de l'apostolat en Afrique, d'autant plus qu'il souffrait d'une maladie abdominale, qui a commencé à se développer déjà à Khartoum et qu'il avait négligée pendant les quatre années passées à Legnago, totalement pris par son travail. Quand il est revenu de l'Assemblée générale de Bamberg, il a dû rester alité pendant plusieurs mois, et il est mort le 15 décembre 1868, en laissant orphelin une fois de plus, notre petit Collège missionnaire de Vérone, tout comme l'Œuvre du Bon Pasteur, dont il était le secrétaire.
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Ce fut une dure perte pour le Collège de Vérone. Il est donc plus que jamais important que les Instituts d'Egypte et le Collège de Vérone se donnent la main, marchent ensemble et s'aident mutuellement, afin que nous puissions atteindre l'unique sublime idéal, qui consiste à planter de façon stable la Foi chrétienne en Afrique Centrale.
J'ai donc dû rester à Vérone, et j'y resterai pendant quelque temps encore, pour donner à ce Collège la meilleure orientation, pour le consolider, et surtout pour répondre aux souhaits du Cardinal Barnabò, qui, avec sa façon de faire facétieuse, m'a déjà dit plus d'une fois : "Mon cher Comboni, ou bien tu m'écris noir sur blanc que tu vivras encore 35 ans, ou bien tu mets bien en place le Collège de Vérone pour qu'il donne de bons Missionnaires pour l'Afrique. Dans les deux cas, tu as de grandes espérances de pouvoir accomplir, le plus tôt possible, une grande activité missionnaire en Afrique Centrale. Mais si tu n'organises pas le Collège de Vérone, ou s'il t'arrivait un accident qui te porterait dans l'autre monde, ta belle œuvre pourrait peut-être partir en fumée !" Comme je n'ai trouvé pour le moment personne qui m'assure que je vivrai encore 35 ans, et pas même un seul jour, il est donc nécessaire que je m'occupe sérieusement du Collège de Vérone.
Bien que, comme Saint Paul, j'aie déclaré avec toute la sincérité de mon cœur "Servus inutilis sum", et puisque je sais très bien que je ne peux faire que très peu ou rien du tout, en ceci je donne entièrement raison au Cardinal, qui est le Supérieur de Propaganda Fide.
Un grand Serviteur de Dieu, le vénérable Benaglio Corte de Bergame, mort en 1836 en odeur de sainteté et dont le procès de béatification va bientôt commencer, a dit : "Les grandes œuvres de Dieu ne sont jamais accomplies par les savants ni par les saints mais par ceux qui en ont eu l'inspiration de Dieu".
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Cette sentence que les Saints Pères aussi expriment me console beaucoup parce que je sais avec une grande certitude qu'il me manque beaucoup pour être saint et savant ; me font même défaut les principes de la perfection et de la prudence des Saints. Mais malgré cela je suis convaincu d'accomplir la volonté de Dieu, en me faisant le promoteur de l'Œuvre africaine. Dieu, par son Vicaire sur terre, m'a confié cette mission et moi je donne ma vie pour cette œuvre sainte que j'ai commencée.
J'ai donc dû travailler avec toutes mes forces pour le Collège de Vérone, parce qu'il doit me former des collaborateurs aux grandes capacités pour l'œuvre évangélisatrice en Afrique Centrale et pour les Instituts d'Egypte. J'espère que par la suite, quand ces derniers seront sur le terrain de leur activité missionnaire, avec la grâce de Dieu, ils obtiendront de nombreuses conversions, feront prospérer nos Missions autant en Egypte que dans la Nigrizia. Et, si ensuite les magnanimes catholiques de la grande nation allemande se convainquent de ces succès, ils s'enflammeront avec un zèle toujours plus grand pour le développement de la sainte entreprise et feront affluer toujours plus de moyens à la Société de Cologne, qui sera ainsi en mesure de nous apporter des secours toujours plus importants.
Le développement de la mission africaine se réalisera ainsi à partir de Cologne et de Vérone, alors on touchera au but, c'est-à-dire, l'établissement et la victoire de la Foi catholique sur tout le territoire de la Nigrizia.
J'ajoute aussi ici un bref programme de toute l'activité dans notre mission, programme que j'ai fait imprimer en Allemagne sur des feuilles volantes.
PROGRAMME
DE LA REGENERATION DE LA NIGRIZIA
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La religion chrétienne, source de salut et fondement de la civilisation des peuples, malgré les efforts répétés et héroïques accomplis pendant 18 siècles, n'a jamais pu s'enraciner profondément au sein des peuples d'Afrique Centrale.
Il s'agit, environ, de la dixième partie du genre humain, soit 100 millions de malheureux fils d'Adam, appartenant en grande majorité à la race noire, qui gisent encore dans les ténèbres et les ombres de la mort.
L'Europe, qui a le devoir d'apporter la civilisation dans le monde entier, après avoir été elle-même arrachée par la force admirable de l'Evangile au joug infâme du paganisme, doit déployer, avec un zèle renouvelé, son immense puissance pour le noble idéal de travailler afin d'illuminer et sauver ce continent malheureux et délaissé, pour l'appeler à faire partie du grand troupeau de notre Pasteur commun.
[2571]
Pour la réussite de cette sublime et utile entreprise il est nécessaire, en Europe et sur les côtes de l'Afrique, que s'organisent toutes les œuvres qui peuvent introduire l'apostolat catholique en Afrique Centrale, selon la méthode exposée dans le "Plan pour la régénération de l'Afrique," fondé sur le principe de régénérer l'Afrique par l'Afrique.
Jusqu'à présent, la sainte entreprise embrasse ce qui suit, c'est-à-dire :
I. EN EGYPTE
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A - La maison du Sacré-Cœur de Jésus, dirigée par les membres du Collège des Missions Africaines de Vérone. Son but est le suivant :
1. L'éducation religieuse et morale des jeunes Noirs et leur instruction dans les sciences et les techniques qui leur sont nécessaires pour pouvoir ensuite travailler comme apôtres, sous la direction de Missionnaires européens, au sein de leurs tribus en Afrique Centrale.
2. La possibilité que les Missionnaires européens s'acclimatent et acquièrent les connaissances nécessaires pour la pratique du ministère apostolique à l'intérieur de l'Afrique.
3. Enfin l'instruction religieuse et la conversion des Noirs qui vivent en Egypte.
La maison du Sacré-Cœur de Jésus comprend :
a) les Missionnaires
b) les catéchistes et les coadjuteurs
c) le catéchuménat et l'école pour les Noirs
d) un hôpital pour les Noirs abandonnés.
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B - La maison du Sacré-Cœur de Marie, dirigée par les Sœurs de Saint Joseph. Son but est l'éducation religieuse et morale des jeunes Noires et l'apprentissage des travaux féminins afin qu'elles puissent ensuite travailler avec succès comme porteuses de la religion et de la civilisation auprès de leurs tribus.
Cette maison comprend :
1. Les Sœurs ;
2. Les jeunes Noires qui se consacrent aux Missions ;
3. Les aspirantes et les auxiliaires ;
4. Le catéchuménat et l'école ;
5. Un petit hôpital pour les Noires abandonnées.
[2574]
C - La maison de la Sainte famille.
Son but est une école publique pour le Vieux Caire, dirigée par les Missionnaires noires (voir ci-dessus B, n.2), pour les filles de toute couleur et de toute religion. L'enseignement concerne principalement la Foi et la morale catholiques, les sciences et les travaux féminins ; les cours sont donnés en plusieurs langues.
Ces Instituts sont sous la juridiction de Son Excellence le Vicaire et Délégué Apostolique d'Egypte.
II. EN EUROPE
[2575]
1. Le Collège des Missions Africaines de Vérone. Son but est la formation des grands séminaristes et des jeunes Prêtres pour l'apostolat en Afrique, mais aussi la mise à l'épreuve de leur vocation et de celle des catéchistes et des coadjuteurs qui veulent servir dans les missions d'Afrique.
2. L'Institut des femmes missionnaires pour l'Afrique à Vérone. Son but est la formation de Sœurs pieuses et zélées, destinées à diriger les Instituts féminins pour les filles d'Afrique Centrale.
[2576]
3. La pieuse Association du Bon Pasteur, Elle a été érigée canoniquement à Vérone et a été enrichie de nombreuses Indulgences plénières par Sa Sainteté Pie IX. Son but est la collecte de pieuses donations et d'aumônes pour pouvoir faire vivre le Collège des Missions Africaines de Vérone et le susnommé Institut des femmes missionnaires pour l'Afrique.
Son Excellence Monseigneur Luigi Marquis de Canossa, Evêque de Vérone, est le Président de la grande Œuvre de la régénération de l'Afrique.
L'Abbé Daniel Comboni, Missionnaire Apostolique d'Afrique Centrale et Supérieur des Instituts pour les Noirs en Egypte, est le Vicaire, et le Directeur Général de cette entreprise.
Abbé Daniel Comboni
Missionnaire Apostolique d'Afrique Centrale
et Supérieur des Instituts pour les Noirs en Egypte